Le Conseil d’État acte la restitution à Madagascar des crânes de trois guerriers, première application de la loi-cadre sur les restes humains.

Madagascar. Le 30 août 1897, tombe le dernier bastion malgache résistant encore à la colonisation française. Cette bataille marque la fin de la conquête de l’île, entamée deux ans auparavant. Ce jour-là, Toera, roi de la province de Sakalava sur la côte ouest, est défait dans sa capitale, Ambiky ; il est capturé, exécuté, décapité. Sa tête est ensuite envoyée en France, où elle sera conservée au Musée d’ethnographie du Trocadéro, devenu aujourd’hui le Musée de l’Homme.
Le 2 avril 2025, le Conseil d’État décrète que ce crâne, ainsi que ceux de deux guerriers qui accompagnaient le roi Toera, cessent de faire partie des collections nationales et soient restitués à la République de Madagascar. C’est la première application de la loi-cadre, adoptée en 2023.
Auparavant, la dépouille de Saartjie Baartman (la « Vénus hottentote ») avait été restituée en 2002 à l’Afrique du Sud, et les 21 têtes maories rendues à la Nouvelle-Zélande entre 2011 et 2012 dans le cadre de deux lois spécifiques. En revanche, la sortie des collections publiques des restes du cacique Vaimaca Perú et des crânes de résistants algériens, et leur restitution à l’Uruguay et à l’Algérie, ont été effectuées par décret présidentiel, sans passer par le Parlement.

C’est précisément pour éviter ces lois d’exception et ces décrets juridiquement discutables qu’a été votée, en décembre 2023, la loi-cadre issue d’un rapport rédigé par l’ancien président du Louvre, Jean-Luc Martinez, devenu ambassadeur thématique. Le décret de restitution est l’aboutissement d’un processus initié par une demande officielle de Madagascar en 2020, suivie de la mise en place d’une commission bipartite ayant examiné les critères de restitution.
S’il n’a pas été possible d’identifier les crânes par comparaison ADN, un faisceau d’indices concordants a permis d’établir une forte probabilité qu’il s’agisse des crânes des trois guerriers. Par ailleurs, la commission s’est assurée que les restes seront rendus à leur communauté d’origine à des fins cultuelles (comme une inhumation), et non culturelles (exposition en musée). Le Conseil d’État a vérifié la conformité des conclusions du rapport avec la loi de 2023. Dans les milieux proches du dossier, on souligne que cette démarche de co-construction n’est pas partagée par tous les pays et qu’elle fait honneur à la France.
Cette restitution au titre de la loi de 2023 sera sans doute suivie de nombreuses autres ; le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) estime posséder 24 000 restes humains, dont 400 d’origine malgache. Tous ne proviennent pas de contextes violents : certains ont été collectés pacifiquement dans les anciennes colonies ou lors de fouilles archéologiques en France. À ce jour, aucun autre pays n’a formulé de demande officielle de restitution de restes humains. En revanche, des travaux sont en cours, notamment avec l’Australie, avec qui a récemment été créé un comité conjoint pour identifier des restes aborigènes dans les collections françaises.
La restitution de restes humains à des communautés ultramarines françaises n’est pas couverte par la loi de 2023 et attend un dispositif législatif spécifique. Le retour en Nouvelle-Calédonie du crâne du chef Ataï à ses descendants kanaks en est l’exemple le plus récent.
Il y a cinq ans, un autre objet est revenu à Madagascar : un élément décoratif royal, qui ornait le dais du trône de la reine Ranavalona III, dernière souveraine de l’île (1883-1897), et conservé au Musée de l’armée à Paris depuis 1910, a retrouvé sa place au palais de la Reine à Antananarivo. Mais ce retour suit un chemin plus tortueux : l’objet est mis en dépôt dans l’attente d’une loi d’exception ou d’une loi-cadre sur les biens prélevés dans un contexte colonial. Si nul ne doute qu’il restera définitivement à Madagascar, quel que soit son statut, de grandes incertitudes subsistent quant à la troisième loi-cadre envisagée par le rapport Martinez. Alors que celles sur les objets volés pendant la Seconde Guerre mondiale et sur les restes humains sont désormais appliquées, la loi sur les biens culturels est au point mort.
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La loi de 2023 s’applique pour la première fois en faveur de Madagascar
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°654 du 25 avril 2025, avec le titre suivant : La loi de 2023 s’applique pour la première fois en faveur de Madagascar








