Morlaix - un tableau de Paul Sérusier accroché dans l’escalier, une petite salle d’exposition regroupant temporairement les meilleures peintures de la collection. Voilà tout ce que le visiteur peut apprécier du Musée des Jacobins de Morlaix (Finistère), logé dans l’ancien couvent des Jacobins et fermé au public depuis 2003 par un arrêté municipal invoquant des raisons de sécurité.
Motif : une dalle de béton d’un plancher située à l’intérieur de l’ancienne église, qui abritait les collections permanentes, ne serait pas en conformité. « Nous avons été surpris par la brusquerie de cette fermeture », déplore Gabrielle Perrier, présidente de l’association des Amis du musée. Les œuvres les plus importantes ont alors été expédiées à Vannes (Morbihan), au Musée de la Cohue, pour une durée de quatre ans, alors qu’un grand projet pour le musée était annoncé. Or, au moment de la fermeture, celui-ci n’en était qu’au stade de la réflexion. L’idée du conservateur en chef du musée, Patrick Jourdan, et de la mairie, est alors de créer un grand musée de territoire, baptisé « Musée du Pays de Morlaix », et de l’installer sur les 4 500 mètres carrés des locaux de l’ancienne manufacture de cigares. Cette ancienne friche industrielle située à proximité du port de plaisance, cédée par la Seita en 2001 à la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Morlaix, fait en effet l’objet d’un vaste programme de reconversion.
Cinq ans après la fermeture du musée, le foncier n’a toujours pas été acheté et certains s’inquiètent de voir la CCI s’impatienter. « L’acquisition doit se faire par le biais d’un établissement foncier qui n’a toujours pas été créé », déplore Patrick Jourdan. Le projet bute en effet sur son financement. Les études prévoient un coût d’investissement de 11 à 13,7 millions d’euros, financé à 80 % par l’État, la Région et le département, et un coût de fonctionnement annuel estimé à 900 000 euros, contre 360 000 pour le musée actuel. Trop pour une ville de 16 000 habitants ? C’est ce que pense Yvon Hervé, président de la communauté d’agglomération, qui refuse de mettre la main au portemonnaie et d’assumer la maîtrise d’ouvrage. Face à cette situation inextricable, les Amis du Musée commencent à perdre patience. En octobre 2006, ces derniers ont présenté à la presse locale un plan B, consistant à exposer la seule collection de peintures dans un espace plus restreint de la manufacture. « Il est temps d’agir avant que l’idée même de musée ne disparaisse de la ville », avertit Gabrielle Perrier. Mais la nouvelle carte judiciaire pourrait aussi faire des heureux. Situés dans le même ensemble des Jacobins, des locaux fraîchement rénovés dans le but d’agrandir le tribunal de grande instance mitoyen vont s’avérer être rapidement disponibles, du fait de la fermeture annoncée du tribunal de Morlaix. Pour Patrick Jourdan, cette solution, qui « constitue un projet en soi », signifierait l’abandon de son dessein de musée de territoire. À l’approche des élections municipales, le sujet pourrait donc devenir embarrassant, d’autant que le musée est dépositaire de deux legs prestigieux – l’un provenant du Musée du Louvre (1997), l’autre de Claire Denis, petite-fille de Maurice Denis (1999) –, tous deux sous condition d’exposition au public.
À Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône), la municipalité a fermé sans préavis en 2001 son Musée de Salon-et-de-la-Crau, pourtant labellisé « Musée de France ». La nouvelle équipe municipale souhaitait récupérer rapidement l’ancienne bastide qui l’hébergeait pour y installer le siège de l’Agglopôle-Provence, et couper l’herbe sous le pied aux autres villes candidates à l’accueil de cette structure intercommunale. Les locaux sont aujourd’hui trop petits et un nouveau déménagement est envisagé. Si la municipalité a fait son mea culpa, les collections d’arts et traditions populaires, mises en réserve, attendent encore des jours meilleurs. En mars 2007, soit six ans après sa fermeture, le conseil municipal a enfin approuvé un nouveau projet scientifique et culturel. Celui-ci prévoit de rapprocher les collections du Musée de Salon-et-de-la-Crau de celles du Musée militaire de l’Empéri, dont les collections appartiennent à l’État, au sein du château éponyme et malgré l’hostilité de la Société des amis de ce musée. Mais, entre l’attente de la validation du projet par la direction des Musées de France et le montage de son financement, les collections du Musée de Salon-et-de-la-Crau risquent bien d’être encore invisibles pendant de longues années.
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Musées en caisses
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°273 du 18 janvier 2008, avec le titre suivant : Musées en caisses