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POLITIQUE CULTURELLE

Budget culture 2018, des changements à la marge

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 5 octobre 2017 - 1334 mots

Dans un budget globalement stable, les moyens de l’audiovisuel public et de la presse sont rabotés pour financer les mesures nouvelles de l’Éducation artistique et culturelle.

Fièrement intitulé « un budget de transformation », le projet de budget Culture pour 2018 n’est pas franchement révolutionnaire, ni disruptif si l’on préfère un vocabulaire plus libéral. Le montant total des moyens du ministère est en effet quasi stable à 8,32 milliards d’euros, soit en réalité une baisse si l’on prend en compte l’inflation budgétaire de 1 %. Plus encore, la répartition des crédits par secteur est peu modifiée. Paradoxalement, alors que le ministère va perdre 110 postes (et ses opérateurs 50 postes) et que le point d’indice des fonctionnaires est gelé, ce sont les dépenses de personnel qui augmentent le plus en valeur absolue, en raison d’effets techniques. Ce qui illustre accessoirement la difficulté de dégager des marges de manœuvre. On peut résumer la situation ainsi : l’audiovisuel public, la presse et quelques musées sont priés de faire des économies pour financer les mesures nouvelles de l’Éducation artistique et culturelle.
 

L’éducation artistique et culturelle, la priorité des priorités

Ce programme de l’éducation artistique et culturelle (EAC) est le plus grand bénéficiaire du projet de loi de finances (PLF) 2018. Figure imposée de tout président de la République et ministre de la Culture, il avait pris un premier essor avec Aurélie Filippetti en 2013 qui avait augmenté ses moyens à 33 millions d’euros pour atteindre 77 millions d’euros en fin du précédent mandat. Emmanuel Macron lui fait faire un bond à 114 millions d’euros. Pour impressionnants qu’ils sont, ces chiffres paraissent faibles rapportés aux 12 millions d’élèves, collégiens et lycéens concernés : 9,50 euros par élève et par an. L’effet de saupoudrage est plus manifeste encore lorsque l’on sait que ce programme n’en est pas vraiment un, il recouvre une multitude d’actions dans l’école (la mise en place d’une chorale, la relance des ciné-clubs, la venue d’un artiste) ou en dehors de l’école (plus d’argent pour les conservatoires). Bien souvent d’ailleurs, ces crédits supplémentaires iront augmenter des subventions versées à des structures locales. Ils vont même servir à financer les études préparatoires à la mise en place du Pass Culture pour les jeunes de 18 ans (et uniquement pour les jeunes de 18 ans) promis par Emmanuel Macron pendant la campagne qui devrait être lancé en 2019. Un budget anormalement élevé – 5 millions d’euros – est consacré à cette seule phase d’étude.
 

Des moyens identiques pour le patrimoine

Si les moyens de la Mission Culture (à ne pas confondre avec les moyens de tout le ministère) augmentent de 1,1 % à 2,9 milliards d’euros, ils sont donc essentiellement portés par la hausse des dépenses de personnel et des crédits pour l’EAC. Les autres programmes de cette mission conservent au mieux leurs crédits. C’est le cas du programme Patrimoine qui regroupe neuf « actions » (c’est leur nom budgétaire), du patrimoine monumental au patrimoine archéologique en passant par les musées. Cette stabilité des budgets va permettre de continuer à financer les grands travaux pluriannuels des châteaux de Versailles et Fontainebleau ou ceux qui relèvent du Centre des monuments nationaux. Le Gouvernement ne pouvait pas faire moins alors que le Parlement européen a décrété que 2018 serait « l’année européenne du patrimoine culturel » pour lequel il dispose d’un budget de 8 millions d’euros pour les vingt-sept pays. Une « paille ».

À périmètre constant, c’est-à-dire après avoir retiré ce qui relevait de l’EAC, les musées accusent de leur côté une baisse de leurs dotations (non communiquée). On connaîtra dans quelques jours la dotation des grands opérateurs, qui sont invités une fois encore « à diversifier leurs sources de revenus ». Il y a un musée dont on sait déjà que la dotation va baisser, c’est Universcience (qui regroupe la Cité des sciences et de l’industrie et le Palais de la découverte). Il ne relève pas de la Mission Culture, mais de la Mission Recherche culturelle et culture scientifique, dont il constitue une grande partie du budget, expliquant la baisse des crédits de la Mission.

