Dans l’ancien palais médiéval royal, le parcours consacré à la période révolutionnaire a été remanié. Si son contenu est plus étoffé, il demeure assez maigre.
PARIS - Pour les Parisiens comme pour les touristes, la Sainte-Chapelle est un monument incontournable de la capitale, en raison notamment de ses splendides vitraux. Sa voisine la Conciergerie, également gérée par le Centre des monuments nationaux (CMN), est quant à elle un peu délaissée (900 000 visiteurs pour la première contre 400 000 pour la seconde en 2015). « Pas grand-chose à y voir », « pour un tarif assez onéreux » (8,50 € [1]) déploraient souvent les internautes sur Tripadvisor, un site d’avis et de conseil touristiques. Les deux lieux pourraient être réunis dans un même parcours au sein du palais de la Cité après déménagement du tribunal de grande instance et de la Direction de la police judiciaire en 2017, mais la Conciergerie n’a pas attendu pour rénover son parcours de visite. Ses cuisines voûtées, longtemps fermées au public, ont rouvert, restaurées, en juin 2016. Et le parcours consacré au passé révolutionnaire du lieu – c’est à la Conciergerie que s’est installé le tribunal révolutionnaire à partir de 1793 – a rouvert ses portes en fin d’année, après transformations. Il n’avait été que peu modifié depuis 1989, date de célébration du bicentenaire de la prise de la Bastille.
Une chemise tachée
« Ils ont enlevé les mannequins ! », s’exclame un visiteur. C’est sans doute le changement le plus visible apporté au parcours, qui s’inscrit dans les anciens espaces carcéraux de la Conciergerie, où transitaient les prévenus en attente de leur procès. Si les cellules reconstituées sont toujours là, elles ne sont plus « animées » par ceux qui sont perçus comme les symboles par excellence d’une muséographie datée – même si ces personnages factices pouvaient recueillir les faveurs d’un certain public. La Conciergerie exhibait ainsi plusieurs représentations de détenus, au premier rang desquels le mannequin de Marie-Antoinette, dont la présence fantomatique tout de noir vêtue rappelait les 76 jours qu’elle a passés à la Conciergerie avant d’être exécutée.
Pour évoquer la figure de « l’Autrichienne », la présentation d’objets a été préférée, telle cette chemise tachée, portée par la reine à la prison du Temple. Le vêtement a l’avantage de l’authenticité, même si, comme le rappelle un panneau, les « reliques » concernant la plus célèbre des guillotinées sont souvent fausses et témoignent de la fascination que cette dernière a suscité au XVIIIe-XIXe siècle. La chemise fait partie des vingt pièces prêtées par le Musée Carnavalet, qui enrichissent les collections du CMN déjà présentes sur les lieux. Le tableau Marie-Antoinette sortant de la Conciergerie, le 16 octobre 1793, de Georges Cain (1885), au demeurant fort mal éclairé, a ainsi rejoint sur les murs de la chapelle expiatoire Le Dernier Adieu des Girondins, le 31 octobre 1793, de Paul Delaroche, en dépôt en ces murs depuis 1989. Mais c’est la médiation, de très bonne facture, qui prend le pas sur les œuvres. Panneaux explicatifs, films, bornes tactiles, maquette animée et tablettes portatives ressuscitant le passé de la Conciergerie dressent une histoire pédagogique du lieu et de la période, à la « vision nuancée » revendiquée, insistant autant sur les acquis que sur les débordements de ces années charnières de l’Histoire. Plus que jamais, le lieu s’impose comme un espace de connaissance de la Révolution, une période assez mal représentée à Paris, si ce n’est au Musée Carnavalet, qui expose l’histoire de la ville.
L’ensemble se visite néanmoins assez rapidement et pourra laisser une impression de frustration pour qui espérait trouver plus de contenu en ce lieu emblématique, où sont passés, entre autres, Robespierre, Danton et Olympe de Gouges. Et qui s’exprime aussi sur les murs. Certains visiteurs indélicats n’ont pas hésité à repartir avec un « souvenir ». Dans la « salle des noms », placée sur l’ancien cachot collectif, défilent, sous forme de petits bandeaux en PVC, les patronymes des 4 000 personnes ayant comparu devant le Tribunal révolutionnaire. Le nom de Marie-Antoinette, qui n’a décidément rien perdu de son aura, a été parmi d’autres emporté.
(1) 9 € depuis le 1er janvier 2017.
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Une modeste révolution à la Conciergerie
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°471 du 20 janvier 2017, avec le titre suivant : Une modeste révolution à la Conciergerie