Polémique autour de la restauration de l’hôtel de Mayenne, à Paris

La remise dans son état XVIIe siècle d’un hôtel du Marais ne fait pas l’unanimité

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 2 février 2010 - 659 mots

PARIS - Signe de l’affaiblissement notable de la crédibilité des architectes en chef des Monuments historiques (ACMH), aucun nouveau projet de restauration ne semble aujourd’hui pouvoir éviter la polémique.

Après la triste affaire de l’hôtel Lambert, qui vient enfin de trouver un épilogue (lire l’encadré), la dernière en date porte sur un hôtel particulier du Marais, l’hôtel de Mayenne, situé au numéro 21 de la rue Saint-Antoine (Paris-4e).
 
Construit à partir de 1570, l’hôtel de Mayenne a été profondément remanié au début du XVIIe siècle par un membre de la dynastie Androuet du Cerceau. Ses façades donnant sur rue et sur jardin, classées en 1974, demeurent l’un des rares exemples d’architecture parisienne en brique et pierre du début du XVIIe siècle. Elles ont toutefois subi une modification importante : au XIXe siècle, un corps central a été ajouté au-dessus du portail afin de créer des mètres carrés supplémentaires pour l’école privée des Francs-Bourgeois qui l’occupe toujours, et développer une façade continue.

La pratique était courante, comme en témoignent des photographies anciennes. Mais la campagne de restauration menée dans le quartier a fait progressivement disparaître toutes ces constructions adventices afin de redonner une cohérence architecturale à ces joyaux de l’architecture française. Or, aujourd’hui, la démolition de cet avant-corps, pour revenir à un état XVIIe siècle, ne fait plus l’unanimité. Saisie de manière consultative dans le cadre de l’instruction de toutes les demandes de permis de démolir à Paris, la Commission du Vieux Paris a ainsi émis un avis défavorable. Ses experts estiment en effet que, contrairement à d’autres hôtels, l’adjonction a été ici construite avec une intention esthétique délibérée, dans un style néo-Louis XIII qui mériterait d’être préservé. « C’est un mauvais procès, conteste l’historien de l’art Alexandre Gady. Pour une fois, je suis dans le camp du retour en arrière. Il ne s’agit pas de faire un pastiche mais d’enlever un bouchon. »

Honorer un engagement datant de 1970
D’après ce spécialiste de l’architecture du Marais, cette façade présenterait des dispositions originales méritant d’être remises en valeur par la démolition. L’ensemble est parfaitement documenté, notamment grâce à des photographies des années 1870 conservées à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Jean-François Lagneau, ACMH responsable du projet, ne cache pourtant pas son embarras. « Cela pose un problème déontologique, admet-il, mais il aurait dû être évoqué lorsque la restauration a été lancée. » Car ce chantier a une longue histoire derrière lui.

Lancée en 1987 par son prédécesseur, Bernard Fonquernie (auteur de la restauration contestable de l’hôtel de Beauvais), la restauration s’est arrêtée en 1997 aux deux pavillons du Cerceau faute de crédits – elle est financée par le propriétaire, l’école via une association, et l’État. Mais l’avant-corps central devait déjà être démoli, d’où la situation d’attente actuelle. « Ce projet est aujourd’hui cohérent car l’opération a été lancée, souligne Jean-François Lagneau. Sinon, cela nous obligerait à dérestaurer les façades du Cerceau. » Alexandre Gady développe un autre argument. « Dans les années 1970, l’école a obtenu le droit de construire des bâtiments modernes à la place des anciens communs en échange de la disparition des parties du XIXe siècle sur la rue. » Il ne s’agirait donc que d’honorer un engagement ancien, confirmé par le plan de sauvegarde et de mise en valeur du Marais (PSMV).

Un argument réfuté par la Commission du Vieux Paris, car ce plan, qui prévoit en effet la destruction de tous les ajouts des XIXe et XXe siècles, fait aujourd’hui l’objet d’une procédure de révision. Or, durant cette période, les cas litigieux doivent être soumis à l’avis de la commission locale du secteur sauvegardé. Ce qui n’a pas été fait jusqu’à présent pour l’hôtel de Mayenne.
 
Un expert rappelle que la précipitation n’est pas toujours une bonne chose. « Il y a quelques années, quand l’hôtel de Guénégaud, construit par François Mansart, a été restauré, un avant-corps central a été détruit. Or il s’est avéré que celui-ci était d’origine… ».

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°318 du 5 février 2010, avec le titre suivant : Polémique autour de la restauration de l’hôtel de Mayenne, à Paris

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