Toutes les saveurs du Jardin secret

Celui-ci abrite, sous une serre, la terrasse extérieure du restaurant gourmand ouvert en 2019, le Jardin secret. On y déjeune dans un décor champêtre mêlant la vigne et les roses, comme dans Le Livre du cœur d’amour épris de René d’Anjou. Patricia Laigneau dit s’être beaucoup inspirée de la littérature du Moyen Âge pour créer les jardins de ce domaine acquis avec son mari en 1992, dans un moment d’enthousiasme. Autour du restaurant, les rameaux de la vigne s’enroulent sur les arceaux où ils se mêlent aux fleurs blanches odorantes. C’est charmant. L’art horticole est le mode d’expression de la maîtresse des lieux, qui peut citer une infinité de végétaux par leur nom savant – le château voit fleurir au cours de l’année près de 500 sortes de roses parfumées. De la même façon qu’elle aime associer dans ses plantations des crocus et des graminées, veillant à ménager de subtiles discordances pour étonner le regard, le chef Nicolas Gaulandeau compose ses plats en travaillant les contrastes de textures qui stimulent les sens. « On mange d’abord avec les yeux », rappelle-t-il cependant. Une minuscule fleur de bourrache d’un bleu intense se détache sur un velouté d’asperges vertes recouvrant un royal de foie gras ; le pavé de lieu jaune, servi avec des petits légumes printaniers, est bordé d’un coulis rose de betterave que relève une pointe de vinaigre acidulé, tandis qu’une huile de ciboulette lie entre elles dans son sillage légèrement aillé les saveurs marines et terrestres. Déstructurée, la tarte au citron est un assemblage fondant et croquant, de gros éclats de biscuit sablé chapeautant un sorbet au basilic et citron vert cerné par des bonbons de meringue italienne. En contemplant au loin le verger que traverse un paon blanc, on devine que, comme dans un conte de Grimm, c’est sous l’effet d’un sortilège que le couple de collectionneurs s’est lancé dans la folle aventure de restaurer cet édifice médiéval. Les voici désormais à la tête d’une petite entreprise déguisée en château, avec un hôtel de luxe, deux restaurants, un parc paysagé et, chaque été, une exposition temporaire. Intitulée cette saison « Le jardin, miroir du monde », elle prolonge au gré d’une quarantaine d’œuvres d’art contemporain judicieusement choisies (de Pierre Ardouvin à Sun Xue, en passant par Thomas Houseago) cette promenade sensorielle en Val de Loire.