Laurent Hénart, maire de Nancy, défend pour sa ville l’idée d’une « culture en continu », inscrite dans la durée et fondée sur la ressource humaine, artistique et culturelle.
Laurent Hénart, le nouveau maire (UDI-UMP) de Nancy, a longtemps été adjoint à la culture et à la jeunesse avant de succéder à André Rossinot. En 2004-2005, il était secrétaire d’État chargé de l’insertion professionnelle des jeunes dans le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Il préside depuis juin 2012 le Parti radical à la suite du départ de Jean-Louis Borloo.
Nancy est située à la quatrième place du Palmarès culturel des villes de plus de 100 000 habitants établi en 2013 par le « Journal des Arts » [JdA no 401]. Cette position vous paraît-elle justifiée ?
C’est une place qui correspond à l’identité de la ville et aux efforts de la collectivité. Nancy a toujours été une ville d’art comme en témoigne son patrimoine. Mais c’est aussi une ville où résident et travaillent des artistes. Il y a des écoles d’art et d’architecture, un conservatoire national. La collectivité consacre près du quart de son budget à l’action culturelle, comme c’est le cas encore pour 2014. La culture fait partie, au côté de l’Université, de la santé et des entreprises innovantes, des points d’appui pour le rayonnement et l’attractivité de la ville.
Nancy dispose d’un patrimoine important, pourquoi ne pas avoir demandé le label « Ville d’art et d’histoire » ?
Parce que nous avons d’abord travaillé sur le label « Commune touristique ». La culture entre dans la stratégie du développement touristique de la ville avec la reprise du thermalisme et le nouveau centre des congrès. Nous travaillons actuellement sur la reconnaissance de la station thermale du Grand Nancy. Nous avons commencé par ce label qui est un peu plus transversal.
Les travaux du Palais des ducs de Lorraine sont-ils retardés en raison de fouilles archéologiques ?
Les fouilles archéologiques sont prévues depuis le début. Simplement, la Commission nationale des monuments historiques a récemment prescrit un programme de sondages préalables plus important. Nous sommes à la charnière de trois quartiers historiques et nous envisageons d’associer la population à ces fouilles en leur permettant de les visiter. Le retard sera de quelques mois selon ce que l’on va trouver.
Y a-t-il un consensus parmi les Nancéiens sur ce projet de rénovation ?
Il y a un consensus pour mettre en valeur le Palais des ducs de Lorraine, prendre soin du palais du Gouvernement, remettre en beauté l’ensemble des Cordeliers. Ce projet est bien compris par les habitants et associations à qui on le présente, notamment parce que la construction prévue est très légère, plus légère que les bâtiments dits « de fond de cour » qui sont des pastiches récents et coupent la perspective. L’idée est d’avoir un musée-promenade où le visiteur puisse déambuler librement.
Pourquoi ne pas transformer le palais du Gouvernement en lieu d’exposition, ceux-ci manquant quelque peu à Nancy ?
Je ne suis pas d’accord : il y a la galerie Poirel en plein centre-ville qui offre une surface de 1 000 mètres carrés. Par ailleurs, le palais du Gouvernement ne se prête pas à des expositions d’art en raison de ses grandes fenêtres, des boiseries et éléments décoratifs importants. Nous souhaitons développer au rez-de-chaussée et au premier étage des lieux de réception et de restauration, indispensable à un grand établissement culturel moderne comme le sera le Palais des ducs de Lorraine.
Quel est le poids du financement de la restauration du palais dans le budget communal ?
L’investissement envisagé est de 40 millions d’euros. Pour l’instant, la clef de répartition est la suivante : un tiers État, un tiers Ville, un tiers Région. Cela représenterait donc pour la Ville, sur six ans, une charge de 10 à 12 millions d’euros, auxquels s’ajoute un reliquat du précédent contrat État-Région que l’on peut affecter à ce chantier.
La cour d’appel vient de maintenir dans les lieux les gestionnaires actuels du Grand Hôtel, qui jouxte la mairie. Quel est l’enjeu pour la Ville ?
La Ville ne veut évidemment pas être un exploitant hôtelier, mais le but est d’avoir un exploitant qui développe une hôtellerie et une restauration haut de gamme sur la place Stanislas. Le Grand Hôtel n’est pas dans les grands réseaux et il faut investir pour le développer car il y a la possibilité de doubler le nombre de chambres en annexant un bâtiment immédiatement voisin. Cela manque dans la filière touristique.
Pendant longtemps Nancy a privilégié l’opéra, le théâtre, la musique, au détriment de l’art contemporain, pourquoi ?
Pour une question de ressources locales. Il y a en très grand nombre des artistes du spectacle vivant qui travaillent et produisent dans l’agglomération. L’histoire avec l’opéra est très ancienne. On en trouve les premières traces à l’époque des ducs de Lorraine. Il existe un vrai vivier de comédiens, danseurs, musiciens, chanteurs. Mais nous devons assurer un équilibre entre les disciplines et c’est la raison pour laquelle nous nous sommes mis à travailler sur l’art contemporain, en enrichissant les collections du Musée des beaux-arts, en passant des commandes publiques – je pense à François Morellet sur la place Stanislas. Maintenant nous souhaitons installer l’art dans la ville.
