ROME / ITALIE
Le Musée des civilisations, à l’abandon depuis des années, fait l’objet d’un vaste chantier de rénovation et de réaménagement. Il abrite dans ses majestueux bâtiments 2 millions d’objets de la préhistoire à nos jours, provenant de cinq continents. Les premières salles réaménagées ont été ouvertes en octobre.
Rome. Le Musée des civilisations (Museo delle civiltà), dans le quartier de l’EUR à Rome, renaît. Un terme qui n’est pas exagéré tant il était moribond et complètement à l’abandon depuis des décennies. Le pluriel est de rigueur pour cette institution qui rassemble les musées de « préhistoire et d’ethnographie Luigi-Pigorini », des « arts et traditions populaires », du « haut Moyen Âge » et d’« art oriental Giuseppe-Tucci », auxquels s’ajoutent les deux collections de l’Institut italien pour le Moyen et l’Extrême-Orient ainsi que celle de l’ancien musée colonial ouvert en 1923 sous Mussolini. C’est d’ailleurs aux architectes du Duce que l’on doit les monumentaux édifices de style rationaliste construits pour l’Exposition universelle de Rome (EUR) de 1942 qui n’a jamais eu lieu en raison du conflit mondial. Voulant symboliser dans la pierre la grandeur de l’Italie, ils étaient devenus l’incarnation de la décadence de son système culturel. Parmi eux, le Palazzo delle Scienze qui abrite le siège du Musée des civilisations, et le Palazzo delle Arti e Tradizioni Popolari. Leurs riches collections étaient laissées à l’abandon dans de vastes salles vétustes ou bien elles languissaient dans les réserves. L’accrochage des œuvres était suranné voire négligent.
En 2016, le musée devient autonome et un vaste chantier de rénovation est lancé qui devrait être achevé entre 2024 et 2026. Des travaux indispensables pour redonner toute leur splendeur aux salles qui s’étendent sur une surface d’environ 80 000 m2, abritant des collections de 2 millions d’œuvres, documents et objets. Les premières salles réaménagées, consacrées à la préhistoire, ont été dévoilées au public le 26 octobre.
« Plus qu’un simple lieu d’exposition, je veux que ce musée soit un lieu de réflexion », explique son tout nouveau directeur, Andrea Viliani, venant du monde de l’art contemporain et en particulier d’une importante institutions transalpine dans ce domaine : le Castello di Rivoli. Andrea Viliani se voit désormais à la tête d’un « musée de l’anthropocène » qui s’enrichit le 30 novembre des collections de l’Institut supérieur pour la protection et la recherche environnementale. « Notre musée est une véritable machine à remonter le temps dans laquelle sont conservés les plus anciens objets de la muséologie italienne, explique-t-il. Le visiteur, en franchissant nos portes, se lance dans un voyage autour du monde qui célèbre la créativité de l’être humain sur les cinq continents sous ses multiples formes d’expression, mais aussi ses liens de coexistence et non de domination avec les sphères animale, minérale et végétale. »
La première étape de ce voyage est consacrée à la préhistoire, dans des salles qui sont les premières à être entièrement réaménagées avec celles des cultures régionales italiennes. Une enveloppe de 10 millions d’euros sera destinée à la mise en valeur des collections de l’ex-musée colonial qui a fermé il y a une cinquantaine d’années ainsi que de celles du Musée d’art oriental Giuseppe-Tucci. « C’est un véritable travail de rationalisation et presque de “couture” de ces différentes collections [entre elles], travail qui vise aussi à dépasser les logiques de la culture positiviste, évolutionniste et coloniale de l’Europe des XIXe et XXe siècles, précise Andrea Viliani. Nous vivons au XXIe siècle dans une société globalisée, numérisée, plus articulée et complexe que les précédentes avec des sensibilités qu’il faut savoir écouter. » Un travail auquel se consacre une équipe d’environ 70 archéologues, historiens de l’art, anthropologues, scientifiques… Laquelle équipe devrait être deux fois plus nombreuse d’après l’organigramme prévisionnel de ce musée visant à se transformer en un pôle d’attraction culturel local mais aussi national et international. Des liens étroits ont déjà été noués avec des universités et des centres de recherche allemands, mais aussi des prêts d’œuvres octroyés aux musées parisiens Guimet et de l’Homme ou encore à celui de Nantes.
« Nous sommes très attentifs également aux débats en France concernant les restitutions d’œuvres pillées pendant la colonisation », affirme par ailleurs le directeur. Un comité créé au sein du Musée des civilisations a déjà entrepris de recenser et de cataloguer de manière minutieuse les collections de l’ancien musée colonial italien. « Aucune demande [de restitution] ne nous est encore parvenue, mais nous devons à la fois être prêts et permettre au gouvernement de proposer de sa propre initiative des restitutions, explique Andrea Viliani. Ce thème est abordé sans craintes ou préjugés. Les restitutions ne doivent pas être envisagées de manière générale mais particulière pour chaque objet. Nous avons également des objets qui ne sont pas arrivés en Italie à la suite de spoliations, mais qui sont des dons de souverains africains à la cour papale. Nous ne devons pas redouter la complexité. C’est aussi la mission d’un musée qui ne doit pas juste conserver mais aussi expliquer. »
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Rome aura bientôt son musée « de l’anthropocène »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°599 du 18 novembre 2022, avec le titre suivant : Rome aura bientôt son musée « de l’anthropocène »