Après avoir fermé ses portes en 2013, l’ancien Musée du Montparnasse situé dans une allée verdoyante renaît sous le nom de « Villa Vassilieff » grâce à Bétonsalon. Le centre d’art entend y organiser des expositions d’art contemporain en lien avec la mémoire du quartier. Il ne reste plus rien de l’ancien musée, qui a sombré après des dissensions internes.
PARIS - Le week-end du 13 et 14 février, un établissement culturel géré par le centre d’art et de recherche Bétonsalon (déjà installé dans le 13e arrondissement) a ouvert ses portes dans un de ces anciens ateliers d’artiste qu’abrite le chemin du Montparnasse, charmante petite allée qui cache derrière sa verdure une fleuriste, des espaces d’exposition, un antiquaire… Cet espace prend le nom de « Villa Vassilieff », en référence à une ancienne occupante, Marie Vassilieff. La peintre et sculptrice russe installa dans le lieu son atelier mais aussi la cantine des artistes, qui nourrissait Picasso, Modigliani, Chagall… et les artistes désargentés pendant la Première Guerre mondiale.
Devant cette Villa Vassilieff, un promeneur non informé pourrait se demander s’il s’agit là d’un lieu dévolu à la création contemporaine ou d’un point d’information sur l’histoire artistique du quartier, très marqué par l’école de Paris dans la première moitié du XXe siècle. De 1998 à 2013, le Musée du Montparnasse, à cette même adresse, suscitait déjà les mêmes questions. Évoquant par son nom un conservatoire de la mémoire du quartier, ce musée n’en était pas vraiment un, n’exposant guère ses maigres collections permanentes (une quarantaine d’œuvres léguées par des familles d’artistes du coin) si ce n'est des poupées réalisées par Marie Vassilieff.
Le lieu, géré par l’association des Amis du musée du Montparnasse, abritait plutôt des expositions temporaires, qui ont d’abord été largement consacrées au passé de Montparnasse (Foujita, les artistes russes, Cocteau…). Place a ensuite été laissée à un art contemporain cosmopolite plus déconnecté de l’histoire du quartier. Ces divergences de programmation – combinées à des querelles de personnes et à une fréquentation en berne (lire le JdA no 397, 20 septembre 2013) – ont engendré des tensions dans l’association qui ont conduit la Ville de Paris, propriétaire des lieux, à ne pas renouveler la convention d’occupation des lieux signée avec l’association du Musée du Montparnasse. La municipalité lui a préféré Bétonsalon (lire le JdA no 428, 30 janv. 2015), structure financée en grande partie par ses soins.
Après plusieurs mois de travaux pour rafraîchir l’atelier de 350 m2 construit à l’aide de matériaux de récupération issus de l’Exposition universelle de 1900, la Villa Vassilieff a ouvert ses portes avec pour ligne directrice : « Inviter des artistes et chercheurs à poser un regard contemporain sur les ressources passées et présentes de Montparnasse. »
Les plaques de verre de Marc Vaux
C’est autour d’un fonds emprunté au Musée national d’art moderne-Centre Pompidou, institution avec laquelle Bétonsalon entretient des liens (le directeur du Mnam, Bernard Blistène, est également président du conseil d’administration de Bétonsalon), que la Villa Vassilieff organise sa première exposition inaugurale. Elle a puisé dans les 250 000 plaques de verre du photographe Marc Vaux (1895-1971), lequel a capturé les images des artistes actifs à Paris de 1920 à la fin des années 1960, mais également fondé un premier « musée du Montparnasse » en 1951, non loin de là.
Les tirages modernes de Marc Vaux, fil conducteur de la déambulation, voisinent avec quelques figures artistiques de Montparnasse. L’artiste polonais J.D. Kirszenbaum (1900-1954) – que le Musée du Montparnasse n’avait jamais exposé, estimant qu'il était un représentant secondaire de l’école du Paris – est en bonne place sur les cimaises, aux côtés d’archives prêtées par sa famille et d’un portrait que Marc Vaux a réalisé du peintre dans son atelier en 1953. Georges Visconti, peintre de 97 ans méconnu mais voisin de palier de la villa depuis des décennies, a également prêté deux de ses œuvres. « Nous avons voulu montrer des artistes peu connus du grand récit de l’histoire de Montparnasse », explique Mélanie Bouteloup, directrice de Bétonsalon et de la Villa. On s’étonnera de ne trouver de Marie Vassilieff qu’un portrait et une œuvre de toute petite dimension. « Le montant de l’assurance d’autres œuvres a été jugé trop élevé », souffle le prêteur Claude Bernes, spécialiste et propriétaire d’une vaste collection de l’artiste.
Le lieu expose aussi nombre d’œuvres d’artistes contemporains, dans un dialogue avec le passé parfois explicite, parfois plus difficile à saisir. Le mélange restera-t-il une constante du lieu ? « La programmation sera flexible », explique Virginie Bobin, responsable des programmes de la Villa. Elle sera influencée par les artistes et chercheurs qui, après « sélection sur leur projet de recherche par un jury qui doit évoluer chaque année », se succéderont tous les trois mois en résidence, « sans production obligatoire pour la Villa ».
Logés dans le bel atelier attenant (financé par Pernod Ricard), les invités bénéficieront d’un accès aux fonds des institutions partenaires (le futur Institut Giacometti, le Musée Bourdelle, les ateliers de l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris à Montparnasse…) et d’un accompagnement dans leur recherche. Enfin, la Villa Vassilieff l’assure : elle n’a pas l’intention de se doter d’une collection. Le musée du Montparnasse (devenu après sa déroute « Association du Montparnasse vivant ») a quant à lui rendu la majorité des œuvres à ceux qui les lui avaient confiées, et a détruit – par manque de place – une grande partie de ses archives.
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La seconde vie de l’ex-Musée du Montparnasse
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Abonnez-vous dès 1 €21, av. du Maine, 75015 Paris, tél. 01 43 25 88 32, du mardi au samedi 11h-19h, www.villavassilieff.net, entrée libre. Exposition « Groupe mobile », réunissant une soixantaine d'artistes et chercheurs, jusqu’au 2 juillet.
Légende Photo :
Vue de l’atelier Pernod Ricard à la Villa Vassilieff, Paris. © Villa Vassilieff
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°451 du 19 février 2016, avec le titre suivant : La seconde vie de l’ex-MuseÌe du Montparnasse