PARIS
La ministre a présenté un plan nécessaire pour combattre les inégalités culturelles, mais qui se révèle à plusieurs égards incohérent.
Paris. Françoise Nyssen veut s’attaquer à ce qui a souvent été pointé par ses prédécesseurs : l’inégale répartition de l’accès à la culture dans les territoires. La ministre a demandé à ses services de dresser la carte des zones sous-développées sur le plan culturel. En résulte une liste de 86 « bassins de vie » (c’est-à-dire une ville et ses alentours), qui disposent de moins d’un équipement culturel pour 10 000 habitants. Ces bassins « sont nos territoires de culture prioritaires », a défendu la ministre lors de la conférence de presse pour présenter le plan.
Malgré son pragmatisme, la démarche présente trois faiblesses dans l’articulation entre le diagnostic et la thérapie. Le plan cible à la fois des bassins de vie ruraux vierges de tout équipement culturel, par exemple Henrichemont dans le Cher (4 438 habitants), et des agglomérations urbaines importantes mais sous-équipées (Marseille – Aix-en-Provence, 1,6 million d’habitants). Puis, après avoir pris le taux d’équipement comme indicateur pour établir son constat, la ministre annonce qu’elle ne veut pas construire de nouveaux équipements mais favoriser l’itinérance des spectacles et des œuvres. Pour plus de pertinence, le plan aurait alors dû s’appuyer sur le nombre de représentations et d’expositions par habitant, mais cet indicateur est difficile à calculer. Enfin, alors que le plan est censé cibler les 86 bassins de vie prioritaires, il est en fait beaucoup plus indistinct. Françoise Nyssen a ainsi donné en exemple de bonne pratique un Scapin de la Comédie-Française qui va se produire à Antibes et Amiens…, soit des villes qui ne figurent pas sur la liste des 86.
La stratégie en elle-même qui vise à multiplier en régions les spectacles et les expositions n’est pas dénuée de bon sens. Si la France ne manque pas de troupes et de productions, comme l’ont signalé plusieurs rapports, le nombre de représentations par production est faible. De même, les musées nationaux sont riches en chefs-d’œuvre. En revanche, la mise en œuvre du plan et plus encore sa lisibilité sont difficiles à communiquer. En résumé, les opérateurs nationaux et les structures labellisées (subventionnées par l’État) seront incités à davantage faire tourner leurs spectacles et diffuser leurs œuvres dans les territoires ; certains d’entre eux se verront même fixer des objectifs chiffrés.
Les cirques traditionnels – sous tente – bénéficieront d’une enveloppe supplémentaire de 500 000 euros, sans doute pour aller à Henrichemont, dépourvue d’équipement. L’Office national de diffusion artistique, dont la mission consiste précisément à « augmenter la durée d’exploitation de spectacles […] afin de toucher un plus large public », sera encouragé à s’intéresser plus aux zones prioritaires et peut-être à revoir ses frais structurels (l’association reçoit 3,8 millions d’euros de subventions publiques et en redistribue 2,6).
Un commissaire général sera nommé pour coordonner le déplacement en régions des chefs-d’œuvre des musées nationaux sur le modèle de « Un jour, une œuvre » du Centre Pompidou – qui relance son programme en juin avec une première étape à l’hôpital pédiatrique Robert-Debré… à Paris. Les expositions hors les murs des musées nationaux bénéficieront d’un label spécial pour attirer l’attention du public. Curieusement, le volet le plus ambitieux du plan, la création de 200 « Micro-Folies » (lire l’entretien avec Didier Fusillier), n’est pas très détaillé. Comme d’ailleurs la répartition et l’origine des moyens alloués à ce programme, 6,5 millions d’euros, soit 1,10 euro par habitant des 86 bassins de vie en théorie concernés. La ministre a cependant promis une évaluation annuelle du programme.
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« La culture près de chez vous » : un plan utile mais bancal
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°499 du 13 avril 2018, avec le titre suivant : « La culture près de chez vous » : un plan utile mais bancal