METZ [17.02.12] - Plus d’une douzaine d’artistes invités par le Frac Lorraine explorent les marges du texte et de la lecture.PAR FRANÇOISE CHALOIN
Anagrammes, listes et fragments de textes littéraires ou poétiques figurent parmi les « formes brèves » privilégiées par la douzaine d’artistes réunis au Fonds régional d’art contemporain (Frac) Lorraine, à Metz, par Anja Isabel Schneider. Le projet de la commissaire a été sélectionné conjointement par le Frac et le Marco, Musée d’art contemporain de Vigo, en Espagne, qui, pour la deuxième année consécutive, offrent la possibilité à un jeune curateur de réaliser une exposition. Les ramifications du projet retenu étant affinées au cours d’une résidence.
Le rapport à l’écriture et l’expérience de la lecture, pauses et « respirations » comprises, ont donc fourni le « pré-texte » de cette exposition qui se donne à voir, à lire et à entendre, son catalogue prenant une forme sonore, audible sur tablette tactile. De ce parcours qui mêle figures historiques et jeunes artistes, œuvres de la collection et invitations, ressort d’abord l’idée du jeu et du détournement subjectif des formes de l’index et de l’archive chères à l’art conceptuel des années 1970. Ainsi l’Argentin Fabio Kacero invente-t-il chaque jour depuis plusieurs années des mots pour leurs sonorités : « tanxu », « dikazila », « volinfuf »…, termes recensés sur un large panneau mural. Helen Mirra, américaine, prélève, elle, des parties de l’index d’un ouvrage du philosophe John Dewey, fragments qu’elle reproduit finement à l’encre sur un ruban de coton tendu au mur. Né à Montevideo (Uruguay), Alejandro Cesarco se construit son index « idéal » à partir de références peu anodines telles « Language » ou « Idea », et d’autres moins attendues comme « Emma Bovary » ou « Claire Denis ».
Par ailleurs, nombre d’œuvres explorent soit le décalage entre le vu et le lu, ainsi de la vidéo de David Lamelas, Lecture d’un extrait de Labyrinthe de J. L. Borges (1970), soit le brouillage du signifiant. Les Constellations de Claire Morel sont formées des ratures du manuscrit original du Livre (1967) de Mallarmé quand Amélie Dubois réalise un palimpseste indéchiffrable à partir de toutes les phrases d’un ouvrage enregistrées sur une même piste. Le visiteur pourrait penser que la dématérialisation de l’œuvre atteint son point limite avec Dora García, alors qu’il se voit renvoyé à la consultation de son blog pour y écouter « Toutes les histoires ». Il retrouvera heureusement avec plaisir juste après quelques pièces magistrales : une frise murale de Tania Mouraud formée des contre-lettres des verbes « percevoir, discerner, identifier, reconnaître », et le fabuleux Living Rooms (2001) de Charles Sandison.Une chorégraphie de mots essentiels (« Food », « Dead », « Female », « Male », « Child », « Mother ») y anime l’espace d’une salle entière. Sans oublier la « Poésie active » d’Ewa Partum, par le biais des lettrages distribués parle gouvernement polonais sous l’ère communiste, qu’elle dissémine, à l’époque au pied d’un arbre ou en haut d’une falaise, aujourd’hui sur le parvis de la cour du Frac.
Commissaire : Anja Isabel Schneider
Nombre d’artistes : 12 ( Guillaume Barborini & Marianne Mispelaëre, en résonance)
Jusqu’au 8 avril, 49 Nord 6 Est-Frac Lorraine, 1 bis, rue des Trinitaires, 57000 Metz, tél. 03 87 74 20 02, www.fraclorraine.org, du mardi au vendredi 14h-19h, le week-end 11h-19h.
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Des mots et des lettres
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Abonnez-vous dès 1 €Charles Sandison, Living Rooms (Pièces de vie), 2001, 6 vidéoprojections, collection Billarant, vue de l'exposition « Formes brèves, autres, 25 », au Frac Lorraine, à Metz. © Photo : Rémi Villagi.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°363 du 17 février 2012, avec le titre suivant : Des mots et des lettres