PARIS - L’édification de l’église Saint-Sulpice (Paris-6e), église paroissiale dès le XIIIe siècle, ne s’est pas faite en un jour. Consacrée en 1745, elle fut remodelée à partir de 1780 sous la direction de l’architecte Jean-François Chalgrin, qui lui donna son apparence asymétrique actuelle, mêlant des éléments de style baroque à d’autres classicisants. Les remaniements successifs, le passage du temps ainsi que les affrontements militaires de 1870 ont contribué à la détérioration sévère de l’édifice, qui finissait par menacer la sécurité de la voie publique. Avant que la Commission du Vieux Paris ne recommande en 1999 de recouvrir d’un échafaudage sa tour nord. Onze ans plus tard, le 16 janvier, a été inaugurée la tour nord de l’église, après cinq ans de travaux. Cette campagne de restauration a le caractère d’une entreprise exceptionnelle pour les finances et l’image de la Ville de Paris, maître d’ouvrage et propriétaire de l’édifice.
Accaparant 58 % du budget total de la Ville de Paris alloué à l’entretien et à la restauration de ses monuments historiques pour la période 2008-2014, le montant de ces travaux constitue, selon Cécile Denis, chef du service communication à la direction régionale aux Affaires culturelles Île-de-France, un sommet jamais atteint pour un édifice cultuel municipal : 28 millions d’euros. À titre de comparaison, on citera les restaurations de la tour Saint-Jacques de la Boucherie (2005-2009 : 8,3 millions d’euros), ou celle du Collège des Bernardins : 16,6 millions d’euros en 2008.
Engagement renouvelé des pouvoirs publics
En décembre 2007, un rapport ministériel émanant de la direction de l’Architecture et du Patrimoine sur l’état sanitaire du parc monumental français tirait la sonnette d’alarme en révélant que 20 % des monuments classés étaient en péril. Cette même année, le budget national alloué aux monuments historiques chutait, et provoquait l’interruption de 300 chantiers. Dans ce contexte, la restauration de Saint-Sulpice exprime un engagement renouvelé des pouvoirs publics en faveur du patrimoine. Tandis que la Mairie de Paris lance trois autres chantiers dont le coût est supérieur au million d’euros (l’église Saint-Paul-Saint-Louis, l’église réformée de l’Oratoire du Louvre et la Pagode du bois de Vincennes), la contribution de l’État au chantier de Saint-Sulpice est notable. À la suite du report d’une de ses dettes vis-à-vis de la municipalité, ce dernier finance la restauration à hauteur de 50 % des travaux (au lieu d’un tiers habituellement). Cette participation est à replacer dans l’effort national, conduit depuis le plan de relance de 2009 en faveur des monuments territoriaux. Elle vient compenser une absence de fonds privés, lesquels sont concentrés sur les monuments nationaux, à l’exemple de la restauration des vitraux de la Sainte-Chapelle, ou celle de la galerie des Glaces du château de Versailles.
Si le montant du budget global est élevé, il témoigne de l’enjeu des travaux (que révèle l’exposition « Les coulisses d’une restauration » au Musée Carnavalet, à Paris, jusqu’au 3 juil.). Les désordres structurels qu’entraînaient les vibrations des cloches sur la voûte, désordres en partie dues à son édification, menaçaient la stabilité de la tour. En outre, la corrosion de l’armature métallique provoquait l’éclatement d’une pierre tendre, dont les restaurations abusives des années 1900 ont davantage contribué à la détériorer qu’à la conserver.
À l’aide d’une grue haute de 75 m, Baptiste Hervé, architecte en chef des Monuments historiques, a fait procéder en octobre 2006 à la dépose pierre à pierre du quatrième niveau de la tour, des cloches, des statues des quatre Évangélistes, ainsi que du beffroi. La charpente de ce dernier a été entièrement remontée en Normandie dans les conditions de conservation structurelles et environnementales identiques à celles de Paris. Un minutieux travail d’étude précéda ces manœuvres d’envergure : recherche d’archives historiques portant sur la construction, auscultation par radar des armatures métalliques, relevé systématique des pierres, moulage de précaution des parties à déposer…
Ornant la partie supérieure de la tour nord, les statues des quatre Evangélistes ont fait l’objet d’une importante restauration. Déposées pour des raisons de conservation, leurs copies, actuellement sur l’édifice, sont une restitution de l’état d’origine supposé des statues anciennes. Dix ans après leur création, la Révolution française organisait l’effacement des symboles royaux et religieux sur les édifices, qui conduisit à la destruction de leurs attributs symboliques. En l’absence de documents attestant l’aspect initial de ces éléments, et dans le respect de la déontologie de la restauration monumentale qui intègre les démolitions de la Révolution dans l’histoire de l’édifice, on peut s’interroger sur le bien-fondé d’une telle restitution. Laurence Fouqueray, chef du bureau des édifices cultuels et historiques à la Mairie de Paris, évoque le mécénat de compétence de l’atelier de sculpture, qui « est allé au-delà des intentions du programme initial », après accord cependant d’une commission constituée de représentants de la Ville de Paris. La reconstitution initiale envisageait la restitution pour ces attributs de « volumes pleins » (qui donnent le volume sans exécuter les détails) afin de rétablir la stabilité, le volume et l’animation architecturale de la tour.
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Saint-Sulpice retrouve sa tour nord
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°350 du 24 juin 2011, avec le titre suivant : Saint-Sulpice retrouve sa tour nord