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Frac : s’inscrire dans la durée

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 6 mai 2008 - 876 mots

Le spectre de l’aliénabilité des collections des Frac n’a pas influé sur leur politique d’acquisition. Mais ces institutions doivent s’accommoder de budgets dérisoires.

Pierre MalphettesFrac PACA

Remis au mois de février à la ministre de la Culture, Christine Albanel, le rapport Rigaud sur l’inaliénabilité des œuvres d’art entrouvrait la possibilité non retenue pour les FRAC (Fonds régionaux d’art contemporain) et le FNAC (Fonds national d’art contemporain) de revendre certaines œuvres de leur collection. Créés en régions en 1982, les FRAC offrent une alternative à la centralisation, en constituant des fonds représentatifs de la création contemporaine, collections dont la mobilité est l’une des caractéristiques principales. Chaque année, les nouvelles acquisitions viennent compléter ces ensembles dont les axes sont mûrement réfléchis, mais l’indigence des budgets disponibles (178 000 euros en moyenne) n’est pas étrangère à la suggestion de Jacques Rigaud : pourquoi ne pas se séparer d’œuvres pour financer de nouvelles acquisitions ? Les directrices et directeurs de FRAC, dont la majorité est opposée à la mesure, exigent au contraire que ces collections s’inscrivent dans la durée.

Créer une mémoire
Ni musée ni centre d’art, les FRAC enrichissent le patrimoine régional. Leurs collections « ont une cohérence car elles sont le reflet du travail des directeurs et des comités d’acquisitions qui se sont succédé au fil du temps », motive Marc Donnadieu, directeur du FRAC Haute-Normandie. « Il faut juger les œuvres sur le long terme, les faire vivre dans le temps, créer une mémoire et surtout se donner la possibilité de réinterpréter la collection », ajoute Emmanuel Latreille, président de l’Association nationale des directeurs de FRAC et directeur du FRAC Languedoc-Roussillon. À terme, Yannick Miloux (Limousin) imagine même son FRAC devenir un musée d’art moderne et contemporain à part entière. Ainsi, les ensembles monographiques ou thématiques s’étoffent-ils un peu plus chaque année, dans un souci de diversité sans pour autant tomber dans la dispersion. La hausse des prix du marché contemporain n’est d’ailleurs pas étrangère au choix des comités qui doivent faire preuve de flair. Certains fonds constitués dans les années 1980 disposent, en effet, de joyaux aujourd’hui hors de portée, comme le Spaghetti Man de Paul McCarthy acheté 240 000 francs (36 000 euros) en 1994 (Languedoc-Roussillon). Marc Donnadieu peut ainsi se féliciter d’avoir la première facture adressée par le tout jeune Adel Abdessemed, et l’on retrouve, à travers la France, des pièces de John Currin (Limousin, Poitou-Charentes), Jeff Koons (Aquitaine), Gerhard Richter et Sigmar Polke (Bourgogne), Maurizio Cattelan et Pierre Soulages (Languedoc-Roussillon), Bertrand Lavier (Île-de-France)…
Pour Claire Jacquet (Aquitaine), la hausse des prix « est une bonne chose pour tout le monde. Cela nous force à être perspicace, à être à l’affût ». Savoir se positionner au plus vite est essentiel à la découverte des jeunes talents, idéalement dans sa propre région. Et l’art de la négociation est une question de principe : « Il est de notoriété publique que les galeristes haussent les prix de 10 ou 15 % en voyant arriver les directeurs de FRAC », ironise une jeune directrice. La négociation en direct avec les créateurs est en revanche plus délicate, voire totalement écartée. « Le FRAC est là pour faire vivre des artistes », avance Emmanuel Latreille, qui confie avoir revu à la hausse les prix ridiculement bas demandés par certains. Marie-Ange Brayer (Centre) évoque la relation de confiance qui facilite les négociations, car « les artistes ont conscience du travail scientifique qui se fera autour de l’œuvre », allant souvent jusqu’à faire des dons pour s’assurer une meilleure représentativité. Bienvenues dans les musées, les donations ne font pourtant pas l’unanimité dans les FRAC ; Anne Alessandri (Corse), par exemple, les refuse catégoriquement « par principe ».

