La réouverture de la Galleria nazionale d’arte moderna à Rome, renommée la Galleria Nazionale, ne laisse pas indifférent. Si la rénovation du bâtiment est bien accueillie, le nouvel accrochage des espaces permanents, qui abandonne le parcours chronologique pour une lecture thématique, provoque de nombreux remous dont des démissions au conseil d’administration.
ROME - La réouverture de la Galleria nazionale d’arte moderna (GNAM), renommée la Galleria Nazionale n’est pas passée inaperçue. Dirigés depuis août 2015 par Cristiana Collu, le musée et son bâtiment construit il y a près d’un siècle par Cesare Bazzani ont bénéficié d’une grande restauration.
Cristiana Collu a réalisé un travail remarquable de mise met en valeur : dégagement des grandes baies vitrées qui obstruaient la lumière naturelle, rénovation des cours et jardins, nettoyage des 5 350 mètres carrés de parquet et des 1 800 mètres carrés de pierre, installation de nouveaux sanitaires…
Ce grand coup de propre est appréciable et la directrice « n’a pas eu peur de faire entrer la lumière qui “fait” réellement l’édifice ». Si l’entrée du musée a été repensée, la présence sur les nouvelles banques d’accueil d’une signalétique en anglais (« Ticket counter ») et non en italien est cependant plus surprenante, alors justement que l’on insiste sur le terme de « Galleria Nazionale ». L’emplacement de l’espace détente-café dans la salle des colonnes, à mi-chemin entre la cafétéria d’une auberge de jeunesse et un hall de gare, est tout aussi étonnant.
Un accrochage contesté
Mais si la rénovation extérieure est appréciée, le nouvel accrochage des collections est plus discutable. En lieu et place de l’exposition permanente, Cristiana Collu présente dorénavant des expositions thématiques de longue durée. L’exposition de réouverture « Time is Out of Joint » sonde l’élasticité du concept du temps non linéaire et qui court dans l’ensemble des salles du musée.
Jusqu’alors, la GNAM était un lieu incontournable d’apprentissage de l’art italien. Il suffisait de suivre le parcours chronologique pour prendre conscience de l’impact des bouleversements sociaux, économiques et culturels sur l’histoire de la peinture et de la sculpture. Ce chemin ordonné et didactique présentait des imperfections, mais il avait les faveurs des enseignants. Exit donc la présentation chronologique. Le texte introductif (et indigeste) signé de la directrice est l’unique guide du visiteur, puisque aucun panneau ni titre ne viennent enrichir ce propos sur quarante salles. Mais ce principe peut aussi être perçu comme une source de liberté, comme une invitation à revoir les œuvres pour elles-mêmes et non pour leur appartenance à l’histoire.
Tout aussi perturbant est la baisse de près d’un tiers du nombre de pièces exposées (400 au lieu de 600 sur les 20 000 des collections), auxquelles s’ajoutent une cinquantaine de prêts de particuliers ou de galeries. Certains passages sont précieux : les reflets de l’Hercule de Canova sur l’installation au sol de Pino Pascali (32 mq di mare circa), telle une invitation à repenser deux œuvres très célèbres ; la mise en perspective des œuvres de Pascali et Alberto Burri ; de Gianfranco Baruchello avec Alighiero Boetti ; de Luciano Spalletti et Kandinsky ; ou encore de Morandi et Lucio Fontana. Montrer par exemple We are all Flesh de Berlinde De Bruyckere face au Grande legno de Burri est éclairant. Il y a aussi des idées heureuses, comme les deux cabinets qui respectent rigoureusement un accrochage chronologique avec les œuvres de Mario Mafai, Antonietta Raphaël Mafai et Scipione, puis Arturo Martini et Filippo de Pisis, peu souvent visibles. Marion Baruch est aussi à l’honneur, mais il faut espérer que les prêts d’Otto Zoo se transforment en donations.
Il est en revanche plus difficile de comprendre pourquoi Burri et Fontana jalonnent systématiquement tout le parcours. À force de vouloir les confronter à d’autres artistes pour créer du sens, on en perd justement ; c’est bien ce qui dérange avec ces multiples rapprochements formels, linguistiques ou philosophiques.
Le dédain manifeste pour la sculpture du XIXe siècle est paticulièrement gênant : la table où sont entreposés pêle-mêle tous les plâtres avec leurs numéros d’inventaire très apparents comme dans une brocante est presque aussi insultante pour les œuvres que cette présence régulière des statues de l’Olympe tournées vers des murs ou des tableaux comme des visiteurs le seraient. Pourquoi éclairer d’ailleurs seulement le ventre du Vulcain de Pietro Tenerani, positionné de biais près d’une porte et regardant vers la salle suivante ? Est-ce novateur de placer la Junon par Camillo Pistrucci (vers 1840) face contre le Nosocomio de Silvio Rota de 1895 ? Si la disposition de ces sculptures, comme d’autres, pose des questions de sécurité, on a surtout l’impression qu’elles sont utilisées comme des éléments d’une vaste installation plus que pour elles-mêmes.
Deux démissions
Ce nouvel accrochage a provoqué des remous. Dimanche 16, deux des quatre membres du Conseil scientifique ont adressé leur démission au ministre de la Culture, Iolanda Covre et Claudio Zambianchi. Ce dernier s’en est expliqué au Journal des Arts : « Il s’agit d’un problème de méthodologie. Nous connaissions le titre de l’accrochage, mais pas les détails que nous avons découverts au moment du vernissage. Nous avons été mis devant le fait accompli. Or dans cette nouvelle logique, l’histoire de l’art ou une possible histoire de l’art des XIXe et XXe siècles n’apparaît pas, pas plus qu’une histoire des collections de la Galleria nazionale d’arte moderna. »
Pour autant, cette nouvelle présentation qui a provoqué une véritable levée de boucliers (mais il y a aussi des partisans) se révèle positive sur un point. Les salles de la GNAM ne désemplissent pas depuis quelques jours et les Romains, curieux, étudiants ou spécialistes montrent soudain un attachement aux collections historiques. Le musée a encore une belle vie devant lui. Il vient d’ailleurs de recevoir une aide de plusieurs millions d’euros pour la rénovation du pavillon Cosenza qui devraient permettre d’augmenter sa surface.
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Remous à la nouvelle Galleria Nazionale
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Abonnez-vous dès 1 €La Galleria Nazionale d'Arte moderno, à Rome © Photo Fernando Guerra
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°466 du 28 octobre 2016, avec le titre suivant : Remous à la nouvelle Galleria Nazionale