Contacter la police ou la gendarmerie, déclarer le vol à sa compagnie d’assurance, faire appel éventuellement à un \"expert d’assuré\" : chaque démarche doit être faite dans les règles. MalheuÂreusement pour les propriétaires dépossédés, le possesseur de bonne foi bénéficie d’une protection relativement importante.
Le premier réflexe sera évidemment d’appeler la police ou la gendarmerie. Si le vol porte sur des œuvres importantes, risquant d’être transférées rapidement vers l’étranger, il est souhaitable d’aviser simultanément l’Office central de répression du vol d’œuvres et d’objets d’art (OCRVOOA). Ce service appartient à la DCPJ (police judiciaire) et a une compétence nationale. Pour permettre l’identification des œuvres et l’éventuelle diffusion rapide de notices de recherche, il est important de lui adresser le plus rapidement possible les documents d’identification, en particulier les photographies et les signes particuliers de l’œuvre volée.
Après la police ou la gendarmerie, il faut évidemment prévenir la compagnie d’assurance sans délai. Une déclaration tardive (généralement les polices prévoient un délai maximum de 2 à 3 jours à partir de la découverte du sinistre) peut entraîner la déchéance du droit à indemnité. Cependant, ce délai ne court qu’à partir du moment où la victime a connaissance du vol.
En cas de vol, la compagnie demandera copie de la plainte, qui devra comporter le détail des objets volés ; si une omission est faite lors du dépôt de plainte, il est possible, après inventaire complet des dommages, de la compléter en conséquence.
Si le sinistre est important ou complexe, il peut être souhaitable de faire appel à un "expert d’assuré" pour défendre ses intérêts. La rémunération de l’expert d’assuré est généralement calculée au pourcentage de l’indemnité versée par la compagnie (en général de 5 à 10 %). Certaines polices d’assurance, sous la rubrique "honoraires d’experts", prévoient le règlement par la compagnie de tout ou partie des honoraires de l’expert d’assuré.
Propriétaire légitime et possesseur de bonne foi
Compte tenu de l’accroissement considérable des vols d’œuvres d’art, il est essentiel de savoir dans quelles conditions le propriétaire d’une œuvre volée peut récupérer son bien s’il réapparaît sur le marché. Malheureusement pour les propriétaires dépossédés en France, mais aussi en Belgique et en Suisse, le possesseur de bonne foi bénéficie d’une protection relativement importante, fondée en particulier sur des délais de prescription assez courts et la possibilité dans certains cas d’obtenir remboursement de son achat s’il doit le restituer au propriétaire d’origine.
En France, le propriétaire peut revendiquer, c’est-à-dire demander la restitution de l’œuvre, dans un délai maximum de 3 ans après la date du vol. Les objets des musées et les objets classés font toutefois exception puisqu’ils sont imprescriptibles. L’État ou le propriétaire peuvent donc demander la restitution de l’œuvre volée sans limitation de temps (une réglementation similaire existe en Belgique pour les objets du domaine public et le patrimoine religieux).
Les délais de prescription
Le délai de prescription est de 5 ans en Suisse et en Belgique. Dans ces États, comme en France, ces délais de prescription civile ne peuvent être invoqués par des acquéreurs de mauvaise foi, et a fortiori par des receleurs avérés.
Une directive européenne a cependant porté ce délai à 30 ans (et à 70 ans pour les objets des musées et des églises). Cette directive, transposée en France par une loi du 3 août 1995, n’est cependant applicable qu’aux objets d’une valeur importante (plus de 150 000 Écus – soit environ 1 million de francs – pour les tableaux, plus de 50 000 Écus – 350 000 francs – pour les meubles et objets..), susceptibles d’être considérés comme des trésors nationaux ou déjà reconnus comme tels (par un classement, par exemple), et exclusivement lorsqu’ils sont retrouvés dans un autre État membre que celui où ils ont été volés. Ainsi, paradoxalement, il peut être parfois souhaitable pour le propriétaire que l’objet soit découvert dans un autre pays de l’Union européenne. Ainsi, lorsqu’un objet important a été volé et est redécouvert en France plus de 3 ans après le vol, la prescription de 3 ans s’appliquera et le propriétaire ne pourra plus revendiquer l’objet. Si au contraire l’œuvre est retrouvée dans un autre État membre, le délai d’action sera de 30 ans, voire 70 ans.
