PARIS [02.05.14] – Lors d’un colloque organisé à l’Institut du Monde Arabe le 30 avril 2014, experts, archéologues, historiens et membres d’organisations internationales se sont donné rendez-vous afin de dresser un bilan des dommages causés par le conflit syrien sur le patrimoine du pays.
Sous l’égide de Jack Lang, président de l’Institut du Monde Arabe, un colloque intitulé « Le Patrimoine culturel syrien en péril » s’est tenu le 30 avril 2014 afin d’envisager des solutions face à la destruction du patrimoine syrien. Mais il était avant tout question d’essayer d’établir un état des lieux des dommages causés depuis le début du conflit en 2011.
Il est en effet difficile d’établir une cartographie précise des sites touchés par le conflit. Les informations venant de Syrie sont surtout des images, des vidéos, qui sont ensuite analysées et scrutées par des experts, tel Cheikhmous Ali, docteur en archéologie du Proche-Orient ancien et fondateur de l'Association pour la protection de l'archéologie syrienne.
La Direction Générale des Antiquités et des Musées (DGAM) syrienne communique quelques informations via son site Internet, ou par des rapports annuels. Mais comment considérer de telles données lorsqu’elles émanent d’un service du ministère de la Culture du régime de Bachar el-Assad ?
D’après les recherches menées par Cheikmous Ali, 8 menaces pèsent à ce jour sur le patrimoine syrien et les sites archéologiques. L’absence de travaux de consolidation fragilise certains sites tels que Mari ou Ebla. Par ailleurs, l’occupation de lieux stratégiques par l’armée syrienne ou les opposants au régime met en péril les monuments, ces derniers devenant la proie des attaques du camp opposé. Des chars ont ainsi été repérés à Damas-Saydnaya ou encore à Tell Qarqur et Apamée, dans le nord-ouest de la Syrie. Des bombardements de quartiers historiques, comme ce fut le cas à Homs, ont été observés.
Les sites archéologiques ou monumentaux syriens sont également l’objet de dynamitages opérés dans le but de creuser des tranchées et des fosses pour protéger et dissimuler armes et véhicules – de tels actes ont été observés à Palmyre, Ebla, Alep et Nawa notamment. S’agissant des musées, l’absence de mesures de sécurité depuis le début du conflit a permis de nombreux vols et pillages, comme au Musée archéologique d’Hama, d’Apamée ou de Homs. Les fouilles clandestines et les pillages recensés à Ebla sont également inquiétantes et souvent le fait de « mafias » internationales très bien organisées. Les sites tant sous contrôle de l’armée que sous contrôle des insurgés – comme c’est le cas à Doura Europos -, sont la proie de ces trafics puisque aucun camp ne semble mettre en place de protection ou de mesures de conservation. Enfin, le vandalisme représente une autre menace, qu’il s’agisse des massifs calcaires de villages antiques et des villes mortes ou de tombes byzantines. De nombreuses pierres provenant de sites monumentaux ont notamment été retaillées puis revendues.
Mais la situation était déjà préoccupante avant le conflit. Sophie Cluzan, conservatrice du patrimoine au musée du Louvre (département des Antiquités orientales) a expliqué les conditions déjà difficiles pour la préservation du patrimoine culturel syrien de par son étendue mais également de par le peu d’intérêt apporté par les autorités avant 2011. Le patrimoine tant matériel qu’immatériel est en effet très important dans ce pays ayant connu plus de 5 000 ans d’histoire et diverses civilisations, ce qui pose nécessairement le problème de sa gestion effective. Le cadre législatif afférant aux biens culturels est, par ailleurs, insuffisant et non actualisé depuis 1963, date à laquelle il a été établi. Selon cette loi, la quasi-totalité du patrimoine appartient à l’Etat - en dehors de certains monuments historiques, propriété de privés-, ce qui inclut le patrimoine au-dessus du sol, ainsi que les découvertes archéologiques. Les infrastructures des musées sont déficientes, depuis des temps antérieurs au conflit. Elles n’étaient pas adaptées aux collections comme à Apamée ou Hama ou les bâtiments étaient de mauvaise facture, à l’exemple du musée de Suweida au sud de la Syrie.
Si l’initiative de Jack Lang est méritoire, elle pèse peu dans un conflit où les victimes humaines se comptent en dizaines de milliers et où les enjeux dépassent largement le patrimoine historique.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Un colloque à l’IMA a tenté de dresser un état des dommages causés au patrimoine culturel syrien
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Ruines à Homs - Syrie - © Photo Bo yaser - 2012 - Licence CC BY-SA 3.0