MOULINS
L’institution sise à Moulins installe, dans l’un des bâtiments de sa parcelle, un espace dévolu au décor de scène ainsi que des réserves, indispensables à la poursuite de ses missions.
Moulins (Allier). L’acronyme reste le même, mais le nom s’allonge un peu : le Centre national du costume de scène (CNCS) ajoute « et de la scénographie » à son appellation officielle alors qu’il inaugure en ce début de printemps de nouveaux espaces consacrés aux décors de scène. « C’est une institution qui va marcher sur deux jambes», se félicite le directeur de théâtre Jean-Luc Choplin, également président du conseil d’administration du Centre installé depuis 2006 dans une ancienne caserne de Moulins. Une suite logique pour celui qui prépare la nouvelle programmation du Lido, dont il est le directeur artistique : « Costume et décor, ce sont une seule et même chose. » Mais pour Éric Ruf, acteur, scénographe et désormais administrateur de la Comédie-Française, la muséification de son Cyrano de Bergerac dans les nouveaux espaces moulinois provoque un petit vertige : « Voir une de mes premières scénographies rentrer au musée, ça ne me rajeunit pas ! » Qu’il se rassure : ce n’est pas une salle de musée que le CNCS inaugurait le 8 avril, mais un « laboratoire ».
C’est dans l’un des corps de bâtiments encore désaffectés de l’ancienne caserne du quartier Villars que le CNCS a trouvé la surface nécessaire à la présentation de décors de scène. Des quatre bâtiments vides de ce complexe militaire construit entre le XVIIIe et le XIXe siècle, cette ancienne chambrée des cavaliers était le plus grand : suffisamment pour accueillir une petite scène sur laquelle déployer une véritable scénographie de théâtre. Remanié et percé de nombreuses fenêtres au cours du XXe siècle, l’édifice a été restauré par l’architecte du patrimoine Christian Laporte. Celui-ci a restitué les percements d’origine pour rendre à la façade son apparence originelle, marquée par des ouvertures en demi-lune.
Le volume intérieur a été traité comme une page blanche, libéré des nombreux poteaux qui fermaient l’espace grâce à un plancher autoportant sur 17 m de longueur. Dans l’espace dévolu au décor de scène, cette solution d’ingénierie offre un lieu dégagé de tout support, divisé en trois actes, avec trois hauteurs de plafond différentes. Imaginé par les Ateliers Adeline Rispal, qui menaient le groupement mandataire, ce parcours raconte la chaîne de production d’un décor de théâtre. « Nous avons restitué une ambiance de travail, avec des tables simples qui se replient comme celles que l’on trouve dans les ateliers », explique Adeline Rispal. Après la conception à partir du texte dans l’« Acte I », une première section, puis la fabrication dans l’« Acte II », le parcours culmine avec la scène où le résultat final est visible, mais aussi apte à être parcouru par le visiteur qui se met dans la peau d’un acteur ou d’un technicien de plateau. Pour l’heure sont présentés dans ce nouvel espace, pour un temps encore indéfini, les décors conçus par Éric Ruf pour le Cyrano monté par Denis Podalydès en 2006, et dont la scénographie a été récompensée par un Molière. Les accessoires, décors, plans et croquis étalés sur les tables de cet atelier ne sont toutefois pas des pièces de musée : « Il y a quelque chose de l’ordre d’une chimère de vouloir conserver les décors, estime l’administrateur de la Comédie-Française. Ces maquettes sont toujours faites dans les matériaux les plus fragiles, balsa, carton plume… » Plus prosaïquement, Delphine Pinasa, la directrice des lieux, connaît déjà des problèmes de stockage et cela concernant les seuls costumes : « Il n’y aura pas de collections de décor, affirme-t-elle. On envisage plutôt un fonds d’archives pour préserver la mémoire d’une technique, avec des relevés de patron par exemple. »
Les 7,4 millions d’euros investis dans l’aménagement du bâtiment permettent également au CNCS d’agrandir ses réserves, en voie de saturation. Un problème pressant pour cette jeune institution, que certaines compagnies de spectacle vivant ont tendance à considérer comme leur garde-robe. « On a des propositions tous les jours, explique Delphine Pinasa. Les nouvelles réserves nous permettent de voir à plus long terme. » Pour donner une idée de la dimension de ce stockage, les équipes du CNCS ne s’expriment d’ailleurs pas en mètres carrés ou linéaires, mais en années d’acquisition : quinze à vingt ans de dons, legs ou achats en ventes pourront entrer dans les compactus flambant neufs logés au-dessus de l’espace consacré au décor. Au premier, le « Double Decker » – la Rolls-Royce du stockage – et ses deux étages superposés, soulagent déjà les réserves conçues par Jean-Michel Wilmotte en 2006 en accueillant les collections de danse. Sous les combles de l’ancienne chambrée des cavaliers, ce sont les garde-robes d’Étienne Daho, de Dalida ou de Juliette Gréco qui sont désormais soigneusement alignées sur leurs cintres conçus sur mesure.
La question de l’espace de stockage provisoirement réglée, le CNCS regarde désormais vers les trois bâtiments de sa parcelle restant sans affectation. « Nous allons déposer dans les jours qui viennent un appel à manifestation d’intérêt autour des métiers d’art du spectacle », annonce la directrice. Le nouvel espace de visite peut d’ailleurs se muer en lieu de création et d’apprentissage : « Si une école veut venir prendre possession du lieu, c’est possible ! », lance en forme de défi Delphine Pinasa.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Un plateau pour le Centre national du costume de scène… et de la scénographie
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°609 du 14 avril 2023, avec le titre suivant : Un plateau pour le Centre national du costume de scène… et de la scénographie