Pour le propriétaire, un autre obstacle peut l’empêcher de récupérer son bien. En effet, les textes prévoient que le possesseur de bonne foi a, dans certains cas, droit à une indemnisation. Ce sera le cas en France et en Suisse si le possesseur a acquis l’objet en vente publique, chez un antiquaire, un négociant en œuvres d’art ou dans un salon (art. 2280 du code civil français et 934 du code civil suisse). Dans ce cas, le propriétaire légitime ne pourra récupérer l’œuvre volée qu’en remboursant le prix payé par l’acquéreur de bonne foi. Comme pour les délais de prescription, ce remboursement ne peut bénéficier au possesseur de mauvaise foi.
Cette disposition, comme les délais de prescription déjà évoqués, vise à protéger les transactions en privilégiant celles réalisées dans les circuits commerciaux habituels. Évidemment, pour le propriétaire dépossédé obligé de "racheter" l’objet lui appartenant, elle paraît inique. Elle pénalise également les marchands qui achètent chez des particuliers et ne peuvent donc en bénéficier.
La réglementation européenne évoquée ci-dessus (en France, loi du 3 août 1995) prévoit également l’indemnisation du possesseur de bonne foi. Les textes ne déterminent pas la base de calcul de cette indemnisation. Par contre, ce qui peut être plus favorable au propriétaire, ils autorisent le juge à tenir compte des circonstances de l’acquisition lorsqu’il décide et fixe l’indemnité. L’idée est de vérifier si l’acheteur a pris un minimum de précautions lors de l’achat.
Un minimum de "curiosité"
La loi du 3 août précise dans ce sens que le tribunal "accorde au possesseur de bonne foi, qui a exercé la diligence requise lors de l’acquisition du bien, une indemnité équitable".?La convention Unidroit, adoptée à Rome en juin 1995, mais non encore applicable, reconnaît le droit à indemnité "à condition que le possesseur n’ait pas su ou dû raisonnablement savoir que le bien était volé et qu’il puisse prouver avoir agi avec la diligence requise lors de l’acquisition".
Ces textes illustrent la tendance actuelle à exiger un minimum de "curiosité" de la part de l’acheteur. En effet, on considère de plus en plus que l’acheteur public ou privé doit se préoccuper de l’origine des œuvres qu’il acquiert, et que la bonne foi ne peut se résumer à l’ignorance d’une origine délictueuse mais doit être appréciée en fonction des précautions prises lors de l’achat. Cette évolution est assez différente des principes français et belges, qui présument la bonne foi de l’acheteur. Paradoxalement – on a coutume de penser que ce pays est d’une tolérance excessive par rapport au trafic –, le droit suisse a des exigences plus prononcés envers l’acheteur. Plus paradoxalement encore, les droits anglo-saxons, et en particulier ceux des États-Unis – où le commerce semble roi –, sont plus protecteurs du propriétaire légitime. Considérant en effet que le voleur ne peut transférer un droit de propriété qu’il n’a pas acquis, les tribunaux jugent que le possesseur, même de bonne foi, n’a pu acquérir un droit opposable au propriétaire. En quelque sorte, si une œuvre importante volée a été revendue par un négociant ou un "auctioneer", il serait plutôt souhaitable qu’elle soit retrouvée aux États-Unis. Reste à savoir si, compte tenu des honoraires des avocats américains, il ne vaut mieux pas immédiatement transiger avec le détenteur de l’objet.
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Après le vol, quels recours ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°26 du 1 juin 1996, avec le titre suivant : Après le vol, quels recours ?