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Urbanisation

Saint-Cloud : le parc mité

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 24 avril 2012 - 580 mots

L’émiettement du domaine national de Saint-Cloud se poursuit au mépris total du droit domanial.

SAINT-CLOUD - Faut-il n’y voir qu’un écran de fumée ? Alors que le nouveau Plan local d’urbanisme (PLU) proposé par le maire de la Ville, Éric Berdoati (UMP) (lire Le Journal des Arts n° 361, 20 janvier 2012), suscite toujours une vive hostilité locale – une pétition ayant déjà rassemblé plus de 5 000 signatures –, le président du conseil général des Hauts-de-Seine est entré dans la partie. Le 5 avril, Patrick Devedjian (UMP) présentait officiellement son projet d’implantation des archives départementales dans une aile de la caserne Sully, en bordure du domaine national de Saint-Cloud. Depuis plusieurs mois, France Domaine cherchait à se séparer, pour la somme de 22 millions d’euros, de ce bâtiment jadis affecté à l’Armée. C’est finalement pour 6,5 millions d’euros que le département des Hauts-de-Seine s’en serait porté acquéreur. Comment justifier une telle différence de prix ? L’équipement départemental ne devrait en occuper que 5 200 m², soit moins du tiers des 18 000 m² du site ; les surfaces restantes étant toujours promises à une opération de promotion immobilière, menée par la communauté d’agglomération Cœur de Seine, et autorisée grâce à une modification du coefficient d’occupation des sols (COS) insérée dans le nouveau PLU. La modicité du prix pourrait aussi être liée à la forte insécurité juridique qui menace ce protocole, pourtant validé par le ministère des Finances.

Car contrairement aux dénégations de France Domaine et d’Éric Berdoati, parlant à l’unisson d’une « propriété du ministère de la Défense », l’ancienne caserne, qui fut jadis le bâtiment du corps des gardes du roi, fait partie intégrante du domaine national de Saint-Cloud. À ce titre, elle est inaliénable et ce de manière imprescriptible, l’armée n’en ayant été qu’un simple affectataire. De nombreux documents, confirmés par des courriers émanant du ministère de la Culture, en attestent. « Il est évident que, par son statut et par son implantation, confirmée par d’anciens plans, l’ensemble des bâtiments ayant servi de caserne au château royal voisin fait partie intégrante du domaine national », rappelle Alexandre Gady, président de la Société pour la Protection du patrimoine et de l’esthétique de la France (SPPEFF), dans un avis transmis le 3 avril au commissaire-enquêteur étudiant cette révision du PLU. Fin février, le préfet des Hauts-de-Seine se serait lui-même inquiété de cet « empiétement » sur le domaine national. Malgré sa protection au titre des monuments historiques et des sites, le domaine a subi au fil des années un émiettement progressif, par le biais de concessions, locations ou affectations, à l’École normale supérieure, au Bureau des poids et mesures ou encore à l’Institut Pasteur. D’autres cas de « glissements » de propriété, similaires au cas de la caserne Sully, seraient par ailleurs à l’œuvre au nord du domaine, autour du Lycée Santos Dumont et de l’American School of Paris, établissements logés dans des bâtiments affectés au ministère de l’Éducation nationale. Le nouveau PLU prévoit d’y libérer de nouveaux droits à construire. Or, comme pour le cas de Versailles, le ministère de la Culture, qui devrait pourtant se voir réaffecter ces parcelles, continue à se défausser, renvoyant les curieux vers le centre des Monuments nationaux, gestionnaire d’une partie du domaine – et non pas des terrains affectés à d’autres ministères – et vers ses services déconcentrés… Où l’architecte des bâtiments de France se refuse toujours à évoquer la teneur de son avis sur le PLU. Qui ne dit mot consent ?

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Le Parc de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) - © Photo : Parisette - 2007 - Licence CC BY 2.0

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°368 du 27 avril 2012, avec le titre suivant : Saint-Cloud : le parc mité

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