L’Espace Fondation EDF, qui met en scène les dérèglements climatiques à travers le regard des artistes, s’enferme dans un discours trop littéral.
PARIS - À l’approche de la COP21 et dans son sillage, de nombreuses expositions vont s’intéresser aux bouleversements climatiques. À Paris, l’Espace Fondation EDF, qui apparaît naturellement fondé pour s’emparer de la question, a invité la commissaire Camille Morineau à concevoir pour ses espaces une proposition sur le thème.
En trois volets, comme autant de niveaux entre lesquels sont réparties les salles d’exposition, « Climats artificiels » s’abstient toutefois d’aborder de front ces problématiques, à travers le prisme social ou politique, préférant se concentrer sur des aspects poétiques et symboliques. Parfaitement affirmé et assumé, ce choix prive toutefois la manifestation d’un certain relief, d’un mordant peut-être, et lui confère un caractère un peu trop univoque, plusieurs travaux s’apparentant dans ce contexte à de l’illustration.
Ainsi de la présence d’artistes chez qui des considérations d’ordre climatique ou environnemental sont peu présentes, comme Stéphane Sautour – ses deux encres de Chine juxtaposées décrivent un monde dont la forme et l’image se brouillent (Burn Out, 2008) –, ou Marina Abramovic, qui met en relief une arachide dont l’ombre portée évoque la forme d’un nuage (Cloud with its Shadow, 1971-2015).
Traverser un nuage
Au centre de cette première section intitulée « Équilibre précaire », la vaste installation Cloudscapes (2012) de l’architecte japonais Tetsuo Kondo, qui dans sa pratique du bâti s’intéresse à ces contingences, apparaît un peu vaine. Dans une grande tente transparente, le visiteur est invité à gravir un escalier qui le conduit à traverser de la fumée blanche dont la composition est identique à celle d’un véritable nuage. Même si l’idée d’une recréation de la nature inquiète un peu, que se passe-t-il ici ? pas grand-chose finalement, mis à part qu’il y fait chaud (effet de l’enfermement, de la hauteur, du nuage… ou d’autre chose ?) et que cela pique un peu les yeux.
Plus loin, c’est un très beau film d’Ange Leccia, vu l’an dernier au Palais de Tokyo, à Paris, qui captive le regard avec, en boucle, l’image d’une mer déchaînée prise de soubresauts à la fois violents et majestueux, mais dont les mouvements, verticaux et non plus horizontaux comme il est d’usage, rompent avec la perspective traditionnelle (La Mer, 1991-2014). Le dérèglement naturel est également finement à l’œuvre dans le travail d’Hicham Berrada, qui à l’aide de produits chimiques déposés dans des aquariums laisse se recréer des écosystèmes difficilement identifiables (Présage, 2013).
À l’étage, une section intitulée « L’état du ciel » donne plus volontiers dans le registre de la contemplation en abordant parfois la manipulation de la nature, comme dans ces photographies de Chris Morin-Eitner où palmiers, végétation luxuriante et animaux sauvages ont envahi Paris (Il était une fois… demain, 2012). On y trouve quelques échappées réussies, telle celle de Spencer Finch qui a accroché là des ballons dont les nuances de bleu font exactement écho à celles du ciel observé à un moment précis (Sky Over Coney Island (November 21, 2004 1 : 14pm), 2004).
Mais c’est finalement au sous-sol, malgré une architecture peu propice au déploiement d’œuvres d’art, que l’exposition prend un peu de souffle ; la partie « Catastrophes ordinaires » présente des digressions visuelles et parfois poétiques qui, pour certaines, « attrapent » des phénomènes naturels et les donnent à voir par le biais de la fiction. Il en est ainsi du beau film de Laurent Grasso, Soleil double (2014), où dans un quartier de Rome à l’architecture fascisante, apparaît un second soleil qui bouleverse l’appréhension des lieux, ou de celui d’Adrien Missika, Darvaza (2011), qui s’attarde autour d’un cratère en feu depuis 1971 au Turkménistan ; étrange vision à la fois réelle et presque onirique d’un monde en effet déréglé.
Commissaire : Camille Morineau, conservatrice du patrimoine
Nombre d’artistes : 26
Nombre d’œuvres : 32
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Avis de gros temps
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 28 février 2016, Espace Fondation EDF, 6, rue Récamier, 75007 Paris, tél. 01 53 63 23 45, fondation.edf.com, tlj sauf lundi 12h-19h, entrée libre. Catalogue, coéd Fondation EDF/Paris Musées, 84 p., 20 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°445 du 13 novembre 2015, avec le titre suivant : Avis de gros temps