En publiant sa liste des cent sites les plus en danger au monde, le World Monuments Fund espère alerter l’opinion publique et lever des fonds importants pour leur sauvetage.
PARIS - Tous les deux ans depuis 1995, le World Monuments Fund (WMF) (lire l’encadré) tire la sonnette d’alarme en publiant une liste des cent sites patrimoniaux les plus en danger dans le monde. Cette année encore, la liste des « World Monuments Watch » n’épargne aucun continent, depuis l’île d’Herschel au Canada jusqu’aux bouddhas de Bamiyan en Afghanistan, en passant par la mairie de Sarajevo en Bosnie-Herzégovine, les peintures rupestres de Dampier en Australie ou la mosquée Al-Azhar de Fez, au Maroc. Les causes de détérioration du patrimoine sont diverses : conflits armés – l’ensemble des sites irakiens ont ainsi été retenus ; tourisme de masse; développement urbain mal contrôlé ; mais aussi réchauffement climatique. Ce dernier facteur risque de devenir un de plus en plus prégnant dans les années à venir.
Cette conséquence directe de la pollution menace des sites comme la « cabane de Scott » en Antarctique, témoignage des explorations du début du XXe siècle que des chutes de neige pourraient anéantir. Ancien centre médiéval de commerce et d’échanges, la ville de Sonargaon-Panam, au Bangladesh, a, pour sa part, été fortement détériorée par des inondations, tandis que l’architecture traditionnelle de la vieille ville de Leh, à Ladakh, en Inde, subit des dommages liés à des précipitations de plus en plus importantes et à une population grandissante.
Parmi les fleurons de ce patrimoine menacé : le nymphée au sein des jardins Farnèse au Palatin, à Rome. Structure voûtée construite sur les pentes de la colline, le palais antique et les jardins qui l’entourent ont été fragilisés par de fortes pluies ayant entraîné à la fin de 2005 l’effondrement d’une paroi les soutenant. Le sanctuaire du Machu Picchu au Pérou, haut lieu touristique, est également menacé par un projet d’agrandissement de son accès. Les pressions économiques pèsent lourdement sur des sites historiques comme le vieux Damas, en Syrie (le plus ancien centre urbain au monde), ou la cité d’Amber, en Inde. Certains bâtiments de cette place fortifiée du XIe siècle risquent d’être abattus pour céder la place à de nouveaux hôtels et boutiques. En Russie, la ville de Saint-Pétersbourg pourrait se trouver défigurée par l’édification d’un immense gratte-ciel au bénéfice de la société Gazprom. « Ce n’est pas toujours une question d’argent, mais plus une question de pouvoir. Nous apportons notre soutien aux défenseurs du patrimoine, ceux qui n’ont pas les moyens de le préserver ou de le sauver. Dans ce cas, nous sommes un peu les avocats du non-Versailles », précise Bertrand du Vignaud, le président de WMF Europe.
Cette année, la liste World Monuments Watch concerne aussi la France puisque les experts ont retenu la chapelle des Templiers Saint-Georges dite « chapelle de l’ancienne commanderie d’Epailly », dans la commune de Courban (Côte-d’Or). Construit aux XIIIe et XIVe siècles, cet édifice converti en ferme depuis la Révolution, inscrit sur l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques, risque de s’effondrer. Le WMF a par ailleurs mis l’accent sur les constructions modernes à travers neuf sites. Ainsi du « Main Street Modern », des bibliothèques, écoles ou mairies de villes américaines conçus dans le style moderne d’après guerre et démolis les uns après les autres ; des immeubles du Shanghaï des années 1920 à 1940 ; ou encore de l’ancien campus de l’université de Floride aux États-Unis, réalisé par Frank Lloyd Wright et laissé à l’abandon faute de moyens. Sans oublier la Fondation Joan-Miró à Barcelone, bâtiment le plus récent de la liste (1976), dont l’originalité est source de problèmes à l’intérieur même du musée.
75 % de réussites
Grâce à cette nouvelle liste, le WMF espère attirer l’attention et en appelle, une fois encore, à la mobilisation d’organismes privés et des pouvoirs publics concernés. « Sur une centaine de projets que nous soutenons, environ 75 % aboutissent », assure Bertrand du Vignaud. En 2006, le WMF a ainsi vu ses efforts récompensés au Pérou, avec l’église San Juan Baptista construite au XVIIe siècle dans le village de Huaro (à cinquante kilomètres au sud de Cuzco). Les peintures murales, retables et sculptures qu’elle abrite ont été restaurés par des artisans locaux sous la direction de l’Institut national de culture du Pérou. Véritable réussite associant mécènes privés et publics, l’opération a fait des émules dans deux autres églises proches de Huarao : San Pedro Apostol d’Andahuaylillas et l’église de la Vierge à Kaninkunka. Souhaitons que la liste 2008 connaisse de multiples autres expériences similaires.
Retrouvez l’ensemble de la liste 2008 « World Monuments Watch » sur le site wmf.org
- Présidente du World Monuments Fund : Bonnie Burnham - Président du siège européen : Bertrand du Vignaud - Nombre de bourses attribuées par le « Watch » : 500 (pour un total de plus de 47 millions de dollars [34,9 millions d’euros]) - Nombre de sites bénéficiaires : 214 (dans 74 pays)
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SOS patrimoine
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Abonnez-vous dès 1 €Créé en 1965, le World Monuments Fund (WMF) est la principale organisation privée dévolue à la sauvegarde du patrimoine. Il réunit partenaires privés et publics pour restaurer les monuments historiques et sites du monde entier. Si le siège principal se trouve à New York, le WMF est présent depuis 2003 en Europe avec des bureaux ouverts à Paris, ainsi qu’au Royaume-Uni, en Italie, au Portugal et en Espagne. En France, le WMF a intégralement financé la restauration du théâtre du Petit Trianon à Versailles ainsi que celle de la sacristie de l’église Saint-Sulpice à Paris. Il a aussi participé à la restauration des fresques de Primatice à l’abbaye royale de Chaalis (Oise). Actuellement, il participe à la restauration des salons de l’hôtel de Saint-Florentin à Paris, du salon dit « de la Grande Singerie » au château de Chantilly (Oise) et du salon de musique de la bibliothèque de l’Arsenal à Paris. Depuis 1995, le WMF réunit un jury d’experts afin de sélectionner les cent monuments les plus en danger et constituer la « World Monuments Watch ».
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°263 du 6 juillet 2007, avec le titre suivant : SOS patrimoine