Laissés à l’abandon depuis plusieurs décennies,
les quais du Tibre ne semblent pas attirer l’attention des édiles romains malgré la création discrète dans les années 1980 d’une section chargée de leur réaménagement. Devant
cet état de fait, une architecte britannique a conçu un projet abouti de réhabilitation
visant à réintégrer le fleuve dans la cité. Il fera l’objet
de plusieurs expositions.
Londres (de notre correspondante) - Rares sont les villes européennes qui font, de nos jours, bon usage de leurs fleuves. La Tamise, la Seine et le Tibre – trois des plus grands cours d’eau urbains d’Europe –, étaient autrefois au cœur de Londres, de Paris et de Rome de grandes artères commerçantes. Le déclin de la navigation fluviale au début du XXe siècle a sonné le glas des fleuves dans leur histoire urbaine, et leur abandon peut être considéré comme l’un des échecs de l’urbanisme moderne. À ce titre, Rome n’a pas particulièrement brillé par ses initiatives. Le Bureau du Tibre et de la zone côtière, une agence créée pour étudier les moyens de régénérer le fleuve et ses rives, prétend travailler “depuis le début des années 1980 sur des projets d’action et sur des interventions de réhabilitation environnementale et urbaine”. Or, le fleuve reste complètement exclu de la vie romaine. Rien ni personne ne parcourt le Tibre et ses quais. À la différence de Londres et Paris, aucun bateau public ou touristique n’assure de services réguliers et la plupart des Romains ne descendent que rarement sur les bords du fleuve, séparé de la ville par un mur en travertin de plus de 15 mètres de haut, érigé en 1870 pour protéger Rome des inondations. La seule initiative de taille entreprise sur ses rives – une structure moderniste dessinée par Richard Meier pour envelopper l’Ara Pacis – a fait l’objet de batailles politiques et sa construction est suspendue sine die. Face à ce problème, le Bureau du Tibre reconnaît que “le manque d’activités et la dégradation des zones ont provoqué une attitude généralisée d’indifférence envers le fleuve”. En effet, cette question n’a jamais reçu d’appui politique.
Devant cette désaffection, Libby Fellingham a travaillé à une solution. Cherchant à réintégrer le fleuve dans la cité, cette architecte britannique a élaboré pendant près de deux ans un projet intitulé “Visions du Tibre”. Titulaire de la première bourse Geoffrey-Jellicoe en architecture-paysagisme offerte par la Landscape Foundation de Londres, elle a été en résidence pendant quatre mois à la British School de Rome en 1997. “En marchant le long du Tibre entre les stations de métro, j’ai d’abord pris des photos puis filmé avec une caméra vidéo ce paysage du fleuve très éloigné de la vie de la cité perchée au-dessus de lui”, estime Libby Fellingham qui a réalisé une série de vues du Tibre, pour la plupart exécutées à l’acrylique ainsi que des relevés topographiques de Rome. Finalisé en une grande maquette, son projet pour le Tibre ne devrait pas manquer de relancer le débat sur l’avenir du fleuve.
Axe écologique au cœur de Rome
S’inspirant de l’affluent qui coulait autrefois le long de la voie Appienne, l’architecte souhaite remettre cet axe en valeur, en inondant le Circus Maximus afin de créer l’illusion que l’eau disparaît sous terre pour rejoindre son cours principal. Or, s’il est prévu de faire de cette voie antique un axe écologique menant au cœur de Rome, il serait dommage de ne pas le prolonger en y incluant le fleuve. Libby Fellingham place l’île Tibérine au cœur de la cité qu’elle imagine. Un espace circulaire “contemplatif” et “essentiel à la régénération de l’île” y serait élevé, non loin d’un musée présentant les vestiges d’un bateau antique qui repose sous l’île. Selon elle, l’accès au Tibre sur sa rive droite pourrait être considérablement amélioré en perçant les murs d’une série de terrasses et de saillies, et en créant des marches menant aux quais plus larges. Lorsque le niveau de l’eau le permettrait, bars et cafés pourraient investir les lieux et attirer les Romains sur ses quais jadis déserts. Les vues de Rome et la maquette de Libby Fellingham sont actuellement exposées dans le Surrey (jusqu’au 3 mai), dans les bâtiments du groupe pharmaceutique Pfizer qui a participé au financement du projet et du catalogue, avant de rejoindre le siège de la compagnie à New York (de juin à septembre), puis celui de Rome.
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“Roman”? fleuve
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°144 du 8 mars 2002, avec le titre suivant : “Roman”? fleuve