Palmarès des expositions 2008

Suprématie asiatique

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 15 avril 2009 - 749 mots

Notre palmarès annuel des expositions mondiales en 2008 est une nouvelle fois dominé par le Japon. Valorisant son patrimoine impérial comme l’art national le plus contemporain, le pays profite de ses infrastructures capables d’accueillir plusieurs milliers de visiteurs chaque jour. Côté français, « Dans la nuit, des images » se hisse en troisième position des manifestations les plus fréquentées au monde.

Nos lecteurs fidèles ne s’étonneront pas de voir une exposition japonaise occuper le premier rang de notre palmarès annuel de la fréquentation des expositions mondiales. Ce pays offre en effet des espaces d’exposition gigantesques pouvant accueillir plusieurs milliers de visiteurs à la fois – un atout dont les sites occidentaux ne disposent pas. Situé à 850 km à l’ouest de Tokyo, le Musée national de Nara arrive non seulement en première position avec une présentation d’objets de Shoso-in, trésors impériaux du temple Todai-ji, mais il a établi un nouveau record de fréquentation moyenne en attirant 17 926 visiteurs par jour – tandis que « Picasso et les maîtres » (qui figurera dans le palmarès 2009), au Grand Palais, à Paris, accueillait 7 270 visiteurs par jour. Pendant deux semaines, le Musée de Nara a permis au public de découvrir quelques-uns des milliers d’objets conservés dans ce bâtiment interdit d’accès. Constitué au VIIIe siècle, l’essentiel du trésor est composé d’objets ayant appartenu à l’empereur Shomu (701-756).
C’est la troisième année consécutive que le Japon arrive en tête de notre classement, plaçant cinq expositions dans les dix premières. Comme l’an dernier, les musées japonais ont fait le plein en présentant de l’art asiatique, ancien comme contemporain. Le Musée national de Tokyo, habitué à la première place depuis 2004, arrive deuxième en 2008 avec une présentation des trésors nationaux du temple Yakushi-ji, attirant une moyenne de 12 762 visiteurs par jour. En troisième position figure la nef du Grand Palais, l’un des trois établissements occidentaux à figurer dans les dix premières places. 145 000 personnes se sont pressées pour visiter « Dans la nuit, des images », exposition d’arts visuels produite en partenariat avec Le Fresnoy, à Tourcoing (Nord). Plus de 10 000 visiteurs sont venus chaque soir, pendant une quinzaine de jours, découvrir la crème de la création audiovisuelle et multimédia européenne. L’excellente position (8e) du festival toulousain du Printemps de septembre s’explique non seulement par sa gratuité mais aussi par la multiplicité de ses sites et de ses manifestations autour de la création contemporaine… Une fois encore, le Metropolitan Museum of Art et le Museum of Modern Art (MoMA), tous deux à New York, ont dominé aux États-Unis, grâce, respectivement, à Courbet et Dalí. Le San Francisco Museum of Modern Art (SFMoMA) se situe aussi en bonne place, avec Lee Miller et Frida Kahlo en tête d’affiche pour une fréquentation de plus de 4 000 personnes par jour en moyenne.
Si les blockbusters ne sont pas considérés comme la panacée, certains se sont révélés un succès tant critique que commercial, à l’instar des « Guerriers en terre cuite » du British Museum (Londres). D’autres ont dû offrir des réductions sur les billets d’entrée, comme pour l’exposition sur le roi égyptien Tut, au Dallas Museum of Art. Enfin, certains ont fait profil bas. En 2007, la Tate Britain (Londres) s’était particulièrement distinguée grâce au succès obtenu à la fois par « Holbein » et par « Hogarth », avec plus de 2 000 visiteurs par jour en moyenne. En 2008, l’exposition sur John Everett Millais a affiché des chiffres honorables, sans pourtant dépasser les 1 500 visiteurs par jour. Si le musée a réduit son nombre de blockbusters, l’exposition sur Johann Zoffany prévue en 2010 a été annulée par crainte que sa fréquentation n’atteigne pas les 80 000 visiteurs espérés.

