Restitutions

Gurlitt accepte de restituer les œuvres spoliées

Par Isabelle Spicer (Correspondante à Berlin) · lejournaldesarts.fr

Le 27 mars 2014 - 647 mots

BERLIN (ALLEMAGNE) [27.03.14] - Pour la première fois, Gurlitt déclare clairement accepter de restituer les œuvres spoliées aux héritiers juifs. Une première œuvre va être prochainement restituée. De nouvelles œuvres entreposées au domicile de Cornelius Gurlitt à Salzbourg ont été mises en sûreté par son tuteur provisoire. Son avocat spécialiste en restitution a par ailleurs été congédié.

Nouveau rebondissement dans l’affaire Gurlitt. Le 10 février dernier, 60 œuvres avaient été mises en sûreté par son tuteur provisoire, Christoph Edel. Ces œuvres avaient été retrouvées au domicile autrichien de Gurlitt, à Salzbourg. Il s’avère que la collection avait été largement sous-estimée : 178 nouvelles œuvres ont été retrouvées, portant le total des œuvres à 238, dont 39 peintures à l’huile. Contrairement au trésor retrouvé à Munich, comportant 1 406 œuvres, ces œuvres restent entre les mains de Cornelius Gurlitt et ne seront pas examinées par la task-force mise en place par le gouvernement allemand.

Ces nouvelles œuvres ont été retrouvées à l’occasion de deux visites les 24 et 28 février au second domicile de Cornelius Gurlitt à Salzbourg, dans des pièces auparavant inaccessibles. Toutes sortes d’objets sans valeur ont dû être déblayés avant de parvenir à ce nouveau trésor. La majeure partie des 239 œuvres est constituée de dessins, dont certains de Picasso et Munch. 7 des 39 tableaux ont été réalisés par le grand-père de Cornelius Gurlitt, Louis Gurlitt. Les autres tableaux ainsi que des aquarelles sont de Monet, Corot, Renoir, Manet, Courbet, Pissarro, Gauguin, Toulouse-Lautrec, Liebermann, Cézanne et Nolde. La collection comprend également des céramiques, ainsi que des sculptures, notamment de Rodin.

Ces œuvres ont été déplacées dans un endroit sécurisé, sont cataloguées par des experts, et certaines sont en cours de restauration. Elles seront ensuite examinées par des experts internationaux pour déterminer s’il s’agit de biens spoliés par les nazis. « Nous continuerons cette approche de notre propre initiative », a déclaré Christoph Edel. « Une chose est certaine : nous présenterons les résultats de nos recherches au public afin qu’ils puissent être vérifiés, et que tout ayant droit potentiel puisse se manifester », a-t-il ajouté.

Cette nouvelle découverte intervient alors que Cornelius Gurlitt a donné un mandat clair à son tuteur légal : « Si les œuvres de Salzbourg ou [Munich] sont légitimement suspectées d’être des biens spoliés par les nazis, rendez-les s’il-vous-plaît à leurs propriétaires juifs. » Preuve de bonne volonté, une première œuvre devrait être restituée très prochainement. Il pourrait s’agir de l’œuvre Femme assise de Matisse ayant appartenu à Paul Rosenberg. Christoph Edel affirme également que des discussions constructives sont en cours avec d’autres ayants droit, et que des œuvres supplémentaires pourraient être ainsi restituées dans les semaines à venir. Son équipe travaille actuellement à l’élaboration d’un accord cadre de restitution conforme aux principes de la déclaration de Washington. « Mais nous réaffirmons une fois de plus que seul un faible pourcentage de la collection Gurlitt est suspectée d’être constituée de biens spoliés. En même temps, nous appelons les musées et le secteur public en Allemagne à suivre notre exemple », conclut Christoph Edel.

Les personnes privées seraient-elles de meilleure volonté que les institutions publiques ? La semaine dernière, la commission Limbach avait en effet recommandé aux musées berlinois de ne pas restituer le trésor des Guelfes aux héritiers de marchands juifs. Les musées allemands sont également soupçonnés d’héberger des biens spoliés dans leurs collections, et sont accusés de manquer de transparence puisque très peu de collections sont numérisées et accessibles au public, ce qui faciliterait grandement les recherches sur la provenance.

Sans fournir de justification, Christoph Edel a enfin annoncé que l’avocat de Gurlitt, Hannes Hartung, spécialiste en restitution, avait été congédié. Ce dernier avait adopté une approche restrictive de dialogue avec les ayants droit, affirmant ainsi que des solutions justes et appropriées seraient recherchées, n’impliquant pas forcément une restitution, mais par exemple une compensation financière. Les demandes de restitution doivent désormais être adressées directement à Christoph Edel.

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Vue de l’immeuble d’habitation où se situait la cache des 1406 tableaux retrouvés. © Staatsanwaltschaft Augsburg

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