Pour la septième année consécutive, la campagne Visitez un jardin en France se déroule tout au long du mois de juin. De nombreux jardins sont mis à l’honneur. Nous vous invitons à découvrir deux potagers du XVIIe siècle, l’un, privé, au château de Saint-Jean-de-Beauregard (Essonne), l’autre au château de Versailles.
SAINT-JEAN-DE-BEAUREGARD - Aux portes de la zone industrielle des Ulis, le potager de Saint-Jean-de-Beauregard, classé monument historique, a retrouvé son aspect originel, à l’image de celui de Versailles. Ses propriétaires, M. et Mme Bernard de Curel, qui ont entrepris sa restauration en 1985, mènent une croisade pour sauver et transmettre le savoir-faire, souvent méconnu, des jardiniers. La botanique n’exige-t-elle pas la même perfection que n’importe quel autre "métier d’art" ? "Un jardin est un patrimoine à part entière, ne pouvant souffrir un abandon, même provisoire, sans issue fatale", affirme Mme de Curel. Elle estime qu’il est certes important de classer un monument, mais à la seule condition de conserver son environnement.
Au début des travaux, seule subsistait la structure du potager : les contre-espaliers d’arbres fruitiers et l’allée de pivoines. Les propriétaires décident alors de réintroduire des légumes rares et oubliés, des semences de variétés anciennes, en faisant appel à des associations de collectionneurs. Aujourd’hui, les serres, les fruitiers, réserves à légumes, chambres de conservation du raisin, évoquent le temps où un potager devait subvenir aux besoins d’une famille entière d’un bout à l’autre de l’année. Pour des raisons d’assolement, le potager est divisé en seize carrés. Tous les ans, quatre carrés sont mis en engrais vert, et les légumes sont transvasés. Le potager est odorant en toutes saisons, offrant narcisses et tulipes en avril, iris en mai, pivoines début juin, roses anciennes en juillet. Aromates, plantes officinales et condimentaires réhaussent ces variétés rares. Mme de Curel participe au "mois des jardins" depuis sa création, mais elle regrette que cette manifestation soit moins connue et moins courrue du public que les Journées du patrimoine, en septembre.
Le potager du roi
À Versailles, le potager du roi, ouvert au public depuis trois ans seulement, reste un lieu à découvrir. À l’ombre du château vous attend une enclave de plus de 9 hectares créée de 1678 à 1683 à l’instigation de Jean-Baptiste de la Quintinye. Ce potager est l’un des premiers à s’être consacré à la production de primeurs. Si Louis XIV voulait des fruits et des légumes à contre saison, la Quintinye lui donnait des asperges en décembre, des fraises en avril. Pour atteindre cet objectif, trois conditions étaient indispensables : une culture en creux, c’est à dire en contrebas de terrasses, la présence de murets protecteurs et l’adjonction de fumier frais pour réchauffer la terre. Un véritable microclimat a ainsi été créé à deux pas du palais. Jean-Baptiste de la Quintinye a eu deux problèmes majeurs à affronter, un terrain ingrat et le manque d’eau. Il parlait de terres "de la nature de celles que l’on voudrait ne trouver nulle part". Il fait alors combler le marais avec les terres provenant du creusement de la pièce d’eau des Suisses et de la colline de Satory. Pour l’irrigation, il fait venir l’eau par l’aqueduc de Buc et la stocke dans des bassins aménagés afin qu’elle se réchauffe. Une eau trop froide est peu favorable aux plantations.
Le successeur de La Quintinye, François Le Normand, introduit l’emploi de serres. Sa Majesté pourra désormais boire son propre café et déguster les ananas de son jardin. Louis XIV, comme l’a écrit La Quintinye, était "assez touché des divertissements du jardinage" et se rendait fréquemment dans son potager. Après avoir descendu les cent marches de l’Orangerie, il empruntait la grille du Roy, forgée par Alexis Fordrin et récemment restaurée.
Aujourd’hui, le potager est loin d’être une institution figée. Il abrite l’école nationale d’horticulture et l’École nationale du paysage. Ses membres gèrent le potager et offrent à la vente publique, chaque mardi et vendredi matin, pommes, poires et autres rhubarbes royales. Cours de jardinage, d’histoire ou de conception des jardins sont également dispensés aux amateurs. Enfin des visites guidées pour botanistes en herbe et curieux aux pouces verts sont organisés chaque fin de semaine.
Potager de Saint-Jean-de-Beauregard, 91140 Les Ulis. Tél : 60 12 00 01. Ouverture du 15 mars au 15 nov. dim et jours fériés de 14h à 18h. Tarif : 29F. Ouverture spéciale: samedi 4 juin de 14 à 18h et dimanche 5 juin de 10h à 18h pour une exposition d’orchidées. Visite guidée par les propriétaires à 11h (dim.), 15h30 et 16h30 (sam. et dim.).
Le Potager du Roi, 6, rue Hardy, 78000 Versailles : visites du mercredi au dimanche à 14h30. Renseignements : 39 49 99 91
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Potagers à l’honneur
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Abonnez-vous dès 1 €Pour ce nouveau mois des jardins, les régions éditent itinéraires et dépliants destinés à guider les visiteurs. L’ensemble des manifestations peut être également connu par Minitel, 3615 VMF. Par ailleurs, Le Guide des jardins de France, de Michel Racine, (Guides Hachette, 210 F), offre une sélection de plus de 550 jardins ouverts au public. Cet ouvrage de référence, réalisé par une équipe de spécialistes, fournit tous les renseignements pratiques nécessaires à la visite. Admirablement illustré, bien documenté et d’une lecture agréable, c’est aussi un beau livre.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°4 du 1 juin 1994, avec le titre suivant : Potagers à l’honneur