MOSCOU / RUSSIE
Le film satirique franco-britannique La mort de Staline s’est vu retirer mardi son visa de diffusion en salle de cinéma. Soit à peine deux jours avant la sortie prévue en Russie sur une centaine d’écrans. En France, la sortie de ce film est prévue pour le 21 mars.
Le ministère de la culture russe a justifié se décision inopinée de retrait du visa du film La mort de Staline afin de faire en sorte que le film d’Armando Iannucci ne sorte pas durant les célébrations du 75ème anniversaire de la bataille de Stalingrad. Les célébrations démarrent le 2 février prochain. Pourtant, l’action du film se déroule en 1953 et évoque la lutte pour la succession du dictateur.
On savait que le film hérissait le poil des autorités russes enclines à réhabiliter Iossif Staline*. Un groupe de juristes du ministère de la Culture avait fin 2017 détecté des « signes d’extrémisme » dans le film, et incité le ministre Vladimir Medinsky à ne pas lui délivrer de visa. Après une projection spéciale à huis clos organisée lundi pour le Conseil public du ministère, ses membres (parmi lesquels figure le réalisateur Nikita Mikhalkov) ont conclu que le film « ne présente aucune valeur historique ni culturelle et qu’il désacralisait les symboles soviétiques (hymne, décorations et médailles) ». En outre, le film « offense les vétérans de la grande guerre patriotique (nom russe de la Seconde guerre mondiale) ». Conclusion du Conseil : la sortie de La mort de Staline doit être repoussée de six mois, c’est-à-dire durant la période creuse de l’été.
Les déclarations politiques n’ont pas manqué de pleuvoir sur le film. Elena Drapenko, première vice-présidente de la commission de la culture de la Douma d’Etat, s’est emportée : « Je n'ai jamais rien vu d’aussi ignoble. C'est une diffamation absolue, une provocation pour nous convaincre que notre pays est horrible, que notre peuple et nos dirigeants sont des imbéciles. Absolument tout a été perverti de l'hymne aux personnages ». S’exprimant au nom de la société toute entière, le vice-président du Comité de la politique d'information de la Douma d’Etat Alexandre Iouchtchenko affirme : « La société rejette catégoriquement une telle approche. C’est verser du sel sur les blessures de la société, afin de la démobiliser. C’est une provocation de plus à la veille des élections présidentielles [qui se déroulent le 18 mars prochain] ».
Les narrations historiques déviant de la ligne fixée par le Kremlin, ne sont plus du tout tolérées en Russie. Trois films (Enfant 44, la Guerre selon Charlie Wilson et Ordre d’oublier) ont déjà été interdits pour ces raisons dans le passé récent. Le caractère satirique de La mort de Staline n’a pas joué en sa faveur. L’une des premières décisions prises par Vladimir Poutine à son arrivée au pouvoir en 2000 fut d’interdire l’équivalent local des « Guignols de l’info ». La satire n’est admise que lorsqu’elle vise les adversaires géopolitiques ou idéologiques du Kremlin.
L’ingérence du ministère de la culture dans la délivrance de visas de distribution ne se limite pas à la censure, mais devient également une arme économique. La semaine dernière, la sortie du film d’aventure pour enfants Paddington 2 a été bloquée un jour avant sa sortie, fixée pourtant depuis plusieurs mois. Justifiant la décision, le ministre Vladimir Medinsky n'a pas caché son intention d’ériger la « préférence nationale » en instrument pour décaler la sortie de films étrangers si ceux-ci gênent la sortie de films russes concurrents. L’association des propriétaires de salles de cinéma russe a réagi par une lettre ouverte au ministre : « Vous avez dévoyé en instrument de censure le service public standard consistant à octroyer des certificats d’exploitation ».
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Croisade russe contre le cinéma étranger
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Abonnez-vous dès 1 €* Le nom de naissance de Joseph Staline étant Iossif Vissarionovitch Djougachvil.