PARIS
Fermé depuis 2020, le Musée du barreau de Paris doit rouvrir au sein du Palais de justice d’ici à 2025, selon l’ordre des avocats. Ce que met en doute l’ancien conservateur du lieu.
Paris. « C’est une partie de l’histoire de France qui est en caisses, et cela me navre », confie Emmanuel Pierrat. Pendant presque dix ans, le médiatique avocat a été le conservateur du Musée du barreau de Paris. Une institution portée par l’ordre des avocats de la capitale, qui constitue son propre patrimoine dès 1806, grâce à de nombreux dons et legs.
« Les archives de l’affaire Dreyfus, du procès de Vichy ou de celui de Marie-Antoinette, des incunables, des sculptures et des estampes… » : Emmanuel Pierrat énumère les richesses inestimables de la collection du musée, sans pouvoir toutes les nommer. Des objets retraçant plus de deux siècles d’histoire de la justice. Conservés depuis 1909 dans la bibliothèque des avocats, située au sein du Palais de justice, les quelque 500 000 documents et objets ont été transférés en 1983 dans un hôtel particulier au numéro 25 de la rue du Jour, dans le 1er arrondissement de Paris. Mais l’immeuble (classé) est vendu en mars 2020 et, depuis, la collection est stockée dans des réserves, en banlieue parisienne. « C’est indigne ! De grands avocats nous ont donné leurs archives… Nous avons des legs avec obligation d’exposition, notamment celui de Pierre de Belay [1890-1947], qui a peint des scènes de tribunaux dans les années 1930. Des chercheurs demandent à avoir accès aux collections pour étudier les incunables, et ce n’est pas possible… », déplore l’avocat.
Suspendu de ses fonctions à la fermeture du musée, Emmanuel Pierrat dit avoir été chargé d’une mission d’un an par l’ancien bâtonnier de Paris, Olivier Cousi, afin de trouver un nouveau lieu pour accueillir l’établissement. « Je suis allé voir la chancellerie, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, les autres barreaux de France et le Conseil national des barreaux, assure-t-il. Le bâtonnier s’est opposé à tout ce que je proposais : on me demandait de trouver un endroit gratuit, sans aucun partenaire : cela n’existe pas ! » Ensuite, le coronavirus s’est répandu, enterrant pendant plusieurs mois toute possibilité de réouverture.
Le Musée du barreau de Paris est alors complètement dématérialisé et les collections sont consultables uniquement sur Internet. Dès la fin de la pandémie, des expositions hors les murs ont également lieu. Cet hiver, des clichés d’audience ont par exemple été affichés dans une salle de la Mairie du 16e arrondissement de Paris, et une exposition sur le rôle de l’avocat dans la cité a été organisée à l’Espace Dominique-Bagouet à Montpellier. Selon l’ordre des avocats, le musée devrait rouvrir ses portes au sein du Palais de justice de Paris à l’horizon 2025, dès que les travaux qui y ont lieu prendront fin.
« Impossible », rétorque l’ancien conservateur, qui, en conflit avec l’ordre, fait l’objet de procédures disciplinaires et poursuit son ancien employeur devant les prud’hommes. En premier lieu, selon lui, des raisons sécuritaires compliquent le projet. Femmes revenues de Syrie, procès en appel des attentats…, les audiences liées au terrorisme accapareront le Palais de justice pendant plusieurs années encore. Pénétrer dans le lieu ne sera donc pas aisé. « De plus, le bâtiment est classé, et cela coûterait très cher de l’adapter à la venue de personnes en situation de handicap, affirme Emmanuel Pierrat. Enfin, le Palais de justice est fermé le week-end : un musée qui fermerait le vendredi soir pour ne rouvrir que le lundi, cela n’a pas de sens… »
Pour Emmanuel Pierrat, l’ordre des avocats de Paris n’est tout simplement pas intéressé par ce musée. « Il n’y a aucun vrai projet de réouverture, certifie-t-il. Il n’existe aucun endroit dans le Palais de justice qui soit utilisable, à part, peut-être, pour en faire un coin réservé aux professionnels de la justice… » L’avocat avance que le problème ne serait pas financier – l’ordre des avocats de Paris a un budget de plus de 88 millions d’euros pour l’année 2023 –, mais résulterait plutôt d’un manque de volonté. « La culture n’intéresse pas l’ordre. La nouvelle directrice, Cindy Geraci, ne gère pas un musée mais une vitrine sur Internet, un site sur l’histoire de la justice. Basile Ader, l’ancien bâtonnier nommé en charge du musée, est à la tête d’une plus grande commission : sa fonction est honorifique », soutient l’avocat. Le barreau de Paris n’a pas souhaité réagir aux propos de l’ancien conservateur.
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Quel avenir pour le Musée du barreau de Paris ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°607 du 17 mars 2023, avec le titre suivant : Quel avenir pour le Musée du barreau de Paris ?