Directeur des Musées du Vatican depuis 2007, Antonio Paolucci veut améliorer l'accueil des nombreux visiteurs.
Le 11 décembre dernier, Antonio Paolucci inaugurait la nécropole romaine de la Voie triomphale, sur laquelle la basilique Saint-Pierre de Rome a été érigée. Le public peut enfin découvrir dans son intégralité la nécropole découverte dans les années 1930, qui comprend une centaine de tombes datant du Ier siècle avant J.-C. au Ier siècle, parmi lesquelles celles de saint Pierre. Fort d’une carrière auréolée de succès en qualité de Surintendant des Musées de Florence, et notamment en tant que ministre italien des Biens artistiques et culturels de 1995 à 1996, Antonio Paolucci a été tiré de sa retraite en 2007, à la demande de Benoît XVI, pour prendre la direction des Musées du Vatican. Son mandat vient d’être prolongé de trois ans par le pape François. Antonio Paolucci est un historien de l’art et un orateur passionnant, admiré pour son pragmatisme et son savoir-faire. Il a été salué pour son habilité à moderniser l’administration d’une institution aussi vaste qu’impraticable, avec des mesures tombant sous le sens, telle la vente à l’avance de billets d’entrée.
L’élection du pape François a-t-elle changé quelque chose ?
Grâce à lui, Rome accueille encore plus de monde. Après avoir suivi la prière de l’angélus le matin et les audiences papales, ces visiteurs veulent visiter les musées. Nous recevons 5,1 millions de visiteurs chaque année et j’aimerais que ce chiffre se stabilise.
Quel est le rôle des Musées du Vatican ?
Les visiteurs s’attendent à des lieux très pieux, alors qu’ils découvrent plus de nus masculins et féminins que dans la plupart des musées. Ces musées sont parvenus à embrasser la civilisation avec beaucoup d’aisance ; l’Église s’est emparée de l’antiquité classique et s’est dit : « Ceci m’appartient car la Révélation a sanctifié l’Antiquité, aussi je la rapporterai chez moi ». La métaphore la plus juste pour Dieu est l’artiste, et ici vous trouverez la création artistique provenant de tous les horizons, de Michel-Ange à la chapelle Sixtine, à Raphaël, en passant par l’art japonais, étrusque, égyptien…
Quelles sont les autres collections à votre charge ?
Nous agissons telle une Surintendance pour le Vatican, protégeant et conservant son patrimoine. Ce territoire de 44,5 hectares est constitué, à parts égales, de jardins et de monuments signés des plus grands architectes – Michel-Ange, Bramante, Le Bernin et Borromini – abritant quelques milliers d’œuvres d’art. Certains lieux à l’extérieur du Vatican sont aussi placés sous notre garde, parmi lesquels les grandes basiliques de Rome, le sanctuaire de Notre-Dame de Lorette, l’église de Saint-Antoine-de-Padoue. Nous sommes également un service archéologique.
Qu’advient-il des cadeaux reçus par les papes au fil des siècles ?
Nous devrions monter une exposition sur le sujet. Les réserves débordent de cadeaux, dont certains extraordinaires. Comme ce trône, en réalité un assemblage de Kalachnikovs, qu’un dirigeant centre-africain avait offert à Paul VI. En s’asseyant dessus, le pape est censé répandre la paix dans le monde.
De quelle manière vous répartissez-vous la responsabilité de la culture au Vatican avec le cardinal Gianfranco Ravasi, président du conseil pontifical pour la Culture ?
Nous sommes deux départements œuvrant en faveur de l’unique politique culturelle du Vatican. Nous avons, par exemple, élaboré ensemble le pavillon du Vatican à la dernière Biennale de Venise. Le cardinal Ravasi en a donné l’impulsion et les Musées du Vatican se sont chargés de sa réalisation. En plus de la profonde amitié qui nous lie, voilà les relations type que nous entretenons.
Échangez-vous des idées ?
Son objectif principal est de retisser les liens entre l’art contemporain et l’Église, qui ont été rompus il y a plus de 200 ans, avec la naissance de la modernité. C’est un projet très courageux et le cardinal est tout à fait conscient des difficultés ; il dit que le pavillon de la Biennale était une jeune pousse, un symbole des intentions de l’Église.
Quelle est la différence entre diriger un musée au Vatican et en Italie ?
La différence fondamentale est qu’ici, il n’y a pas de syndicats. C’est un régime autocrate et paternaliste. Les gens sont cooptés et si un employé n’est pas à la hauteur, on lui demande de partir. Qui a dit que le système de compétition était nécessairement mieux ? Les Musées du Vatican sont placés sous l’autorité du Gouvernorat, présidé par le cardinal Giuseppe Bertello. Ce Gouvernorat exerce le pouvoir exécutif sur la vie quotidienne au Vatican.
Qui sont vos mécènes ?
Les mécènes américains viennent de financer la restauration de la chapelle Pauline de Michel-Ange, à hauteur de 4 millions d’euros, et celle de la Galerie des cartes géographiques, pour 2 millions d’euros, et celle de la Scala Santa également pour 2 millions d’euros. Chaque année nous recevons entre 5 et 6 millions d’euros, principalement des États-Unis, mais aussi du Royaume-Uni, de la Belgique, entre autres pays. Les fouilles et la restauration de la nécropole ont été financées, en majeure partie, par le Chapitre canadien des Amis des arts des Musées du Vatican (env. 650 millions d’euros).
Quelle est votre politique de prêt ?
Nous prêtons beaucoup. Parmi nos critères d’acceptation d’un prêt, il y a l’intérêt scientifique d’une exposition, mais aussi les priorités de l’Église. Lors de sa récente visite au Brésil, le Pape François a souhaité qu’une exposition soit organisée [au Musée national des beaux-arts de Rio de Janeiro] autour de la figure du Christ, et lorsque Benoît XVI est allé à Dresde, nous y avons envoyé la Vierge de Foligno [1511-12] de Raphaël, pour qu’elle soit présentée auprès de la célèbre Madone Sixtine [1513-1514].
Quel est votre plus grand problème sur le plan pratique ?
L’impact du nombre important de visiteurs. Les files d’attente ont été largement réduites grâce aux réservations faites en ligne, mais une telle fréquentation peut avoir des conséquences dommageables, en particulier dans la chapelle Sixtine que tout le monde veut voir. En haute saison, entre 20 000 et 25 000 personnes y défilent chaque jour, introduisant dioxyde de carbone, vapeur d’eau et poussière. Nous avons demandé à Carrier, une grande société américaine, d’élaborer une méthode pour faire face à ce problème d’humidité ; autrement, nous serons forcés de limiter le nombre de visiteurs, ce qui n’est pas mon souhait – imaginez ceux qui viennent de Corée exprès pour voir les œuvres de Michel-Ange…
Quel est l’aspect de votre métier que vous préférez ?
Une fois que la foule est partie, j’aime me tenir dans la cour octogonale illuminée par les rayons du soleil couchant, entouré des chefs-d’œuvre de la sculpture, le Laocoon, la Venus Pudica… Ou bien être dans la Chambre d’Héliodore, avec la fresque de La Délivrance de saint Pierre par Raphaël – c’est déjà du Titien, c’est du Caravage avant le Caravage. Raphaël était vraiment le plus grand peintre de tous les temps. Imaginez qu’ils me paient pour ça
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L’actualité vue par Antonio Paolucci, directeur des Musées du Vatican
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°406 du 31 janvier 2014, avec le titre suivant : L’actualité vue par Antonio Paolucci, directeur des Musées du Vatican