Les dotations aux musées d’art permettront cependant de financer des travaux au Centre Pompidou (2 millions d’euros) et la rénovation du Musée du Moyen-Âge de Cluny (2,80 millions d’euros). Curieusement les musées ne semblent pas vraiment occuper la tête sinon le cœur du nouveau Gouvernement. Le mot n’a pas été prononcé une seule fois pendant la conférence de présentation de la ministre et plus étrange encore, ne figure pas une seule fois dans sa lettre de mission fleuve envoyée par Édouard Philippe. Les crédits d’acquisition continuent, eux, à baisser d’année en année et perdront encore près de 500 000 euros en 2018 pour s’établir à 9,5 millions, alors qu’ils s’élevaient à près de 20 millions en 2010.
 

La Cité du théâtre et les nouveaux locaux du Cnap

À l’intérieur du programme Création, qui ne compte que deux actions, le spectacle s’en tire mieux que les arts visuels, 0,7 % pour le premier et – 4 % pour les seconds. Le ministère n’a pas remis en cause la création d’une Cité du théâtre dans le 17e arrondissement de Paris, annoncé par François Hollande en 2016. 7 millions d’euros seront consacrés en 2018 à l’étude du projet qui associera la deuxième salle de l’Odéon (déjà présente), une salle pour la Comédie Française et de nouveaux locaux pour le Conservatoire d’art dramatique. L’ouverture est prévue pour 2022. En revanche, les crédits de paiement des arts visuels baissent de 3 millions d’euros à 74 millions d’euros en raison (sic) de « l’acquisition en 2017 des locaux situés à Patin qui accueilleront [en 2021] le Centre national d’arts plastiques [CNAP] ». Le budget global de l’opération est de 48 millions d’euros. Les Fonds régionaux d’art contemporain bénéficieront pour leur part d’une rallonge de 400 000 euros, tandis que le budget pour la commande publique est maintenue à 2,8 millions d’euros.
 

Action publique 2022

La veille de la présentation du budget, le Gouvernement rendait publique une circulaire annonçant son programme Action publique 2022, successeur de la fameuse Révision générale des politiques publiques (RGPP) de Nicolas Sarkozy et de la moins connue Modernisation de l’action publique (MAP) de François Hollande. Françoise Nyssen est invitée à remettre avant l’été 2018, comme tous ses collègues, son plan pour transformer la Rue de Valois afin d’améliorer la qualité de ses services tout en baissant la dépense. Devançant l’appel, la ministre a déjà annoncé qu’elle allait mettre en vente son immeuble de la rue des Pyramides. Pour lui permettre de mener sa réorganisation générale avec audace, le gouvernement prévoit une augmentation de 11 millions d’euros en 2019 et de 46 millions en 2020 du budget de la Mission Culture.

 

 

Un projet de loi de finances pour les initiés
La lecture du projet de loi de finances (PLF) est chaque année un casse-tête qui rend difficile la mesure exacte des évolutions. Le projet de budget est ainsi comparé à ce qui a été voté en Loi de finances initiales(LFI) sans prendre en compte les crédits gelés, ce qui fausse les comparaisons. D’ailleurs, le Gouvernement, constatant un usage détourné de la réserve, a décidé de ramener le taux de 8 % à 3 %. Autre anomalie, le regroupement dans une seule action de toutes les dépenses de personnel ne permettant de mesurer réellement le poids de chaque action. Les transferts de budget d’un programme à l’autre, comme en 2018 des crédits pour l’éducation artistique et culturelle (EAC), dont certaines lignes se trouvaient jusqu’à présent en patrimoine ou en création faussent les comparaisons, notamment au niveau des actions. Enfin certaines lignes budgétaires sont mal affectées. Ainsi le Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS), créé l’an dernier pour « calmer » les intermittents du spectacle aurait plus sa place dans le programme Création que dans celui qui abrite l’EAC. À moins que les crédits de paiement du FONPEPS qui ont baissé – officiellement pour des raisons techniques de 55 millions d’euros à 25 millions d’euros ne servent à financer les mesures nouvelles de l’EAC ?
Jean-Christophe Castelain
 

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°486 du 6 octobre 2017, avec le titre suivant : Budget culture 2018, des changements à la marge

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