États-Unis - Festival - Ventes aux enchères

Burning Man tente d’éviter la banqueroute

NEW YORK / ÉTATS-UNIS

Contraint d’annuler ses deux dernières éditions, le festival du Nevada, à l’évolution critiquable, joue son va-tout avec une vente aux enchères.

David Best, Rocket Car, 2003, lot vendu pour 36 000 dollars. © Sotheby's
David Best, Rocket Car, 2003, lot vendu pour 36 000 dollars.
© Sotheby's

New York. La grande effigie de bois, celle qui donne son nom à la manifestation, s’embrasera-t-elle à nouveau l’an prochain pour la fameuse cérémonie de clôture de Burning Man ? Rien n’est moins sûr. Le festival artistique consacré à la contre-culture, qui réunit chaque année à la fin de l’été près de 80 000 campeurs dans le désert de Black Rock (Nevada), a été contraint d’annuler ses éditions 2020 et 2021 en raison de la pandémie. Avec près de 90 % de pertes sèches en 2020 et une année 2021 sans revenus, les comptes du festival sont au plus mal.

Pour retrouver le chemin de la stabilité financière et garantir l’existence d’une nouvelle édition l’été prochain, Burning Man s’est associé à Sotheby’s pour l’organisation d’une vente aux enchères caritative. 180 artistes contributeurs, comprenant des habitués de Burning Man et de nouveaux venus dans la « communauté », ont fait don de tout ou partie de leurs bénéfices sur la vente de leurs œuvres. Sotheby’s, pour sa part, a accepté de renoncer à certains frais courants. « Nous n’avons pas assez de fonds pour tenir jusqu’en décembre, explique Marian Goodell, la directrice du festival. Cette opération est vitale est pour nous, elle doit nous permettre de garder nos salariés. » La vente, qui s’est tenue en ligne du 30 septembre au 8 octobre dernier, a dégagé au total plus de 1 million de dollars (865 000 €) de bénéfices pour le festival, avec quelques enchères dépassant les 100 000 dollars (86 500 €).

Dans les salons de Sotheby’s, la collection éclectique d’objets rassemblés pour l’occasion dénotait quelque peu. « On a des NFT, des sculptures expérientielles, des “véhicules mutants”, des bijoux, des photographies, des peintures, des installations d’artistes venus de tous les continents, détaille Harrison Tenzer, directeur de la stratégie numérique chez Sotheby’s. C’est la vente la plus diverse que j’aie jamais vue. » Les œuvres réunies se voulaient ancrées dans la culture du festival, similaires à celles que l’on peut trouver sur place, et fidèles à ses engagements en matière d’« inclusivité radicale », d’« autosuffisance » et de « partage ».

Argent, Instagram et air conditionné

Burning Man n’était au départ qu’un petit rassemblement impromptu d’artistes et d’amis sur la Baker Beach de San Francisco (Californie). Pour célébrer le solstice d’été, ils décident en 1986 de mettre le feu à une effigie de bois. Depuis, il est devenu un festival internationalement reconnu, qui transforme chaque année un coin du désert du Nevada en véritable ville, « Black Rock City », un camping géant éphémère. Pour y séjourner au cours de la semaine que dure l’événement, les festivaliers déboursent entre 400 et 1 400 dollars (345 et 1 200 €) pour leur billet d’entrée et plus encore pour leur équipement, bravent tempêtes de sable et chaleur infernale et contribuent par un « projet » qui peut prendre plusieurs mois de préparation : un costume, une œuvre d’art, un bar ou même la formation d’un « camp ».

Burning Man est en effet très fier de ses idéaux égalitaires, de sa culture du don (sur place, les participants fournissent tout) et de son militantisme social et écologique. Pourtant, au fil des ans, son village s’est aussi progressivement peuplé de campements de luxe pour ultra-riches et stars d’Instagram, le plus souvent financés par des marques qui se servent de l’événement pour communiquer sur les réseaux sociaux. En 2019, Marian Goodell avait pris la décision de fermer l’un de ces campements, Humano The Tribe, qui négociait son logement le plus cher à 100 000 dollars pour deux chambres et un « air conditionné de qualité ». La directrice se disait alors « choquée » par la « marchandisation et l’exploitation croissante de la culture de Black Rock City par certains des participants ».

Si l’on en croit une étude de large ampleur réalisée entre 2013 et 2016, le « Burner » typique serait désormais un homme blanc, vivant aux États-Unis, riche et diplômé. Plus d’un quart d’entre eux gagnerait plus de 100 000 dollars par an. « Ils ne jurent que par l’énergie solaire mais viennent au beau milieu du désert avec des semi-remorques bourrés de générateurs pour alimenter les néons et la sono des DJ », confie un habitué, regrettant une évolution du festival contraire à l’esprit original. C’est un sujet sur lequel Marian Goodell s’est d’ores et déjà engagée à travailler pour la prochaine édition. Si elle a lieu.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°575 du 15 octobre 2021, avec le titre suivant : Burning Man tente d’éviter la banqueroute

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