PARIS [01.12.14] – Le groupe de travail constitué en 2013 n’a pu identifier que trois propriétaires de l’époque d’œuvres MNR parmi les 85 sur lesquels il enquêtait. Il recommande d’accélérer la numérisation de plusieurs fonds pour faciliter les recherches.
Entre 1951 et juin 2014, ce sont 102 restitutions de biens spoliés pendant la guerre qui ont été réalisées (dont 11 entre 2013 et 2014). Conformément au souhait d’Aurélie Filippetti de faire du traitement des biens spoliés une priorité de son action, l’ancienne ministre de la Culture avait mis sur pied un groupe de travail sur la recherche « proactive » des propriétaires au moment de la spoliation. En place dès mars 2013 (peu après la mission d’information sur les œuvres d’art spoliées par les nazis dans les musées publics effectuée par la Commission de la culture du Sénat), le groupe a remis, jeudi 27 novembre, ses conclusions à Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication.
Dirigé par une magistrate et composé de chercheurs et de conservateurs du Service des musées de France (SMF) et des musées nationaux concernés, de la Commission d’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation des Archives nationales, et des Archives du ministère des Affaires étrangères et du Développement international, le groupe s’est basé sur le rapport (1) établi en 2000, sous la présidence de Jean Mattéoli, sur la spoliation des Juifs.
Ce groupe de travail, chargé de rechercher la provenance de 145 œuvres MNR considérées comme ayant été spoliées a, en définitive, travaillé sur 85 MNR. Ces travaux ont permis l’identification des propriétaires, au moment de leur spoliation, de 26 œuvres MNR : trois dont la spoliation est certaine (une toile anonyme du 17e siècle ayant appartenu aux époux Bargeboer et deux huiles sur bois du 17e siècle qui auraient appartenu à la succession de Mme Emile Javal) et 23 autres pour lesquelles des recherches complémentaires doivent être effectuées. Sur 85 œuvres, seules trois pourraient être restituées si leurs ayants droit étaient identifiés… Si la spoliation des œuvres est difficile à établir au fil des générations et des ventes, le groupe a souligné que toutes les œuvres que le rapport de 2000 qualifiait de spoliées avec certitude ne le sont en réalité pas.
Dans le cadre de sa mission, le groupe a aussi avancé dans le traitement de la documentation des MNR et de fonds d’archives, en mettant notamment à jour le catalogue en ligne du site Rose Valland.
Modernisation des outils numériques
Le groupe de travail impute à ses maigres résultats un défaut de numérisation de nombreux fonds d’archives. Il préconise la numérisation de tous les travaux de recherche puis leur transfert aux Archives nationales pour y être inventoriés, classés et rendus accessibles. Il ressort également du rapport la nécessité de poursuivre la numérisation des catalogues des ventes publiques sous l’Occupation conservés au sein des bibliothèques et à l’Institut national d’histoire de l’art (INHA), numériser le fonds de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah (fondation qui a financé un travail de recherche sur le marché de l’art pendant l’Occupation), réactualiser le Guide des recherches dans les archives des spoliations et des restitutions, publié en 2000 par la Mission Mattéoli.
Afin d’améliorer le traitement des MNR, la ministre de la Culture et de la Communication a, quant à elle, préconisé des mesures concrètes, comme la publication, sur le site Rose Valland, des 26 MNR dont les propriétaires au moment de la spoliation ont été identifiés, la révision de la liste des MNR (notamment pour en retirer les œuvres qui n’ont jamais été spoliées ni cédées sous la contrainte), la création d’une base de données sur l’ensemble des œuvres restituées à leur propriétaire ou ayants droit après 1945.
La ministre suggère la mise en place d’un réseau de correspondants au sein des musées de France dépositaires pour compléter la documentation sur les MNR en dépôt et souhaite leur rappeler (sous forme de circulaire) leur obligation de présenter les MNR au public et de les identifier clairement pour les visiteurs. Il conviendrait que les musées de France identifient (dans le cadre des opérations de post-récolement) les œuvres qui nécessitent des recherches complémentaires. Enfin, un effort de sensibilisation des conservateurs du patrimoine stagiaires à la problématique des spoliations, dans le cadre de leur formation, est envisagé.
La deuxième phase de la mission consiste désormais à identifier les ayants droit actuels afin de leur restituer les œuvres. La CIVS semble être la structure la plus légitime pour diligenter ces recherches. Le Premier ministre devrait alors modifier le décret statutaire afin que la Commission soit habilitée à les réaliser pour le compte de l’Etat.
(1) Rapport sur le « Pillage de l’art en France pendant l’Occupation et la situation des 2 000 œuvres confiées à la garde des musées nationaux », rédigé en 2000 par Isabelle le Masne de Chermont et Didier Schulmann dans le cadre des travaux de la mission Mattéoli.
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Le rapport du groupe de travail sur les MNR montre la difficulté des recherches proactives
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Abonnez-vous dès 1 €Un exemple d'oeuvre du MNR (Musées Nationaux Récupération) : Gustave Courbet, La Falaise d'Etretat, après l'orage, 1870, Musée d'Orsay, MNR 561 - Site Rose-Valland, Musées Nationaux Récupération