ABOU DHABI / ÉMIRATS ARABES UNIS
Chronologique, le parcours s’efforce de montrer des similitudes entre des pièces d’origine diverse. Les visiteurs peu réceptifs à cette réécriture de l’histoire de l’art apprécieront néanmoins les chefs-d’œuvre.
Abou Dhabi. Le Louvre-Abou Dhabi se veut « universel », comme son mentor le Musée du Louvre. Pourtant, même avec ses 570 000 œuvres, le musée parisien n’est que partiellement universel, dans son acception géographique (l’Asie est peu représentée), et pas tout à fait encyclopédique puisqu’il s’arrête à 1848. Autant dire qu’avec 600 œuvres, dont 300 prêtées par des musées français, l’universalité revendiquée par le Louvre-Abou Dhabi fait tiquer. En réalité, Jean-Luc Martinez, président du Louvre, et Jean-François Charnier, directeur scientifique de l’Agence France-Muséums, ont autre chose en tête quand ils convoquent le terme « universel ». Non sans raison, ils pensent qu’il faut réécrire l’histoire de l’art, à leurs yeux trop formatée par le regard européen, et qui plus est inadaptée à un musée de pays arabe. L’étroitesse de la collection ne permettant pas de montrer l’étendue de la production artistique de la planète, même en réécrivant l’histoire, ils préfèrent rappeler que l’humanité partage, par moments, la même culture visuelle sous l’effet des mêmes causes. Autrement dit, il y aurait une universalité de la production artistique. En introduisant de l’anthropologie, l’exposition élargit ainsi la focale à une histoire des civilisations.
Mais pour ne pas trop désorienter les visiteurs, le parcours, d’une surface de 6 000 m² (l’équivalent du Musée Cernuschi à Paris) et réparti en douze salles, reste chronologique. Il commence par trois pierres taillées (bifaces) venant de régions différentes et se termine par des abstractions géométriques issues de plusieurs continents. En introduction, une première salle présente des ensembles d’œuvres qui se ressemblent formellement mais n’ont pas été produites dans le même espace-temps. Par exemple trois masques funéraires en or sont originaires, pour l’un de Chine, pour l’autre du Pérou et pour le troisième du Liban. Ce dispositif comparatif n’est pas systématique mais se répète assez souvent. Ici c’est l’invention du papier dont les premiers usages sont dévolus aux textes sacrés, l’opportunité de mettre côte à côte une bible gothique, une section du Coran et un extrait du Pentateuque en hébreu. Ailleurs, le retour à l’antique qui s’opère à la Renaissance trouve un écho en Chine dont la production du XVIe siècle regarde aussi le passé.
Cette façon de comparer des œuvres d’art venant de pays différents dans des périodes plus ou moins élastiques est très intelligente sur le papier, mais risque fort de laisser de côté une grande partie du public s’il ne bénéficie pas d’une visite guidée. Et comme le patron du Louvre a dû batailler avec l’architecte Jean Nouvel pour pouvoir accrocher quelques cartels, les visiteurs pourraient se contenter d’admirer simplement ce qui ressemble à un cabinet de curiosité. Et ils ne seront pas déçus, les salles regorgent de chefs-d’œuvre connus, parfois trop même comme dans la salle du XIXe, qui les conforteront dans l’idée qu’ils ne sont pas venus pour rien et que les Émiratis « ont mis le paquet ».
Si, pour des raisons évidentes, la Joconde n’a pas fait le voyage, La Belle Ferronnière de Léonard est une belle compensation. Dans la catégorie grand format, citons un Ramsès II, un sarcophage égyptien, le Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard de David, ou une installation d’Ai Weiwei figurant au choix une tour de Babel ou le Monument à la Troisième Internationale de Tatline. Une démonstration de force accentuée par la solennité des salles, la qualité des vitrines et les éclairages zénithaux, variables comme il se doit. L’universalité n’empêche pas l’excellence.
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Parcours permanent : une histoire des civilisations
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°489 du 17 novembre 2017, avec le titre suivant : Parcours permanent : une histoire des civilisations