Restauration

Vent de luxe sur le Grand Couver

Un décor historique du château de Versailles vient de faire l’objet d’une restauration et d’un nouveau projet muséographique

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 2 novembre 2010 - 636 mots

VERSAILLES - Côté face, il y a la réouverture d’un maillon important du parcours de visite du château de Versailles.

Après plus d’un an et demi de travaux, l’enfilade des Grands Appartements de la reine a retrouvé son antichambre du Grand Couvert. Comme la plupart des pièces du lieu, celle-ci a subi, au fil des siècles, plusieurs changements d’affectation. D’abord salle des gardes de la reine, conçue en pendant du salon de Mars, elle est ensuite devenue sa première antichambre ou antichambre du Grand Couvert, soit le lieu du souper en famille devant une assistance. Sous Marie-Antoinette, la salle a enfin été dotée d’une tribune de musiciens, détruite à la Révolution. Les travaux de restauration, lancés en 2009, ont d’abord porté sur le décor peint de la salle, soit un ensemble de toiles marouflées – qui présentaient de nombreux décollements – intégrées dans un grand plafond à caissons et voussures. Peint par Claude-François Vignon et Antoine Paillet sous la direction de Charles Le Brun entre 1671 et 1680, celui-ci était dédié à Mars du fait de la vocation initiale de la pièce. Le panneau central d’origine, peint par Vignon, ruiné, a alors été remplacé en 1820 par une œuvre de Paul Véronèse, prélevée en 1797 au palais des Doges, à Venise. Réclamée par le Musée du Louvre en 1861, la toile a finalement été remplacée par une copie de 1665 du carton de tapisserie de Le Brun, La Famille de Darius aux pieds d’Alexandre, exécutée par Henri Testelin. L’ensemble est complété par des panneaux latéraux et des voussures dédiées aux femmes célèbres de l’Antiquité, peintes avec une remarquable technique par touches d’or qui imite le bas-relief.

Devises remises à jour
Déjà restaurées en 1953, les peintures ont fait l’objet d’une restauration fondamentale, placée sous le contrôle de la conservation du château et du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), qui a permis notamment de remettre à jour de grandes devises royales modifiées au XIXe siècle. Poursuivie par une restauration des stucs et dorures, l’intervention a également été accompagnée d’un projet muséographique destiné à expliciter la destination de la salle. Faute de mobilier, le parti a été pris de proposer une restitution dans un état prérévolutionnaire, établi à partir d’un inventaire de 1788. Une tapisserie de la galerie de Saint-Cloud a ainsi été obtenue en dépôt du Mobilier national alors qu’un damas a été réédité pour remplacer les tapisseries que la nouvelle configuration des pièces ne permettait pas d’accrocher. Le mobilier a été recréé – sur les conseils du décorateur Jacques Garcia ! – à partir des mémoires de livraison aux Menus Plaisirs. Enfin, une table a été dressée avec des pièces d’orfèvrerie ayant appartenu à George III d’Angleterre, fabriquées sur le modèle de celle de Louis XVI, et prêtées par le Louvre. Soit au final un parfait syncrétisme qui échappera sans doute aux visiteurs solidement massés qui arpentent ces salles. Enfin, le côté pile de cette restauration illustre la réalité du mécénat culturel. La société de Cognac Martell & Co, qui a déboursé 300 000 euros pour la restauration des peintures – sur les 900 000 euros du chantier – a pu bénéficier d’une contrepartie très efficace en termes de communication : la possibilité d’organiser dans le château un prestigieux dîner de gala pour quelques centaines de personnes triées sur le volet. Intitulé « The Ultimate Dinner », cet événement très couru a été annoncé sur le Net par un film qui a affolé l’univers du luxe, conquis par l’initiative. Mais en matière de mécénat culturel, la fin justifie bien souvent les moyens (1).

(1) La loi prévoit que, pour 300 000 euros de mécénat, 180 000 euros soient déductibles de l’impôt sur les sociétés et qu’un maximum de 75 000 euros soient accordés par l’établissement bénéficiaire sous forme de contreparties.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°334 du 5 novembre 2010, avec le titre suivant : Vent de luxe sur le Grand Couver

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