À Milan, le Triennale Design Museum, dont l’architecture a été confiée à Michele De Lucchi, offre sur une surface 1 900 m2 une première exposition orchestrée par Peter Greenaway et Italo Rota.
Milan - Deux cuirassiers tout droit sortis du Palais du Quirinal (la résidence présidentielle italienne, à Rome, ndlr) dans le temple transalpin du design et de l’art contemporain (La Triennale de Milan). La scène valait son pesant de « grissini », le 6 décembre, lorsque le président de la République italienne, Giorgio Napolitano, est venu en personne inaugurer le premier musée du design jamais ouvert en Italie, pays considéré pourtant comme l’une des patries de la discipline. Celui-ci est installé dans une aile curviligne du fameux Palazzo dell’Arte-Triennale di Milano, d’où son nom : « Triennale Design Museum (TDM) ».
Le projet d’architecture proprement dit a été confié à l’architecte et designer Michele De Lucchi, lequel est déjà en charge, depuis 2002, du réaménagement intérieur du Palais de la Triennale construit en 1933 par Giovanni Muzio. Coût total des travaux : 12,71 millions d’euros pour une surface de 5 050 m2, dont 1 900 m2 (seulement) dédiés au TDM. La partie la plus visible du travail de De Lucchi est à n’en point douter cette étonnante passerelle en bambou suspendue au-dessus du grand escalier central et qui relie l’entrée du musée au palier du premier étage. De prime abord, ce premier musée du design en Italie se présentait un peu comme un ovni. « Les modèles étrangers nous semblaient insuffisants, explique Davide Rampello, président de La Triennale de Milan. Nous voulions quelque chose de plus profond, qui explique ce qu’est le design et l’idée de projet qui le sous-tend. Car aujourd’hui, le champ du design est vaste. Il s’étire jusqu’aux services et à l’immatérialité. Nous souhaitions représenter cette fluidité à travers des thématiques, non une chronologie ». Ce que Silvana Annicchiarico, directrice du TDM, résume ainsi : « Nous n’avons pas voulu faire un musée rhétorique, ni un mausolée, ni un showroom, mais un musée qui pose des questions sur une discipline vivante ».
Résultat : le TDM prend clairement ses distances avec le concept traditionnel de musée pour davantage flirter avec celui d’exposition temporaire. D’ailleurs, la « mise en espace » est appelée à être entièrement repensée à chaque présentation. L’exposition inaugurale, visible jusqu’au début 2009, s’intitule : « Qu’est-ce que le design italien ? » Ont, pour l’occasion, été convoquées des « pointures » de la création. Le réalisateur Peter Greenaway et l’architecte Italo Rota ont réalisé la conception générale et mis en scène le design italien « de manière émotionnelle ». Le designer Andrea Branzi, lui, a assuré le commissariat scientifique. Enfin, sept cinéastes italiens parmi les plus connus – Mario Martone, Silvio Soldini, Davide Ferrario, Antonio Capuano, Daniele Luchetti, Pappi Corsicato, Ermanno Olmi – ont chacun interprété, en images, l’un des sept thèmes du parcours.
Dès la passerelle de bambou franchie, le visiteur est happé par d’immenses écrans sur lesquels les images de Peter Greenaway font l’éloge de « 2000 ans de créativité italienne », mais surtout du corps humain. Exemple : des femmes et des hommes nus s’assoient et se relèvent d’une chaise à l’envi, au son d’une musique répétitive. « Le corps doit être mis au centre du design », estime Peter Greenaway. Au-dessus des écrans, des mots se bousculent sur des bandeaux lumineux : « Le design est l’âme essentielle de toute création humaine ».
En quelque 300 objets – sur les 2 800 pièces qui constituent la collection permanente du TDM –, le parcours décline ses sept thèmes transversaux, « sept obsessions du design italien », selon Silvana Annicchiarico : Le Théâtre animiste (des objets mis en scène) ; Les Grands Bourgeois et la sacralité du luxe (le fondement d’un consensus social autour du design italien) ; La Dynamique (la vitesse, la mobilité) ; La Lumière de l’esprit (les luminaires) ; La Démocratie empilable (la sérialité) ; Le Super Confort (l’élaboration du confort populaire) et Les Grands Simples (les archétypes).
Le spectacle des images donne évidemment un sacré coup de fouet au classique « paysage » d’objets statiques. Et découvrir les objets phares du design italien – la cafetière Moka de Bialetti, le fauteuil Up de Pesce, une radio Brion-Vega, l’étagère Carlton d’Ettore Sottsass, une Vespa, un lustre de Mangiarotti... – avec, dans son champ de vision, quelque animation lumineuse, un film original ou l’extrait d’un chef-d’œuvre du cinéma transalpin est assurément une expérience étonnante. Sauf lorsque ces projections perturbent la lisibilité des objets. Ainsi, moult pièces sont peu ou mal éclairées. Et de nombreux cartels manquent à l’appel. Sourd alors cette impression étrange que les objets passent au second plan. Mais le visiteur était d’avance prévenu. Dès l’ouverture, un bandeau lumineux affiche, en effet, cette phrase subtile et néanmoins lapidaire : « L’image a toujours le dernier mot ». Du Greenaway pur sucre !
Jusqu’en mars 2009, Triennale Design Museum, Viale Alemagna, 6, Milan, Italie, tél. 39 02 72 43 42 41 ou www.triennale.it, tlj sauf lundi 10h30-20h30.
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Une première italienne
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Abonnez-vous dès 1 €- Concepteurs de l’exposition : Peter Greenaway et Italo Rota - Commissaire scientifique : Andrea Branzi - Nombre de pièces : 300 - Prochaine exposition : «La Relation entre l’art et le design», au printemps 2009
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°272 du 4 janvier 2008, avec le titre suivant : Une première italienne