La Ville de Paris a décidé de ne pas renouveler la convention d’occupation dont bénéficie jusqu’au 30 septembre l’association des Amis du Musée de Montparnasse, affaiblie par des dissensions internes. Un appel d’offres pour un espace culturel orienté vers les arts plastiques doit être lancé en novembre. Tandis que le Musée de La Poste s’invite dans les murs.
PARIS - « Un endroit à l’abri du monde ! », commente un touriste de passage à un habitant des lieux en train d’arroser ses rhododendrons et ses rosiers. Le 21, avenue du Maine est en effet protégé des bruits de la ville par une étonnante végétation. Sous l’écriteau « Chemin du Montparnasse », vingt-quatre boîtes aux lettres déclinent l’identité des riverains : une fleuriste, un antiquaire, un cours d’art dramatique, la Fondation Yves Klein et… le Musée du Montparnasse, dont l’avenir est aujourd’hui des plus incertains.
L’allée des artistes
Jusqu’en 1929, l’adresse accueillait l’atelier et l’académie de la peintre et sculptrice russe Marie Vassilieff, qui n’hésita pas pendant la Première Guerre mondiale à offrir le couvert pour 50 centimes l’assiette à Picasso, Braque, Modigliani, Chagall, Soutine, Léger et à nombre d’autres représentants de l’école de Paris. De 1930 à 1960, le lieu abrite successivement l’atelier d’architecture Gromort-Arretche de l’École des beaux-arts, un théâtre, des galeries… En 1945, le Chemin du Montparnasse revient par héritage à la fille d’un plombier résidant dans l’allée, lequel avait racheté un à un tous les ateliers pour protéger l’identité des lieux. En 1992, au décès de la propriétaire, la Ville de Paris, usant de son droit de préemption, acquiert toutes les maisons d’artistes et envisage de construire deux immeubles de cinq étages, un projet qui nécessite notamment la démolition des premières habitations de l’allée. Fermement décidés à préserver leur îlot de verdure, les riverains s’organisent pour s’opposer au permis de construire. Après quatre années de lutte, ils obtiennent gain de cause, le projet immobilier est annulé et l’endroit est inscrit sur l’Inventaire supplémentaire des monuments Historiques. En 1998, le cinéaste et photographe Roger Pic crée le « Musée du Montparnasse », administré par l’association des Amis du Musée du Montparnasse, composée de bénévoles. Ne possédant qu’une quarantaine d’œuvres données ou léguées (photographies, peintures et dessins d’artistes de l’école de Paris et des poupées créées par Marie Vassilieff, données à l’association en 2007), le musée organise régulièrement des expositions temporaires d’œuvres prêtées. Au fil du temps, des dissensions se font jour au sein du conseil d’administration, composé de treize membres. Faire du musée subventionné à hauteur de 130 000 euros annuels par la Ville de Paris un « mondial de poche », telle est l’ambition de Jean Digne, président depuis 2002. Une vision cosmopolite loin de faire l’unanimité parmi ses pairs. Tandis que cet ancien directeur de l’Association française d’action artistique (aujourd’hui Institut français) développe un projet international tourné vers l’art contemporain et multiplie les courtes expositions (onze en 2012), plusieurs membres du conseil critiquent une programmation pas assez centrée sur l’histoire de Montparnasse.
Une association sous tension
Le don Krajcberg va en particulier cristalliser les désaccords. En 2002, le sculpteur écologique Frans Krajcberg, installé entre le chemin du Montparnasse – où il a toujours un atelier – et le Brésil, fait don à la Ville de Paris d’un ensemble de ses œuvres et en confie la gestion au Musée du Montparnasse. En 2013, l’artiste, mécontent de la gestion de son œuvre par Jean Digne, se plaint auprès de la direction des Affaires culturelles (DAC) de la Ville de Paris par la voix de Claude Mollard, président de l’Espace Krajcberg installé au fond de l’impasse. Le ton monte entre Jean Digne et Claude Mollard au point que les deux associations, celle des Amis du Musée du Montparnasse et celle des Amis de Frans Krajcberg, divorcent. La Mairie, informée des événements, décide alors d’annuler sa subvention de 35 000 euros attribuée aux Amis du Musée pour la gestion du fonds Krajcberg, ceci au profit des Amis de Frans Krajcberg, puis de ne pas renouveler la convention d’occupation des lieux dont bénéficie le Musée du Montparnasse et qui s’achève le 30 septembre 2013. « Au vu des dissensions au sein de l’association, nous avons décidé de lancer un appel d’offres en novembre pour un espace culturel orienté vers les arts plastiques », explique Régine Hatchondo, directrice de la DAC, précisant que l’association des Amis du Montparnasse pourrait y répondre.
Le Musée de La Poste en intérim
Cette décision mécontente naturellement le conseil d’administration du Musée du Montparnasse, qui, après l’annonce de la démission de son président Jean Digne à compter du 30 septembre, et la mise à l’écart de Claude Mollard du même conseil, émet le souhait de se reconstruire autour d’un projet commun et d’un nouveau président. En mai 2013, Yves Marek, l’ancien responsable du Musée du Luxembourg et diplomate en disponibilité, rejoint l’association après avoir été approché par Sylvie Buisson, membre du conseil d’administration, historienne de l’art spécialiste de Foujita et commissaire de plusieurs expositions depuis la création du musée. Se lançant à corps perdu dans la bataille pour la survie du musée, il décide de contester l’éviction du musée en justice, considérant que la convention d’occupation est en fait un bail commercial ouvrant droit soit à un renouvellement, soit à la perception d’indemnités d’éviction. Un jusqu’au-boutisme qui déplaît à certains membres de l’association. « Si Yves Marek s’obstine à vouloir aller jusqu’au procès, je crains que le conseil ne soit obligé de demander sa démission », explique Sylvie Buisson.
Pour l’heure, c’est le Musée de La Poste qui, finançant des travaux de rénovation à l’automne, investira l’Espace Krajcberg (avec lequel il a signé un partenariat). Il y installera ses ateliers pédagogiques du matin et organisera durant toute l’année 2014 une exposition temporaire dans les 400 mètres carrés du Musée du Montparnasse. Une arrivée qui résulte d’une convention négociée en 2012 entre Jean Digne et Mauricette Feuillas, directrice du Musée de La Poste. Cette dernière s’apprête aujourd’hui à signer avec la Ville, qui se donne un an pour statuer sur le devenir du Musée du Montparnasse.
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Le Musée du Montparnasse dans la tourmente
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Abonnez-vous dès 1 €Le chemin de Montparnasse, voie d'accès au musée de Montparnasse. © Photo Margot Boutges.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°397 du 20 septembre 2013, avec le titre suivant : Le Musée du Montparnasse dans la tourmente