Ses collections sont moins prestigieuses que celles du Bauhaus Archiv de Berlin et ne comptent pas de chefs-d’œuvre impérissables. Pourtant, quelques semaines après son ouverture dans l’ancienne Kunsthalle, le Bauhaus Museum de Weimar a déjà accueilli plus de cinquante mille visiteurs.
WEIMAR - Tirée de la correspondance que Walter Gropius – le fondateur, en 1919, du Bauhaus – échangea avec le ministère de la Culture, la dernière lettre présentée par le Bauhaus Museum est datée de 1924 : signée par tous les enseignants, elle annonce la fermeture imminente de l’école d’art et d’architecture en raison des "interférences déplorables" dont les autorités se rendaient coupables.
La même année, une lettre de protestation signée par les citoyens les plus conservateurs de Weimar augurait de son déménagement à Dessau, deux ans plus tard. Mais pour Michael Siedenbrodt, directeur du nouveau musée, "les temps ont changé, et le Bauhaus est désormais considéré comme un élément du patrimoine historique de la ville, au même titre que ses célèbres enfants, Goethe et Schiller".
L’enthousiasme – suscité par les retrouvailles du Bauhaus avec sa ville natale, ou porté par la lame de fond de l’après-Mur, peu importe – qui a suivi l’inauguration du musée a même dépassé toutes les attentes de Michael Siedenbrodt. Âgé de quarante-trois ans, celui-ci caressait ce projet depuis les années soixante-dix lorsque, étudiant en architecture, il collaborait à la rénovation du siège du second Bauhaus, à Dessau. Sa résolution se heurta à l’époque à la froideur, pour ne pas dire à l’ostracisme, de l’administration communiste. En effet, après avoir été rejeté par les nazis, qui fermèrent l’école en 1933, au nom de son inspiration "socialiste", l’esprit du Bauhaus était qualifié de "capitaliste" par les autorités de la RDA.
À ces difficultés s’est ajoutée celle de réunir des objets pour la plupart confisqués et détruits lors de la chasse à "l’art dégénéré", ou encore dispersés en mains privées. Pour y parvenir, Michael Siedenbrodt a mené ses recherches à partir des archives municipales, et a parfois bénéficié d’un peu de chance. C’est ainsi qu’en visitant le siège historique du premier Bauhaus, il remarqua un ouvrier assis sur un "objet" assez intéressant, qui s’avéra être une chaise dessinée par Bram Van Velde, exhumée du fond d’un entrepôt.
Le Bauhaus Museum expose des dessins de Walter Gropius et d’autres illustres professeurs tels que Kandinsky, Feininger et Moholy-Nagy, ainsi que des objets et du mobilier créés par les élèves. La collection – modeste mais bien choisie – réussit à retracer la vie d’une école dont l’actualité s’impose plus que jamais, comme le souligne le directeur du musée, pour qui il suffit de jeter un coup d’œil sur les meubles Ikea, les motos BMW ou les cafetières électriques Braun.
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Weimar s’honore du Bauhaus
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°20 du 1 décembre 1995, avec le titre suivant : Weimar s’honore du Bauhaus