Retrouvées par hasard sous un enduit en 1998, les fresques du château de Fléchères, près de Lyon, restaient en quête d’auteur. Alors que leur restauration se poursuit et que le public peut enfin les découvrir, il est acquis qu’elles constituent le premier témoignage du séjour en France du peintre italien Pietro Ricchi. Histoire d’une redécouverte.
FAREINS (AIN) - En achetant le château de Fléchères, à une trentaine de kilomètres au nord de Lyon, Marc Simonet-Langlas n’espérait sans doute pas y découvrir des décors peints du XVIIe siècle. Alors que l’on débarrassait, il y a de cela deux ans, les murs de leurs boiseries, des fresques – et non des peintures murales – représentant des scènes de chasse sont apparues. Cette découverte a incité à la plus grande prudence lorsque, dans les autres pièces, ont été retirés l’enduit en plâtre ainsi que l’épais badigeon sous-jacent. Malheureusement, dans les années cinquante, le badigeon de certaines pièces avait été piqueté afin d’y poser la couche de plâtre, détériorant irrémédiablement les fresques alors dissimulées. Toutefois, la lisibilité des œuvres endommagées n’a pas été altérée, facilitant le travail des restaurateurs. D’une durée de cinq ans, la restauration est estimée à quelque huit millions de francs, financée en majorité par le propriétaire, aidé par une subvention de l’État (40%) et du département (15%).
Pas moins de dix salles peintes ont été mises au jour et sont en cours de dégagement. Des scènes de chasse, européennes et exotiques, sans quadratura à la grande salle des perspectives – inspirées de gravures de Vredeman de Vries –, toutes présentent des compositions différentes, d’une grande vigueur. Deux d’entre elles, la salle de la Parade et celle d’Hercule à laquelle elle mène, possèdent un intérêt iconographique particulier. Une série de personnages, en costumes du XVIe siècle, d’après les gravures d’Hendrick Goltzius, jalonne la première, tandis que la seconde est consacrée à Hercule, dont la propagande dynastique avait fait l’ancêtre de Henri IV. Il est d’ailleurs possible que la figure royale ait été représentée sur la cheminée de la salle de la Parade. Ce décor évoque l’entrée d’Henri IV à Lyon en 1595 et témoigne du rôle de la famille (calviniste) de Sève dans la reconnaissance du nouveau souverain par les Lyonnais, alors tout prêts à s’allier à l’ennemi mortel, l’Espagne. Toute la ville avait alors été pavoisée avec des illustrations des travaux d’Hercule. Par ailleurs le château de Fléchères, élevé entre 1606 et 1623 par Jean de Sève, démontre à sa façon les progrès de la tolérance religieuse dans le royaume de France. À quelques kilomètres de Lyon la catholique, cet édifice inclut en effet un temple protestant, réservant tout le corps de logis, et plus particulièrement le deuxième étage, au culte. L’auteur des peintures murales n’en est pas moins issu de l’Italie de la Contre-Réforme, puisqu’il s’agit de Pietro Ricchi (1606-1675), identifié grâce à la biographie de Filippo Baldinucci. Élève de Reni puis de Passignano, Ricchi, peut-être inquiet de la concurrence, quitte son pays pour la France où les artistes italiens sont encore peu nombreux à l’époque. Ce voyage le mène de Fréjus, Aix, Arles à Lyon puis à Paris en 1632-1633. Natif de Lucques, Ricchi fit naturellement étape à Lyon où l’importante communauté italienne est d’origine lucquoise. Baldinucci signale un chantier d’un an au château de “Fleichiria”, qu’on peut sans risque identifier à Fléchères. “Le souvenir de ces fresques était resté, explique Marc Simonet-Langlas, mais on les pensait disparues définitivement.”
Sa renommée et son talent allaient bientôt le faire appeler à Paris pour travailler à l’hôtel du premier président du Parlement, peut-être Bellièvre, originaire de Lyon. Six mois plus tard, il doit fuir la capitale, après avoir tué un ami de son commanditaire, coupant court à une carrière prometteuse de ce côté-ci des Alpes. Si l’Italie a conservé l’essentiel de son œuvre peint, la France, fidèle à sa réputation de vandale, n’en gardait plus de traces – même si le Musée Calvet à Avignon possède une spectaculaire Lutte de Jacob et l’ange –, jusqu’à ce que réapparaissent les fresques de Fléchères. “D’ores et déjà, un autre décor a pu lui être attribué au château de Bagnols, non loin de Fléchères. Il y a sans doute dans le Lyonnais d’autres décors qui ont survécu.”
- Château de Fléchères à Fareins (Ain), tél. 04 74 67 86 59. À 6 km à l’est de Villefranche-sur-Saône. Tlj 10h-12h puis 14h-18h, du 15/06 au 15/09, puis le samedi et le dimanche jusqu’au 11/11.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Sous le regard d’Hercule
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°108 du 30 juin 2000, avec le titre suivant : Sous le regard d’Hercule