Valorisation des collections
Le spectre de l’aliénabilité n’a pas influé sur le cru 2007 des acquisitions dans les FRAC, lesquels se sont inscrits dans un vrai travail de continuité et de valorisation des collections existantes. Mais le débat a eu le mérite de lancer des lignes de réflexion pour le futur. Pour Yves Lecointre (Picardie), la question de l’inaliénabilité « cache le problème de fond qui est celui de la destination à terme des œuvres du FRAC ». La solution la plus réaliste demeure le dépôt dans les musées régionaux. S’il est possible que les acquisitions des années 1980 se soient faites « avec plus d’empressement que de discernement » (Olivier Grasser, FRAC Alsace), chacun s’accorde à dire que la revente des œuvres est une fausse solution pour le financement des acquisitions : « Personne ne va acheter des œuvres de mauvaise qualité ! », résume Marc Donnadieu. Le statut juridique des FRAC, association à but non-lucratif de droit privé mais subventionné par le public, risque d’évoluer. Mais pour Claire Jacquet : « Il n’y a aucun intérêt à déconstruire ce qu’on a mis des années à construire ».

Du côté du FNAC

Doté d’un budget dépassant les 3 millions d’euros, le Fonds national d’art contemporain (FNAC) a fait l’acquisition de 694 œuvres en 2007 : 407 en arts plastiques, 149 en photographie et 138 en Arts décoratifs et design. Près de la moitié des artistes entrent dans la catégorie des primo- bénéficiaires et représentent le tiers du budget. Parmi les acquisitions notables, citons l’ensemble des 65 maquettes de l’architecte hongrois Yona Friedman. Liste complète sur www.cnap.fr

AUVERGNE / BUDGET alloué : 120 000 €
- Philippe Decrauzat, Cross IV, 2007, acrylique sur toile - Éric Baudelaire, The Dreadful details, diptyque, 2006, commande du CNAP

ALSACE / Budget Total : 140 000 €
- Gerda Steiner & Jörg Lenzlinger, Le Jardin de la Lune, installation dans la mine Gabe Gottes à Ste-Marie-aux-Mines, 2007. Achat aux artistes
- Didier Marcel, Sans titre (peuplier à deux fentes), 2007, éd. 1/5, Galerie Michel Rein, Paris, 16 500 euros

AQUITAINE / Budget Total : 99 000 €
- François Curlet, Crème de singe, installation, 2004
- Florence Doléac, Floating Minds, 3 boudins de mousse reliés par corde et bande sonore, 2007

BOURGOGNE / Budget Total : 196 000 €
- Henrik Håkansson, The Skylark. The Optimal Flight to Nowhere and Somewhere, installation, 2002, Galleria Franco Noero, Turin, 35 000 euros

BRETAGNE / Budget Total : 290 000 €
- Julien Prévieux, AG2R, EFFCAD, Mairie de Vaucresson, Coupeur de verre, CETELEM, de la série Lettres de non-motivation, 2007, Galerie Jousse Entreprise, Paris

CENTRE / Budget Total : 170 000 €
- SANAA, 21ST century Museum of Contemporary Art, Kanazawa, 1 maquette, 4 photographies..., 2002
- Ant Farm, 3 maquettes et 2 dessins, 1972-1979, achat aux architectes, 30 000 euros

CHAMPAGNE-ARDENNE / Budget Total : 97 700 €
- Mircea Cantor, Monument for the End of the World, 2006
- Jimmie Durham, Stoning the Refrigerator, 1996

CORSE / Budget Total : 96 000 €
- Saâdane Afif, Spéciale dédicace, maquette et sérigraphie, 1998
- Didier Marcel, Sans titre (à louer), installation, 2005

