Un fragment d’os révèle que l’Homo sapiens portait du cuir

Il y a 40 000 ans, pour lutter contre le froid de l’ère glaciaire, l’Homo sapiens européen fabriquait des vêtements en cuir en utilisant une technique de poinçonnage similaire à celle utilisée aujourd’hui par les cordonniers. C’est ce que révèle l’étude d’une équipe d’archéologues des universités de Bordeaux et de Barcelone, publiée récemment dans la revue Scientific Reports. 

L’étude repose sur la découverte d’un fragment de bassin d’un mammifère, probablement d’un bison ou d’un cheval, découvert dans la carrière de Canyars, près de Barcelone, à l’occasion d’une fouille par des chercheurs catalans. La présence de 28 perforations sur sa surface plane, faites à l’aide de burins lithiques robustes, dont une dizaine espacée d’environ 5 millimètres sur une rangée linéaire, a intrigué les chercheurs. 

Pour les archéologues et le groupe de chercheurs, dirigés par Luc Doyon de l’Université de Bordeaux, ces empreintes sur la surface de l’os ont sûrement été produites lors de la fabrication ou de la réparation d’objets en cuir. 

Les archéologues ont utilisé la microscopie électronique pour examiner d’infimes résidus sur les bords et ont trouvé des traces de protéines de collagène – un composant du cuir – indiquant que le fragment faisait bien partie d’un vêtement en cuir. L’examen a également montré que la ligne de dix trous a été créée par un seul outil, tandis que les autres points ont été créés à l’aide de cinq outils distincts à différentes périodes.

En reproduisant les gestes des Homo sapiens grâce à différents outils, afin d’obtenir des marques similaires, les archéologues ont établi que le processus de fabrication des vêtements en cuir consistait en la percussion indirecte ; une technique toujours utilisée par les artisans du cuir. Pour créer une couture serrée, un trou est percé dans la peau de l’animal et un outil pointu est ensuite utilisé pour forcer un fil à passer à travers le matériau. 

Luc Doyon souligne le manque d’informations sur les vêtements de l’époque en raison de leur caractère périssable. Les plus anciens fragments de tissus retrouvés datent d’il y a environ 10 000 ans, tandis que la plus vieille aiguille retrouvée en Europe date d’il y a 26 000 ans (des aiguilles à chas en os datant de 45 000 à 35 000 ans avant notre ère ont été trouvées en Chine et en Sibérie). Les résultats de cette découverte suggèrent donc que les chasseurs-cueilleurs de la région utilisaient cette technique pour produire des pièces en cuir et pour confectionner des habits, et ce bien avant l’introduction en Europe de l’aiguille à chas en os.