Énarque, major de la promotion Voltaire d’où est également issu Renaud Donnedieu de Vabres, Jean-Ludovic Silicani est membre du Conseil d’État. Ancien directeur de l’administration générale du ministère de la culture et de la communication (1986-1992), il a également exercé les fonctions de commissaire à la Réforme de l’État (1995-1998). Il préside depuis 2001 le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique et depuis 2005 le Comité du fonds de modernisation de la presse écrite. Ses fonctions l’ont par ailleurs amené à rédiger différents textes tels que le décret portant sur la création de l’établissement public du Musée du Louvre ou encore celui instituant le corps de conservateurs du patrimoine. Il commente l’actualité.
Le décret constitutif de la RMN a été modifié le 8 février. Quels changements implique-t-il pour l’établissement ?
L’un des plus importants concerne le renforcement du rôle de l’agence photographique qui pourra désormais travailler non seulement avec les musées nationaux, mais aussi avec toutes les institutions patrimoniales relevant du ministère de la Culture ou d’autres ministères. Des conventions sont d’ores et déjà en préparation avec le Centre des monuments nationaux et le Musée de l’Armée. Elles permettront à cette agence qui dispose de moyens de qualité exceptionnelle d’étendre son champ d’activités. L’objectif est qu’elle couvre, dans quelques années, près de 10 % du marché mondial des images d’art. Ceci constitue un enjeu important en termes de diversité culturelle.
Le décret insiste par ailleurs sur l’action menée auprès des musées en régions. Faut-il comprendre que la RMN va se recentrer sur les musées autres que les établissements publics ?
Toute la stratégie que nous préparons consiste à établir un nouveau partenariat avec les musées. Celui-ci comporte trois volets : les musées nationaux ayant le statut d’établissement public, les musées nationaux ayant le statut de service à compétence nationale (SCN) et les musées territoriaux. En ce qui concerne les établissements publics, notre ligne consistera désormais à faire ensemble ce qu’auparavant, nous faisions seuls. Par exemple, les expositions présentant des œuvres du musée d’Orsay se feront en coproduction entre la RMN et ce musée. Cela signifie organiser ensemble, mais aussi partager les résultats. Il s’agit d’un changement considérable qui est dans la logique de l’autonomie de ces musées. Je rappelle que j’en ai été l’initiateur, en préparant, en 1992, quand j’étais directeur au ministère, le statut d’établissement public du Louvre.
Cette clarification des rapports avec les établissements publics nécessite aussi de régler certaines sources de contentieux, telles que la gestion des espaces commerciaux ou l’édition des produits dérivés. Qu’en sera-t-il ?
L’exploitation des espaces commerciaux des musées nationaux s’opère dans le cadre d’une autorisation d’occupation du domaine public. Il s’agit d’un acte unilatéral, donc sans obligation de mise en concurrence. Les statuts actuels de la plupart des musées nationaux et de la RMN précisent que le concessionnaire de ces espaces est la RMN. À l’issue des actuelles concessions de longue durée se posera la question d’une éventuelle modification. Mais il faut y réfléchir. En ce qui concerne les produits dérivés, la RMN, en sa qualité d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), est le seul établissement de la galaxie des musées à pouvoir éditer ces produits dans le respect de la concurrence vis-à-vis des éditeurs privés, conformément au droit européen et national. Elle se doit, en retour, de renforcer son écoute des musées pour la définition des gammes de produits.
Sur quelle base s’établira votre relation avec les musées SCN ?
Notre souci est d’atteindre l’excellence de nos services, tout particulièrement vis-à-vis de ces musées qui ont moins de moyens humains et administratifs. Nous avons commencé à fixer quelques grandes orientations avec la Direction des musées de France (DMF). Nous établirons des conventions tripartites (RMN-DMF-SCN) avec chaque musée, afin de définir les priorités et les objectifs quantitatifs et qualitatifs. Nous devons et nous pouvons désormais répondre à la très forte attente de ces musées. Au fur et à mesure de l’amélioration de la situation financière de la RMN, nous consacrerons une partie de l’excédent pour financer d’avantages d’activités, notamment des expositions.
C’est donc la situation financière qui vous permet de vous renforcer sur cette action ?
Pas seulement. Il faut, en effet, se remémorer l’histoire récente de la RMN. En dix ans, nous sommes passés d’une situation de monopole à une crise financière dramatique qui a failli causer, il y a cinq ans, la disparition de l’établissement. Le redressement financier au cours des quatre dernières années, tout particulièrement depuis deux ans par l’équipe dirigée par Thomas Grenon, administrateur général, était vital. L’exercice 2006 sera nettement excédentaire. Il nous faut maintenant utiliser ces moyens nouveaux afin d’offrir plus de services aux musées en étant plus que jamais attentifs à leurs besoins.
Les partenariats avec les musées territoriaux ne relèvent-ils pas d’une nouvelle stratégie ?
L’exposition « Cézanne en Provence » au Musée Granet à Aix-en-Provence était, à cet égard, une première époustouflante (plus de 400 000 entrées). Il faut également citer, à titre d’exemple, notre partenariat avec le Musée Fabre à Montpellier à l’occasion de son ouverture et la prochaine exposition « Philippe de Champaigne » au Musée des Beaux-Arts de Lille. Les musées territoriaux sont demandeurs, car ils sont rarement outillés pour agir seuls. Notre volonté est clairement de développer cette activité.
Le rôle de la RMN a profondément évolué depuis 2003. La RMN a-t-elle réussi à préserver son rôle d’opérateur culturel majeur dans le domaine des musées ?
