Vingt ans après son ouverture en 1997, le musée peut se targuer d’une vraie réussite : entre expositions « blockbuster » et parcours pointus, le Guggenheim s’est hissé parmi les grands musées internationaux.
Bilbao. Le 27 septembre, le Musée Guggenheim de Bilbao a atteint la barre des 20 millions de visiteurs, à quelques jours de son 20e anniversaire. La division est simple, le succès éclatant : le musée accueille 1 million de visiteurs par an depuis son ouverture le 20 octobre 1997. À l’époque, les estimations les plus optimistes tablaient sur une fréquentation de 500 000 visiteurs annuels en vitesse de croisière, à la grande incrédulité des habitants de Bilbao.
Les chiffres communiqués cette année par la Fondation Solomon R. Guggenheim, qui gère le musée, donnent le tournis, affichant un succès qui ne s’essouffle pas. L’année 2016 (en attendant la fréquentation de l’année anniversaire, probablement encore meilleure) a été la deuxième meilleure de l’histoire du musée : 1,169 million de visiteurs, un chiffre uniquement surpassé par celui de la première année complète d’ouverture en 1998.
Trois grandes expositions ont marqué la saison 2016, entre Andy Warhol, Louise Bourgeois et l’école de Paris. Quelque 820 000 visiteurs ont pu contempler « Shadows », une série monumentale de 102 sérigraphies d’Andy Warhol. À titre de comparaison, l’œuvre, présentée pour la première fois en Europe au Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 2015 dans le cadre de la très belle exposition « Warhol. Unlimited », n’avait attiré « que » 255 000 visiteurs. Dans la foulée, Louise Bourgeois et ses « Cellules » ont été vues par 680 000 personnes, tandis que les chefs-d’œuvre de « L’école de Paris 1900-1945 », issues de la Collection Guggenheim, ont séduit 762 000 visiteurs. En vingt ans, 25 des 163 expositions temporaires proposées par l’institution basque ont passé la barre des 500 000 visiteurs accueillis. Dire que le Musée Guggenheim de Bilbao est un succès populaire est donc une affirmation fondée.
Le projet initial a pourtant tenu essentiellement à la persévérance des responsables politiques de Bilbao et du Pays basque, bénéficiant il est vrai d’un heureux concours de circonstances. En 1988, Thomas Krens est nommé à la tête de la Fondation Guggenheim à New York. À l’époque, le musée n’expose que 3 % de la collection de la Fondation. La grande idée du nouveau directeur sera d’exporter la marque Guggenheim dans le monde, en créant un système de franchises à l’international pour installer des satellites auxquels l’institution new-yorkaise prêtera par roulement sa prestigieuse collection – une idée qui va montrer ses limites localement (lire l’encadré).
Ce qui semble une pratique courante de nos jours ne l’est pas à la fin des années 1980 : si les Villes de Salzbourg et Venise se montrent très intéressées, les dissensions politiques freinent les projets, d’autant plus que Salzbourg prépare alors le bicentenaire de la mort de Mozart, qui mobilise tous ses fonds. En Espagne, Madrid, Barcelone ou Séville sont partantes, mais là encore, le timing n’est pas le bon : chacune des villes prévoit un grand événement pour 1992 (respectivement une « Capitale européenne de la culture », des Jeux olympiques et une Exposition universelle). Bilbao tente alors sa chance, soutenue par des émissaires de la Région, de la province et de la Ville, tous du même bord politique. Juan Ignacio Vidarte, aujourd’hui directeur du Musée Guggenheim de Bilbao, était à l’époque directeur de la politique fiscale et financière de la province de Biscaye : rompu au monde de l’entreprise et aux pratiques du benchmarking [analyse comparative], il a le profil idéal pour être l’interface entre New York et les autorités basques. Sur cette bonne entente entre hommes clés, le projet architectural de Frank Ghery ajoute l’exceptionnel d’une architecture sidérante.
Surtout, le Guggenheim de Bilbao ne se veut pas hors sol, simple satellite d’une institution new-yorkaise. Si les critiques pleuvent les premières années sur le musée, l’accusant de manquer d’engagement dans la promotion des artistes basques et espagnols, le reproche ne résiste pas à l’examen des expositions. La sculptrice Cristina Iglesias en 1998, Eduardo Chillida dont le Guggenheim propose la première rétrospective en Espagne en 1999, et Jorge Oteiza en 2004, ont fait l’objet de grandes expositions. L’araignée Maman de Louise Bourgeois et le Puppy de Jeff Koons, présentés à l’extérieur du musée, feraient presque oublier que, sur les 75 artistes présents dans les collections du Guggenheim de Bilbao, près de la moitié sont espagnols. Au printemps de cette année, deux expositions ont porté sur des artistes basques : une monographie du sculpteur Pello Irazu, et une exposition collective consacrée à des artistes âgés de moins de 35 ans résidant au Pays basque, invités à présenter un projet dans le cadre d’un concours. Le musée est ancré localement dans la culture.
L’antenne de Bilbao accueille dorénavant autant de visiteurs que sa maison mère new-yorkaise. Signe de son succès, son directeur Juan Ignacio Vidarte a été nommé en 2008 à la fois directeur adjoint de la Fondation Guggenheim et directeur général de la stratégie globale, sous les ordres du nouveau directeur de la Fondation, Richard Amstrong. Juan Ignacio Vidarte rêve d’une extension : depuis 2009, le musée planche sur un projet d’implantation à une quarantaine de kilomètres de Bilbao, dans la réserve de biosphère d’Urdaibai, inscrit au patrimoine mondial par l’Unesco en 1984. Mais cette fois-ci, les responsables politiques se révèlent plus compliqués à convaincre. L’actuel gouvernement de Biscaye s’est déclaré contre le projet, en attendant des élections prévues pour 2019.
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°487 du 20 octobre 2017, avec le titre suivant : Un succès sans équivalent