FRANCHE COMTE / Budget Total : 145 000 €
- Adam Adach, Au dessous de zéro, huile sur toile, 2007
- Robert Breer, Float Résine, installation, 1970-2000, 43 000 euros

PARIS ÎLE-DE-France / Budget Total : 305 000 €
- Laurent Grasso, Projet 4 Brane, module vidéo, 2007, commande cofinancée, 30 000 euros
- Benoît Maire et Étienne Chambaud, Musique pour un cheval centenaire, installation, 2006, 12 000 euros

LANGUEDOC-ROUSSILLON / Budget Total : 230 000 €
- Fabien Giraud et Raphaël Siboni, La double Paroi (un hommage à Michel Lotito), avion Cessna 150 découpé en morceaux et recollé, 2007-2008, achat par production Artistes, Paris, 35 000 euros

LIMOUSIN / Budget Total : 150 000 €
- Richard Fauguet, Cif l’éclipse, collage, 1999
- Jean-Luc Moerman, Sans titre, acrylique / aluminium laqué, 2007

LORRAINE / Budget alloué : 152 000 €
- Chris Mourkabel, USA Point of Departure, vidéo censurée, 12 mn, 2006, achat à l’artiste
- Michael Snow, Solar breath, vidéo, 62 mn, 2002, Galerie Martine Aboucaya, Paris.

MIDI-PYRÉNÉES / AUCUNE ACQUISITION

NORD-PAS-DE-CALAIS / Budget Total : 280 000 €
- Josephine Meckseper, Shelf#36 (Macy*s), sculpture, 2007
- Superflex, Copy Right (Colored version), installation, 2007

HAUTE-NORMANDIE / Budget Total 140 000 €
- Stefan Sehler, Sans titre (SS026), peintures sous Plexiglas, 2007, Galerie Baumet Sultana, Paris
- Anne-Marie Schneider, Trois aquarelles, 2007, Galerie Nelson-Freeman, Paris

BASSE-NORMANDIE / Budget Total : 142 000 €
- Dewar & Gicquel, Polar Bear, sculpture, 2007, Galerie Lœvenbruck, Paris
- Alain Séchas, Photomatou 14 dessins originaux, 14 affiches imprimées, 2007, Galerie Chantal Crousel, Paris

PAYS DE LA LOIRE / Budget Total : 266 000 €
- Bruno Peinado, Sans titre, California Custom Game Over, 7 sculptures, 2008, Galerie Loevenbruck, Paris
- Jean-Michel Sanejouand, Espace-Peinture "10.05.1979", 1979, achat à l’artiste

PICARDIE / Budget Total : 260 000 €
- Anthony McCall, You and I, fichier informatique, 60 mn, Galerie Martine Aboucaya, Paris
- Nancy Spero, Ensemble de six gouaches de la suite Artaud, Galerie de France, Paris

POITOU-CHARENTES / AUCUNE ACQUISITION

PACA / Budget Total : 220 000 € (env. 125 000 € pour 2007 avec un reliquat de 95 000 € de 2006)
- Jordi Colomer, No Future Vidéo, 12 mn, éd. 1/5, 2006, Galerie Michel Rein, Paris
- Pierre Malphettes, Firefly Film, 37 mn, éd. 1/5, 2007, Galerie La Blanchisserie, Paris

RHÔNE-ALPES / Budget total : 300 000 € (150 000 € de 2007 et 150 000 € de budget reporté de 2006)
- Anthony McCall, Doubling Back, programme informatique, éd. 1/5, 2003, Galerie Martine Aboucaya, Paris

Liste complète sur www.artclair.com

Légende photo : Pierre Malphettes - Exposition au Frac PACA du 23.01 au 25.04.2009 - Marseille
Site Internet : www.fracpaca.org

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°281 du 9 mai 2008, avec le titre suivant : FRAC : s’inscrire dans la durée

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