Un fleuron de l’architecture rémoise vient d’être restauré par une maison de champagne.
REIMS - C’est une histoire qui aurait pu être tristement ordinaire. Celle d’une grande bâtisse abandonnée depuis les années 1970, dont tout le monde ignore – ou feint d’ignorer – la qualité architecturale dans l’espoir qu’elle finisse réduite en gravats. Ainsi, aurait dû disparaître la Villa Cochet, construite entre 1908-1910, dans un style Art Nouveau un peu tardif par l’architecte Louis Sorel (1867-1933), un proche de Charles Plumet et du mouvement de « L’Art dans tout » dont le travail reste aujourd’hui peu étudié. C’était toutefois sans compter sur l’intervention d’un architecte des bâtiments de France qui, en 1980, a simplement joué son rôle en refusant de signer le permis de démolir. Sauvée, la villa allait pourtant rester encore délabrée pendant plus de vingt ans, la municipalité n’étant pas prompte à agir. Une manière, peut-être, de renvoyer les puissantes maisons de champagne à leurs responsabilités patrimoniales.
Campagne de réhabilitation
La bâtisse est, en effet, étroitement liée au domaine Pommery, auquel elle fait face et dont l’un des directeurs, Louis Cochet, lui a donné son nom. Cédée à un promoteur à la fin des années 1970, elle est ensuite laissée à l’abandon avant d’être rachetée en 2004 par le groupe Vranken, qui a entre-temps fait passer Pommery dans son escarcelle. Destinée à devenir le siège de l’une des marques du groupe, le champagne Demoiselle, la nouvellement nommée Villa Demoiselle va alors faire l’objet d’une vaste campagne de réhabilitation. « Notre objectif n’était pas de faire une stricte reconstitution mais de parvenir à un ensemble cohérent », souligne Nathalie Vranken, directrice générale pour le Haut-commerce du groupe, qui a dirigé les travaux avec son époux, Paul-François Vranken. La maison n’étant pas protégée au titre des Monuments historiques, ses nouveaux propriétaires ont eu les mains libres, même si les nombreux documents d’archives ont été largement exploités par l’architecte en charge de l’opération, Philippe Valentiny. Le résultat est convaincant – il est néanmoins difficile d’y distinguer la part de recréation – et offre surtout l’occasion rare d’appréhender dans son ensemble une maison Art Nouveau. Si les Vranken se refusent à dévoiler le coût des travaux, il ne fait nul doute que tous les moyens ont été mis en œuvre sur un chantier qui a vu défiler, pendant près de cinq ans, les meilleurs artisans d’art.
Nouvelle vitrine
À l’extérieur, l’architecture rationaliste, parée de grès émaillé, a retrouvé sa lisibilité et ses ornements. Le décor intérieur, qui avait souffert des diverses occupations, a fait l’objet d’un travail quasi archéologique. Les boiseries dues à l’ébéniste Tony Selmersheim, dont celles de l’étonnant salon aux lambris de padouk (une essence de bois rouge), ont été recréées à partir de fragments et de documents d’archives, tout comme les peintures au pochoir de Félix Aubert, partiellement remises à jour sous des badigeons. L’ensemble a été entièrement remeublé avec des pièces – « sûrement plus luxueuses que celles d’origine », précise Nathalie Vranken – de Majorelle, Selmersheim ou Serrurier-Bové. Seul bémol : la magistrale cheminée du hall en acajou sculptée d’ombellifères estampillée Paul-Alexandre Dumas, jadis présentée à l’Exposition universelle de 1900, a malheureusement été privée de ses meubles d’appui latéraux, réutilisés sur le palier supérieur dans une nouvelle composition d’ébénisterie. Si la villa est ouverte à la visite – pour la coquette somme de 12 euros –, elle est d’abord destinée à devenir la nouvelle vitrine de la marque Demoiselle. Les Vranken en auraient également monnayé la tranquillité. Dans son édition du 8 mars 2008, le quotidien local l’Union rapportait que la totalité des lots d’une maison située en covisibilité avaient été rachetés afin de préserver l’intimité des hôtes.
Villa Demoiselle, 5, place du Général Gouraud, 51100 Reims, tél. 03 26 61 62 56. Visite sur réservation du mercredi au dimanche.
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Une Demoiselle bien liftée
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°288 du 3 octobre 2008, avec le titre suivant : Une Demoiselle bien liftée