ALLEMAGNE
Le Nigeria a transféré leur propriété à un souverain local provoquant une polémique Outre-Rhin.
Après des années de silence puis de tergiversations, l’Allemagne a rendu des bronzes au Nigeria dont fait aujourd’hui partie l’ex-Royaume du Bénin. Mais le transfert du droit de propriété au descendant du roi du Bénin, peu avant son départ de la présidence par Muhammadu Buhari, a semé le trouble en Allemagne.
L’ex-président a transféré les droits de propriété de tous les objets béninois pillés du Palais Royal en 1897 ou collectés ailleurs dans l’Empire du Benin, à l’Oba, Ewuare II. En conséquence, tout artefact restitué « peut être conservé dans le palais de l’Oba » ou dans tout endroit qu’il considère comme sûr.
Une décision qui a inquiété les institutions culturelles allemandes. En décembre 2022, Annalena Baerbock, la ministre allemande des Affaires étrangères, et Claudia Roth, ministre de la Culture, s’étaient rendues au Nigeria pour restituer vingt-deux pièces, comprenant des têtes en bronze et d’autres œuvres. Les autres restent pour l’instant dans des musées allemands, mais sont désormais considérées comme des prêts du Nigeria.
Selon l’accord de restitution signé par les Allemands, les objets devaient être placées au Nigeria, sous l’administration de la Commission nationale des musées et des monuments (NCMM) et être exposés au public dans le Musée d’art ouest-africain d’Edi, à Benin City ; dont l’ouverture est prévue pour 2026. C’est sur cette base que l’Allemagne a promis plusieurs millions d’euros pour la construction d’un musée.
Or, « l’Allemagne a rendu "ses" bronzes du Bénin au Nigéria. Voilà tout à coup qu’ils seraient la propriété du descendant de l’ancien roi du Bénin. Est-ce que cela veut dire que la politique de restitution est un échec ? », s’interroge la Süddeutsche Zeitung.
Selon Brigitta Hauser-Schäublin, ethnologue et farouche opposante à la restitution, c’est en effet un échec. Dans une tribune publiée dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung, l’ethnologue qualifie la politique de restitution de « fiasco », considérant que l’Allemagne n’a pas correctement pris en compte les questions de propriété avant de retourner les objets. Elle écrit que « le Royaume du Bénin a échangé des esclaves contre le métal utilisé pour fabriquer les objets, de sorte que les descendants des esclaves auraient dû être impliqués dans les négociations sur l’endroit où ils sont exposés ».
D’autres experts redoutent que le public nigérian n’ait plus accès aux artefacts, craignant que ces objets se retrouvent dans des collections privées ou soient vendus à des trafiquants.
En réaction à ce transfert de propriété, les autorités de la région de Saxe – responsables du Musée d’ethnologie de Leipzig où étaient conservés les objets – ont exigé des clarifications au Nigeria et mis en pause leurs démarches de restitution. Une position accueillie avec agacement par Claudia Roth. « Ce qu’il advient des bronzes maintenant, c’est au propriétaire actuel d’en décider, et c’est l’État souverain du Nigeria », a-t-elle déclaré à la chaîne ZDF.
Au Nigéria, le prince Aghatise Erediauwa, frère cadet de l’Oba et représentant de la cour royale sur les questions concernant les bronzes, a déclaré que l’Oba avait toujours été clair sur ses plans pour les bronzes restitués : « Ils seraient exposés dans des musées au Nigéria et dans le monde entier », où ils pourraient agir « en tant qu’ambassadeurs » de son royaume et de sa culture. « Mais l’Oba avait également été clair sur le fait qu’il voulait que sa propriété sur les objets soit respectée », a précisé le prince.
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L’Allemagne s’inquiète du sort des bronzes restitués au Nigeria
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