Dans le même temps, la Ville a décidé il y a un an de vouer la galeriePoirel à la création contemporaine en le signalant à travers la commande passée à Robert Stadler sur la façade. Notre volonté, c’est la « culture en continu », inscrire les choses dans la durée et dans le terreau local avec la ressource humaine, artistique et culturelle du territoire. Le côté positif, c’est que cela n’a pas un aspect interchangeable, on ne le retrouve pas dans les autres villes. On n’est pas dans une logique de culture franchisée et importée.
Une exposition « CharlElie Couture » à la galerie Poirel, est-ce pertinent pour construire une ligne ?
Je ne veux pas faire de la galerie Poirel un lieu élitiste de l’art contemporain, qui est un des défauts de la politique culturelle française. On a trop de lieux très pointus, qui s’adressent à un réseau très fermé (galeries, artistes, étudiants et professeurs des écoles d’art). Or, si on met de l’argent public dans l’art contemporain, c’est pour que le grand public y soit confronté. C’est pour cela que l’on veut mettre l’art contemporain dans les lieux publics. L’Ensemble Poirel est un lieu populaire en raison notamment de la salle de spectacle. On y va pour le gala de danse de sa fille, pour une conférence sur l’Art nouveau avec son père… Il faut mettre cette popularité au service de la création contemporaine. C’est facile de présenter au public un grand nom de l’art ancien, mais pour l’art contemporain, c’est plus difficile, il faut trouver la bonne médiation. Et donc je trouve que c’est logique, quand on a un artiste lorrain réputé, et qui pour une part appartient à l’identité des Lorrains, qu’il puisse passer par Poirel. Cela ne sera pas récurrent dans la programmation, mais c’est quelque chose qui vise à garder la familiarité, dans le bon sens du terme, que les Lorrains ont avec le lieu.
Quelles sont vos ambitions pour la Biennale de l’image, qui n’a pas une forte visibilité nationale ?
C’est à l’association qui l’organise de proposer un projet pour monter en puissance. Mais avec la baisse des dotations de l’État, nous n’allons pas pouvoir augmenter les concours. Le budget culturel est à un niveau élevé qui ne saurait être accru. La Ville est le premier financeur public de la manifestation, il faut maintenant regarder vers le Département, la Région, les mécènes. La manifestation n’est pas « municipalisée », l’association est donc la première responsable de son développement.
Quels sont vos projets pour le site Alstom ?
L’idée est de reconquérir une partie longtemps délaissée de la ville, les rives de Meurthe, qui étaient inondables. Le site Alstom est emblématique de l’histoire industrielle de Nancy avec son patrimoine architectural du tournant du XXe siècle qui, pour une partie, mérite d’être sauvegardée et, pour l’autre, peut être démontée pour laisser la place à une architecture contemporaine. N’y aurait-il pas sur ce lieu l’opportunité d’installer des équipements partagés entre les institutions mais aussi ouverts sur des artistes d’aujourd’hui ? Nous allons réunir les acteurs culturels autour de cette idée d’un projet partagé. Alstom sert actuellement : il s’y trouve une salle d’exposition, et c’est là surtout qu’est installée la « fabrique » des spectacles. Il y a en permanence des compagnies de théâtre et de danse qui travaillent dans la halle Alstom sur une scène aux normes pour les répétitions générales avant tournée. Environ 40 à 50 compagnies.
Quelles sont vos ambitions pour le futur « campus Artem » ?
Ce campus singulier en France, qui accueille 4 000 personnes et mêle sciences humaines et sciences dures, art, communication et technique, montre bien le potentiel universitaire de la ville. Nous allons y installer le plus grand laboratoire en matière de recherche sur les matériaux d’Europe, l’Institut Jean-Lamour. Et avec le 1 % artistique que nous allons rendre public l’an prochain, la création contemporaine va investir ce grand site. La galerie qui relie les trois écoles pourrait aussi devenir un lieu de diffusion de l’art contemporain.
Allez-vous jouer la complémentarité avec Metz, toute proche ?
Nous avons déjà mis en place une coopération, par exemple avec la bibliothèque numérique de référence. Nous travaillons sur une synchronisation intelligente en matière lyrique, symphonique et chorégraphique. On doit pouvoir travailler dans cette direction.
Les Villes sont évidemment complémentaires. Nancy a toujours fait le choix de la « culture en continu » : nous accueillons des artistes, les formons ; ils créent, en résonance avec notre histoire, notre patrimoine. Metz a plutôt choisi d’accueillir des équipements comme le Centre Pompidou-Metz dont le budget de fonctionnement (12 millions d’euros) est à lui seul supérieur au budget de tous les musées de la Ville de Nancy. À l’époque, nous n’avions pas voulu pour cette raison présenter notre candidature.
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Laurent Hénart : « Pas de culture franchisée et importée »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°423 du 14 novembre 2014, avec le titre suivant : Laurent Hénart : « Pas de culture franchisée et importée »