Nous sommes aujourd’hui dans une phase de refondation. Nous avons désormais les capacités pour repartir sur des bases nouvelles et assainies, dans une posture qui n’est ni celle du monopole, ni celle du tout concurrentiel. Il faut être clair. Comme les musées nationaux, la RMN est un des acteurs du service public muséal. Il y a donc un optimum à trouver entre des activités qui sont concurrentielles et d’autres où il faut mutualiser les moyens, comme l’agence photographique. Par ailleurs, nous coûtons très peu à l’État. Seuls 15 % de notre chiffre d’affaires provient d’une subvention publique, soit 17 millions d’euros, quand les musées nationaux reçoivent plus de 200 millions. Nous sommes capables de répondre de manière très rapide à des demandes telles que, par exemple, l’organisation de l’exposition « La force de l’art » au Grand Palais et la grande exposition organisée par la France à la Nouvelle-Orléans.
La récente modification de votre statut encourage la participation financière des entreprises privées. La subvention publique en sera-t-elle réduite ?
Il n’est pas prévu de réduire cette subvention car, dans un premier temps, l’opération de clarification de nos relations avec les établissements publics nous coûtera de l’argent. Mais je n’ai pas d’inquiétude car, dans la logique que nous instaurons avec les musées, ceux-ci étant désormais intéressés à nos résultats, tous les acteurs pousseront dans le même sens : c’est une logique de « gagnant-gagnant ». En quelques années, nous retrouverons donc ce que nous aurons donné. C’est un investissement. Mais le mécénat constitue aussi une ressource complémentaire. En 2006, il a drainé près de trois millions d’euros vers les expositions.
Vous avez été chargé par Renaud Donnedieu de Vabres d’élaborer le contrat tri-annuel entre l’État et la RMN. Quel est l’esprit de ce contrat ?
Il s’agit d’un projet mobilisateur. J’ai été frappé de constater à quel point l’établissement souffrait d’une image erronée. La RMN d’aujourd’hui promeut une culture de service. Elle est la première agence d’art européenne, l’un des premiers organisateurs d’expositions culturelles dans le monde, le premier éditeur d’art en France. Simplement, elle n’intervient plus, comme autrefois, en situation de monopole. Parmi les critiques, j’ai même entendu que la RMN serait une lourde bureaucratie ! Or, aujourd’hui, sur les 1 000 agents que compte l’établissement, seuls 15 % d’entre eux appartiennent à des services administratifs, les autres produisent des biens et des services pour l’extérieur. Le personnel a vécu ces dernières années de façon assez traumatique. Force est de reconnaître que toutes les conséquences de la fin du monopole n’avaient pas été perçues. Il y a eu des erreurs de stratégie. Ce contrat, qui n’est qu’une étape dans une évolution permanente, va clarifier les choses et fixer un nouveau cap. Tout cela est de nature à améliorer le climat au sein de l’établissement. Enfin, la RMN dispose, depuis le 1er janvier 2007, d’un splendide nouveau logo.
Vous vous séparez pourtant d’un certain nombre de conférenciers…
Le choix a été fait l’an passé par la DMF de transférer les conférenciers qui travaillent principalement dans les établissements publics afin qu’ils deviennent des salariés de ces musées s’ils le souhaitent. Des garanties ont été données : une partie des clauses de leurs futurs contrats seront communes aux musées, ce qui facilitera la mobilité ; ils bénéficieront de formations communes et le titre de conférenciers des musées nationaux sera pérennisé. Un gros tiers de l’effectif restera toutefois dans le giron de la RMN pour travailler dans les musées SCN et aux Galeries nationales du Grand Palais.
Depuis 2005, la RMN gère les Galeries nationales du Grand Palais. En janvier dernier était créé l’EPIC du Grand Palais. Fallait-il juxtaposer ces deux entités ?
Il fallait une structure juridique pour gérer ce grand et splendide paquebot, pour achever sa rénovation, mais aussi pour définir des règles de « copropriété » entre les différents utilisateurs, notamment la RMN et le Palais de la découverte. L’EPIC du Grand Palais jouera le rôle de propriétaire délégué pour le compte de l’État. Nous travaillerons en étroite collaboration avec son président, Yves Saint-Geours.
En quoi consistera le rôle de la RMN au sein de la future Agence internationale des musées de France ? La RMN n’aurait-elle pas pu remplir ces missions ?
Nous allons être, de façon active, l’un de ses actionnaires. C’est une opportunité importante pour la RMN. Au départ, l’essentiel de l’activité de cette agence concernera le projet d’Abou Dhabi. La création du musée passera notamment par la constitution de collections. C’est un métier de conservateur de musées. La RMN apportera, quant à elle, ses compétences comme prestataire de service en matière d’expositions. Il fallait donc une structure ayant cette double vocation avec, à son tour de table, des musées et la RMN.
Quelles expositions ont retenu votre attention récemment ?
Mes goûts personnels n’ont pas d’importance. En revanche, je considère qu’il est essentiel que la programmation du Grand Palais soit élaborée de façon transparente. Un chapitre du contrat en précisera les modalités. Un comité scientifique, constitué de conservateurs, se réunira une fois par mois afin de mettre en commun des idées dont la faisabilité sera ensuite étudiée. C’est notamment à partir de ce travail que sera préparé le projet de programmation qui sera ensuite soumis au conseil d’administration. J’estime, par ailleurs, que notre politique d’exposition doit rechercher l’équilibre entre différentes variables : périodes chronologiques, disciplines artistiques, sujets monographiques et thématiques.
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Jean-Ludovic Silicani, président de la Réunion des musées nationaux
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°256 du 30 mars 2007, avec le titre suivant : Jean-Ludovic Silicani, président de la Réunion des musées nationaux