ALSACE [22.05.13] – Premier monument national à avoir quitté le giron de l’État pour rejoindre une collectivité territoriale, le Conseil général du Bas-Rhin en 2007, le château du Haut-Koenigsbourg vit une phase de restauration et de mise aux normes. Six ans après, l’expérience de la décentralisation se prête au bilan.
Géré par l’État jusqu’en 2007, le château du Haut-Koenigsbourg ne causait pas beaucoup de souci à son propriétaire. Réputé pour être un édifice restauré de toutes pièces au début du XXe siècle, l’urgence d’y intervenir ne se faisait pas ressentir, quand d’autres monuments laissés à l’abandon depuis plusieurs siècles réclamaient l’investissement du pouvoir central.
Délesté d’une pleine responsabilité, l’État a pourtant accepté de s’engager financièrement à hauteur de 50 % dans la réhabilitation du monument, commencée en 2010. Selon Laurent Schmitt, directeur du château, cette aide se chiffre aujourd’hui plutôt dans les 40 %, le coût des travaux surpassant les estimations initiales. Le projet, d’ici 2015, devrait en effet coûter près de 12 millions d’euros.
Premier monument national transféré à une collectivité territoriale, qui s’est par ailleurs engagée dans sa restauration et dans la mise aux normes de ses installations techniques, le Haut-Koenigsbourg apparaît comme un cas emblématique.
Une belle notoriété
Quel que soit son propriétaire, le Haut-Koenigsbourg bénéficie depuis de nombreuses années d’une grande notoriété. Avec en moyenne plus de 500 000 visiteurs par an, il est l’un des sites les plus visités de France et n’a pas à rougir à côté d’un Chambord, qui a attiré 775 000 visiteurs en 2012.
La décentralisation a ceci de positif que les acteurs de sa prise en charge sont plus proches et plus préoccupés de son devenir, en particulier dans une région hautement concernée par la sauvegarde de son patrimoine culturel. Les Alsaciens tiennent à leur cinquantaine de châteaux forts, et les collectivités territoriales financent à plus de 50 % leur entretien. Deux des quatre monuments exploités commercialement ont été restaurés récemment (le Lichtenberg et le Hohlandsbourg, qui vient de rouvrir ses portes au public), et parmi eux, le Haut-Koenigsbourg fait figure de fer de lance.
Mentionné dès 1147, il passe entre les mains de plusieurs dynasties impériales : fondé par les Hohenstaufen, les Habsbourg en font une place stratégique aux frontières occidentales du Saint Empire romain germanique ; s’en suit une longue période de troubles, qui se terminera par l’acquisition du château par Guillaume II de Hohenzollern en 1899. Ce dernier souhaite en faire un musée à la gloire de la chevalerie germanique, un monument qui symbolisera par ailleurs la légitimité de son pouvoir en Alsace, et sa propre filiation avec les grands dirigeants du Saint Empire. De ces ambitions politiques naît la grande entreprise de restauration qui a redonné tout son lustre à l’édifice, tout en ternissant sa réputation.
Un postiche de château médiéval ?
Car les critiques vont bon train, dès le début du XXe siècle. L’enjeu politique de l’annexion de l’Alsace aura sans doute motivé dans un premier temps les détracteurs français, qui remettent en cause les choix architecturaux du restaurateur Bodo Ebhardt. Comme Viollet-le-Duc, son travail est parfois qualifié de fantaisiste, bien qu’il se soit basé sur des recherches archéologiques et documentaires, mises au service d’un véritable souci de vraisemblance. L’édifice étant demeuré à l’état de ruines durant presque trois siècles avant d’être entièrement rebâti, son authenticité s’en trouve largement remise en question.
Cependant, l’état actuel du château rend compte de ce riche passé historique : certaines façades témoignent des trois époques du monument, une première restauration à la fin du XVe siècle ayant conservé les murs romans ; des arcatures murées et des signes de tailleurs de pierre sont d’autres souvenirs du XIIe siècle.
Les travaux de restauration en cours jonglent entre l’enjeu commercial et la volonté de redonner des gages à l’histoire. Ils n’ont cependant pas encore été synonymes de retombées économiques significatives : en 2007, le site accueille 513 723 visiteurs et enregistre 2 806 490 euros de recettes, contre 519 625 visiteurs et 2 866 819 euros en 2012. En comparaison, le château de Chaumont-sur-Loire, qui a également fait l’objet d’un transfert de l’État à la Région en 2008, a doublé le nombre de ses visiteurs (de 200 000 à plus de 400 000 par an) et s’autofinance à plus de 70 %. L’utilisation de l’art contemporain a joué un rôle non négligeable dans la progression du domaine, qui bénéficie par ailleurs d’une insertion dans le circuit des châteaux de la Loire. C’est peut-être dans l’art contemporain que le château du Haut-Koenigsbourg pourrait trouver un nouveau souffle.
Une « locomotive » pour le patrimoine castral alsacien
L’art contemporain a cependant timidement investi le site du Haut-Koenigsbourg ces dernières années : une unique œuvre est présentée l’été, et ne récolte pas toujours l’adhésion du public et des acteurs du château, comme l’a rapporté Laurent Schmitt au Journal des Arts, qui ajoute que Franz West sera son prochain invité. Le château se trouve tout proche de la ville de Sélestat qui accueille depuis vingt ans une biennale d’art contemporain ; un travail de partenariat et de promotion mutuelle pourrait ouvrir de nouvelles perspectives.
Le potentiel patrimonial de la région, méconnu à l’extérieur des frontières alsaciennes, pourrait également être exploité dans une synergie bénéfique. Depuis plusieurs années, des associations travaillent à la consolidation et à la sécurisation des ruines médiévales, sans toutefois trop le faire savoir jusqu’à présent. Fondée récemment, l’Association des Châteaux forts d’Alsace entend assurer une meilleure visibilité à cet héritage. Elle cherche également à en justifier l’intérêt afin d’encourager les financements publics, qui sont en baisse. 156 millions d’euros ont par exemple été alloués à l’entretien des monuments n’appartenant pas à l’État en 2013, quand le ministère de la Culture et de la Communication dégageait 172 millions en 2012.
Dans un entretien au Journal des Arts, Guillaume d’Andlau, président de l’Association des Châteaux forts d’Alsace, a insisté sur la nécessité de « raisonner en mode réseau ». Les ruines se prêtent idéalement à la visite de randonnée, et gagneraient à être intégrées dans un circuit touristique, qui inclurait d’autres attractions culturelles, comme la Route des Vins d’Alsace. Selon lui, le Haut-Koenigsbourg doit jouer le rôle de « locomotive » au sein de ce réseau de châteaux : « il faut profiter de la chance du Haut-Koenigsbourg et faire une plus-value à travers ça ».
L’Alsace a fait de 2014 l’Année du château fort ; de quoi peut-être faire valoir cette particularité patrimoniale.
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Le Château du Haut-Koenigsbourg six ans après son transfert au département
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Abonnez-vous dès 1 €Le château du Haut-Koenigsbourg - 2013 - © Photo Sarah Barry pour LeJournaldesArts.fr