VERSAILLES
La galerie des Glaces à Versailles n’avait pas été restaurée depuis un demi-siècle. Grâce au financement de l’entreprise de BTP Vinci (qui va verser 10 millions d’euros sur cinq ans), son architecture due à Jules Hardouin-Mansart et son décor peint exécuté par Charles Le Brun devraient retrouver leur splendeur originelle d’ici 2008. Cette opération de mécénat culturel – la plus importante jamais réalisée en France – vient conforter la politique de relance du mécénat entreprise par le gouvernement.
VERSAILLES - Qui devinerait aujourd’hui la main de Charles Le Brun dans le décor peint de la galerie des Glaces, tant celui-ci est altéré et encrassé ? Considéré comme le chef-d’œuvre de l’artiste et comme l’apothéose de la grande peinture décorative française, ce cycle va faire l’objet, ainsi que l’ensemble de la galerie qui l’abrite, d’un vaste programme de restauration. Il sera financé, à raison de dix millions d’euros, par la société Vinci (qui a réalisé un chiffre d’affaires de 17,2 milliards en 2001), regroupant quinze entreprises spécialisées dans la restauration et la préservation du patrimoine. “Il s’agit de la plus importante opération de mécénat culturel jamais réalisé en France”, a déclaré le ministre de la Culture et de la Communication Jean-Jacques Aillagon lors d’une conférence de presse à Versailles, le 27 janvier. À titre d’exemple, son montant représente plus du double de celui débloqué par TotalFinaElf (4,5 millions d’euros) pour l’immense chantier de la galerie d’Apollon au Musée du Louvre (lire l’encadré). Ce partenariat Vinci/ministère de la Culture intervient en outre à point nommé dans la politique de relance du mécénat défendue par le gouvernement, qui a récemment présenté un projet de loi à ce sujet (lire le JdA n° 162, 10 janvier 2003). S’étant déjà illustré dans la restauration de la cathédrale de Strasbourg, et à Paris, dans celles de la place de la Concorde ou de l’Opéra Garnier, Vinci propose, en plus de son apport financier, de mettre à la disposition de l’établissement public administratif (ÉPA) du Musée et du domaine national de Versailles les compétences techniques de ses entreprises spécialisées. Cette initiative ne suppose cependant en aucun cas une “exclusivité juridique”, a précisé Pierre Arizzoli-Clémentel, directeur général de l’ÉPA. Ce dernier a ajouté que “les entreprises de restauration seront désignées lot par lot par le comité de pilotage”, chargé de prendre les décisions d’ordre scientifique et artistique. Ce comité est composé, en plus de deux directeurs de l’ÉPA de Versailles et d’un inspecteur général des Monuments historiques, de deux représentants de Vinci, ce qui influera probablement sur les désignations. Comprenant à la fois la restauration des décors peints et sculptés et la mise aux normes des équipements techniques (chauffage, ventilation, sécurité incendie…), les travaux se dérouleront de 2004 à 2008. Ils seront précédés d’une phase d’étude préalable jusqu’au printemps prochain. Conduite, comme le reste du projet, par l’architecte en chef des Monuments historiques Frédéric Didier, celle-ci permettra de mieux connaître les techniques picturales et la mise en œuvre des décors, de déterminer l’ampleur des restaurations antérieures et de présenter un programme détaillé des interventions. Accueillant chaque année trois millions de visiteurs, le “vaisseau amiral” du château restera ouvert tout au long du chantier, a indiqué Hubert Astier, président de l’ÉPA.
Un chantier colossal
Édifiée par Jules Hardouin-Mansart entre 1678 et 1682, la galerie des Glaces doit son nom aux miroirs de Saint-Gobain qui ornent ses dix-sept arcades, auxquelles répondent, en un jeu de reflets éblouissants, les dix-sept fenêtres ouvrant sur le jardin. L’éclat des marbres des pilastres, l’or aujourd’hui terni des sculptures ainsi qu’un mobilier d’argent et de vermeil – fondu en 1688 – ajoutaient au rayonnement de l’ensemble. Flanqué au nord du salon de la Guerre et au sud de celui de la Paix, ce long vaisseau de 73 mètres servait les visées idéologiques du Roi-Soleil et son désir d’apparat. Il accueillait les grandes fêtes de la cour et les mariages princiers, mais aussi les audiences extraordinaires – c’est là que furent notamment reçus le doge de Gênes et les ambassadeurs du royaume de Siam (l’actuelle Thaïlande) et de Perse. Le trône était alors placé au bout de la galerie, et l’on peut imaginer l’effet que devait produire sur ces dignitaires le gigantisme et la magnificence de la galerie, manifeste éclatant de la puissance et de la richesse du roi de France. Couronnant le tout, la voûte constitue le point d’orgue de ce programme à la gloire de l’absolutisme. Elle met en scène, en un jeu alterné de grands et petits panneaux, les hauts faits de Louis XIV durant les dix-sept premières années de son règne, de son avènement en 1661 à la signature des traités de Nimègue en 1678-1679 (fin de la guerre avec la Hollande). Pour réaliser ce cycle, Le Brun s’inspire de ses réalisations antérieures – en particulier de la galerie d’Apollon, au Louvre – mais aussi des grands décors italiens (galerie des Carrache à Rome), auxquels il emprunte le plan compartimenté (quadri riportati). Synthèse accomplie de l’art classique de Poussin et du souffle baroque de Pierre de Cortone, ces panneaux ne sont plus aujourd’hui que des “trous noirs”, selon les termes de Frédéric Didier. “Peints sur toile marouflée, ils ont beaucoup plus mal vieilli que les décors d’accompagnement (médaillons, trompe-l’œil), exécutés à l’huile sur plâtre. Cela explique le manque d’harmonie entre les différentes parties de la voûte”, explique l’architecte en chef des Monuments historiques. Afin que l’ensemble retrouve luminosité et homogénéité, les peintures seront nettoyées, les vernis allégés, les supports consolidés, la couche picturale refixée et probablement libérée de ses nombreux repeints du XIXe siècle. Les stucs ornant la corniche (trophées, cartouches, guirlandes), les lambris de marbres polychromes et les statues antiques exposées dans la galerie feront également l’objet d’un nettoyage, tandis que l’état des structures de la voûte sera vérifié. Enfin, le nombre des lustres sera doublé, les guéridons redorés et les rideaux de taffetas vert (état Louis XV) restitués. Autant dire qu’en 2008, la galerie brillera à nouveau de tous ses feux.
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Une restauration royale
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°165 du 21 février 2003, avec le titre suivant : Une restauration royale