Méthodologie

Tous ces chiffres sont calculés automatiquement par notre base de données, qui compile le nombre de jours d’ouverture d’une exposition selon la formule suivante : le nombre total de jours entre la date du début et la date de fin, divisé par sept, multiplié par le nombre de jours ouverts par semaine, moins les fermetures exceptionnelles. Comme cette formule obtient systématiquement un chiffre imparfait, tous les résultats possèdent une marge d’erreur de 2 %. Toutes les données nous ont été fournies par les établissements concernés. Nombre d’entre eux proposent un seul et même billet pour les collections permanentes et les expositions temporaires, et ne peuvent donc pas donner des taux spécifiques de fréquentation. Quelques institutions proposent un billet pour plusieurs expositions – ils ne sont cités qu’une seule fois.

TOP 10 DES ANTIQUITÉS
Le monde de l’art antique n’échappe pas aux problèmes politiques contemporains, aussi les guerres en Irak et en Afghanistan ont-elles suscité un grand intérêt, comme en témoignent l’exposition « Babylone », à Paris et Berlin, et les collections du Musée de Kaboul présentées à Washington. Après quelques apparitions discrètes, les Grecs et les Romains sont revenus en force avec pas moins de quatre expositions organisées en 2008 à travers le monde, tandis que leurs voisins et rivaux du royaume géorgien de Colchide (les tombes Vani aux Freer & Sackler Galleries) ont également fait sensation. Les blockbusters d’art précolombien des années précédentes ont disparu, et le roi Tut, le gagnant toutes catégories de ces trois dernières années, arrive 4e à Londres et 9e à Vienne.

TOP 10 DE LA PEINTURE EUROPEENNE
En 2008, Sylvia Ferino-Pagden, conservatrice des peintures italiennes de la Renaissance au Kunsthistorisches Museum de Vienne, s’était distinguée à trois reprises, en assurant le commissariat de l’exposition sur Titien au musée viennois, ainsi que celui des deux versions de la présentation itinérante « Arcimboldo » à Paris et Vienne. Alors que la peinture européenne voit s’opposer d’ordinaire les Italiens aux Flamands, cette année a vu les Allemands (comptant Arcimboldo dans leurs rangs) faire une entrée fracassante avec quatre expositions. Absent de longue date, Poussin, au Metropolitan Museum of Art, à New York, a drainé les foules tandis que, pour la première fois depuis plusieurs années, aucun musée japonais ne figure dans ce Top 10.

TOP 10 DE L’ART IMPRESSIONNISTE ET MODERNE
La fermeture durant deux ans du Musée national Picasso, à Paris, pour son réaménagement, a permis à Madrid et Tokyo d’attirer les foules, venues admirer les collections de l’institution dans le cadre d’une rétrospective itinérante de l’artiste espagnol. C’est la première fois qu’un musée ibère occupe la première place dans cette catégorie – en 2004, le Musée du Prado était arrivé deuxième grâce aux œuvres de Manet. L’exposition sur Picasso a par ailleurs été la plus fréquentée d’Espagne, dépassant « Goya en temps de guerre », au Prado, de plus de 1 500 personnes par jour. Pour sa part, l’Albertina (Vienne) doit à Van Gogh d’avoir établi le record absolu de fréquentation pour une exposition en Autriche.

TOP 10 DE L’ART CONTEMPORAIN
Grâce aux œuvres d’artistes tels Bill Viola, William Kentridge et Robert Wilson, l’événement « Dans la nuit, des images », organisé sous la nef du Grand Palais, à Paris, arrive en première position. L’Europe damne donc le pion au Museum of Modern Art (MoMA) de New York, pour la première fois depuis 2004, année où le Musée Guggenheim de Bilbao était arrivé en tête avec une présentation d’œuvres de Gerhard Richter, Lawrence Weiner et Rachel Whiteread. La nef du Grand Palais occupe également la 8e place grâce à Richard Serra et sa « Promenade », dans le cadre de la série « Monumenta ». L’artiste natif de San Francisco est décidément populaire. En 2007, il était arrivé en tête de cette même catégorie avec une rétrospective au MoMA.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°301 du 17 avril 2009, avec le titre suivant : Palmarès des expositions 2008

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque