RODEZ
Riche des donations de Pierre et Colette Soulages, le musée de la Communauté d’agglomération a été inauguré par François Hollande trois ans et demi après la pose de la première pierre. Le bâtiment, remarquable, s’intègre naturellement dans le paysage. Il sert magnifiquement les œuvres austères du natif de Rodez. Mais les retombées de cet équipement au service du rayonnement de la région sont incertaines.
RODEZ - C’est non sans une certaine effervescence teintée d’angoisse que l’équipe du musée mettait la dernière touche à l’accrochage et aux réglages des lumières quelques jours à peine avant la venue de François Hollande et d’Aurélie Filippetti, annoncée le 30 mai. Il faut dire que l’enjeu est de taille. Ce n’est pas fréquent d’inaugurer un musée consacré à un artiste vivant, et de surcroît immense peintre célébré aux quatre coins de la planète ! Cependant, Pierre Soulages est resté un enfant du pays, qui n’a jamais caché l’attachement viscéral qui le lie à cette région de l’Aveyron, minérale, rugueuse et dépouillée. « Ma naissance est double. Je suis né à Rodez et je suis né aussi dans la peinture », a coutume de déclarer l’artiste, volontiers facétieux. Ses premiers chocs esthétiques ont donc éclos ici : devant les statues-menhirs aux mystérieuses incisions du Musée Fenaille, face aux hauts plateaux de l’Aubrac balayés par les vents, et enfin devant le spectacle émerveillé de l’abbaye de Conques et de sa nef, « comme une définition de la grâce au cœur de la compacité ».
Un « musée inhabituel »
C’est précisément en réalisant à la demande de l’État une série de vitraux pour l’abbaye entre 1986 et 1994 que naît peu à peu l’idée d’un musée. Mais non pas un « musée-mausolée » tout entier dédié à la personne de l’artiste ! Selon les vœux de Pierre Soulages, il s’agit au contraire d’un « musée inhabituel », soucieux de mettre en évidence le processus de la création artistique et d’accueillir, dans le cadre d’expositions temporaires, d’autres artistes afin de tisser des dialogues.
Destiné à abriter les deux donations effectuées par le peintre et son épouse à la Communauté d’agglomération du Grand Rodez (soit près de 500 œuvres), ce « musée-écrin » se veut aussi un « musée-paysage », pour reprendre les expressions des architectes catalans qui ont remporté le concours : Rafael Aranda, Carme Pigem et Ramón Vilalta, réunis sous le vocable de « RCR Arquitectes ». Au terme d’échanges féconds avec Pierre Soulages, les trois hommes ont donc conçu une architecture minimaliste dont l’épure de la ligne (une succession de parallélépipèdes) et des matériaux (un acier Corten auto-oxydant irisant le bâtiment de reflets roux) s’accorde à merveille avec l’œuvre du peintre. Par comparaison, on ne peut que déplorer la laideur du bâtiment moderne qui jouxte le musée sur la gauche : un multiplexe de cinémas et restaurants dont la banalité en arriverait presque à contaminer la perception de celui dessiné par l’agence RCR ! Sans doute est-ce là préoccupation d’« esthète », car le Musée Soulages se veut avant tout de plain-pied avec le tissu urbain et l’ensemble de ses habitants.
On retrouve ce même souci d’accessibilité, de clarté et de pédagogie dans le parcours muséographique conçu par Benoît Decron, le directeur des musées du Grand Rodez. Sur près de 2 000 mètres carrés se déploie ainsi un parcours libre alternant salles hautes et lumineuses abritant les toiles de grand format, et salles basses noyées dans la pénombre accueillant les œuvres sur papier, plus fragiles. Nulle cloison, nul cadre ne viennent interrompre le regard. De métal eux aussi, les sols et les cimaises rivaliseraient presque avec la subtilité de la palette du peintre. Avant l’accrochage, c’était d’ailleurs une des craintes de Benoît Decron. On le rassure : l’œil se promène en toute liberté dans cette symphonie de noirs et de gris, de toute beauté. Présentés dans une salle haute et étroite comme une nef romane, les cartons préparatoires des vitraux de Conques offrent une merveilleuse conclusion. Un seul rêve : prolonger cette parenthèse de sérénité par la visite de l’abbaye, à tout juste 40 km du musée…
Superficie : 6 000 m2
Espaces muséographiques : 1 700 m2
Salle d’exposition temporaire : 505 m2
Jardin : 3 ha
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Rodez inaugure son magistral Musée Soulages
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Abonnez-vous dès 1 €Jardin du Foirail, av. Victor-Hugo, 12000 Rodez, tél. 05 65 73 82 60. De septembre à juin, du mardi au vendredi 10h-12h, 14-18h, le samedi et dimanche, 11h-18h.
En juillet/août, le lundi 14h-18h, du mardi au dimanche 11h-18h.
Exposition d’ouverture : « Outrenoir en Europe. Musées et Fondations », jusqu’au 5 octobre.
Le musée accueille en son sein le Café Bras (Michel Bras), tél. 05 65 68 06 70
www.cafebras.fr
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°415 du 6 juin 2014, avec le titre suivant : Rodez inaugure son magistral Musée Soulages