Énarque (promotion Antoine de Saint-Exupéry), spécialiste des questions sociales, conseillère de différents ministres, Delphine Levy a été la directrice adjointe du cabinet de Bertrand Delanoë à la Mairie de Paris, en charge de la culture jusqu’en 2010.
Elle dirige depuis plus d’un an la mission de préfiguration d’un établissement public rassemblant les quatorze musées municipaux. Le 20 juin, le Conseil de Paris a entériné la constitution de cet établissement.
Jean-Christophe Castelain : Pourquoi avoir choisi le statut d’établissement public local en régie personnalisée ?
Delphine Levy : Nous avons préféré ce statut à celui d’établissement public de coopération culturelle (EPCC) car c’est le plus pratiqué à la Ville de Paris ; l’École supérieure de physique et de chimie, la Maison des métallos sont des EPA [établissement public à caractère administratif]. C’est un statut ancien, encadré par le code général des collectivités territoriales, donc très bien balisé sur le plan juridique et social. Il permet surtout de rester dans le cadre de la fonction publique parisienne, qui est spécifique avec le décret de 1994. Les fonctionnaires de Paris peuvent ainsi aller de la Ville à l’EPA sans qu’il soit nécessaire de procéder à un détachement ou à une mise à disposition. Ils conservent le même régime, la même grille de salaire et leur carrière reste gérée par la direction des ressources humaines de la Ville. Et puis, dans un EPCC, le directeur est choisi sur la base d’un projet culturel, alors que nous tenons à ce que le projet culturel et scientifique incombe d’abord à chacun des directeurs de musée, qui ont la légitimité et la compétence en la matière. L’identité de chacun des musées doit être renforcée dans le cadre de ce réseau, qui est une force.
J.C.C. : Comment réagissent les syndicats, les personnels ?
D.L. : Nous avons beaucoup discuté avec les syndicats, avec plus de neuf comités de suivi en un an. Nous sommes allés au contact direct des agents dans les musées,avons reçu individuellement les personnels qui ont vocation à rejoindre le siège. Une inquiétude demeure naturellement, mais le contact est établi.
J.C.C. : Quels mouvements de personnels cela entraîne-t-il ?
D.L. : L’EPA va compter environ 950 personnes dont environ 800 fonctionnaires. La plupart sont dans les musées et vont y rester. Les 46 personnes de Paris Musées (dirigé depuis peu par Olivier Donnat), qui assurent la production des expositions, les éditions, la communication, vont rejoindre le siège de l’EPA qui devrait compter environ 14 personnes. Nous allons sans doute nous installer dans le 10e arrondissement de Paris. L’inspection générale avait proposé cette configuration dès 2009, et la direction des Affaires culturelles avait toujours considéré que c’était une réforme nécessaire.
J.C.C. : Quelle sera la gouvernance de l’établissement ?
D.L. : Il y aura un président et une directrice générale. Le président sera élu parmi les neuf conseillers municipaux du conseil d’administration (parmi lesquels figurent Christophe Girard, Anne Hildalgo et Danièle Pourtaud), qui compte en plus quatre personnalités qualifiées : Martin Bethenod, directeur du Palazzo Grassi ; Jean-François Chougnet, directeur général de « Marseille-Provence 2013 » ; Antoinette Le Normand, conservatrice et directrice de l’Institut national d’histoire de l’art ; et Gaïta Leboissetier, directrice adjointe de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, qui présidait jusqu’à présent Paris Musées. La première réunion du conseil d’administration devrait avoir lieu avant le 14 juillet ; celui-ci procédera à l’élection du président, qui nommera formellement le directeur général. Bertrand Delanoë a proposé que je prenne la direction de l’établissement, une décision entérinée par le Conseil de Paris le 20 juin. Le basculement total des musées vers l’EPA interviendra le 1er janvier 2013.
J.C.C. : Quel sera le budget de l’établissement ?
D.L. : Le budget de fonctionnement et d’investissement devrait être en 2013 de l’ordre de 80 millions d’euros. Les chiffres indiqués dans mon rapport 2010 dataient de 2008 (46 millions d’euros) et ne prenaient pas en compte les dépenses disséminées dans toutes les directions de la Ville : entretien des jardins des musées, direction de l’architecture, des finances… Un budget à ne pas confondre avec l’actif des musées transféré à l’EPA et qui, pour l’instant, est estimé 275 millions d’euros ; il devrait augmenter au fur et à mesure que nous avançons dans l’inventaire et le récolement de nos collections. Nous allons signer avant la fin de l’année un contrat d’objectif 2013-2015 avec la Ville afin de mieux définir les priorités stratégiques et d’avoir une vision pluriannuelle. Il est en effet important de planifier des travaux de rénovation du Musée Carnavalet – auquel sont rattachés la crypte archéologique et les catacombes qui, eux aussi, ont besoin de rénovation –, d’achever ceux des musées Galliera et Zadkine par exemple.
J.C.C. : Comment allez-vous organiser la programmation des expositions ?
D.L. : En partie comme nous le faisons déjà aujourd’hui. Les sujets d’exposition émanent des directeurs de musée à qui nous demandons de formuler des propositions, que nous discuterons dans un premier temps en « bilatéral », entre le directeur du musée et mon équipe directe. Une démarche appréciée par les conservateurs car cela nous permet de discuter du fond du projet. Puis nous validerons les projets dans le cadre d’un comité des expositions où participent tous les directeurs. Je souhaite renforcer l’identité propre de chacun des quatorze musées tout en mettant en place des projets fédérateurs. Ainsi l’exposition sur Madame Grès au Musée Bourdelle, en collaboration avec le Musée Galliera, a été très pertinente pour les deux musées. Pour 2014, nous envisageons un thème qui mobiliserait la moitié de nos musées. Mais nous voulons éviter tout systématisme. Nous travaillons dès maintenant à la mise au point d’un site Web commun à tous les musées avec une application mobile, en complément des sites de chacun des musées que nous voulons achever de réaliser d’ici à 2014. Il s’agit d’offrir en plus un portail unique pour le public. Nous allons aussi très rapidement développer de nouveaux outils pédagogiques pour rajeunir la fréquentation et augmenter la diversité des publics.
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Delphine Levy - « Le nouvel établissement, une réforme nécessaire »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°373 du 6 juillet 2012, avec le titre suivant : Delphine Lévy - « Le nouvel établissement, une réforme nécessaire »