VERSAILLES
Pour rafraîchir le musée consacré à l’histoire de la ville, Versailles a dû innover pour pallier un budget très limité : les compétences des agents municipaux ont été mises à contribution.
Versailles. « Péréquation » n’est pas vraiment le genre de mot que l’on s’attend à entendre lors d’une inauguration de musée. Mais comme il s’agit d’une grande passion, voire d’une obsession, pour François de Mazières, le maire de la ville, la fiscalité des collectivités locales a naturellement fait irruption lors de l’ouverture du Musée Lambinet. Il a souhaité rappeler le contexte fiscal contraint dans lequel évolue cette « ville pauvre de riches » qu’est Versailles. Derrière les fastes du château, la Ville souffre de la suppression des taxes locales – Versailles a perdu la moitié de sa dotation globale de fonctionnement en dix ans –, de la péréquation donc – ce mécanisme de prélèvement et de redistribution entre communes –, sans avoir le dynamisme économique et industriel d’autres villes franciliennes. Si l’on ajoute la perte récente des recettes du parking du château (environ 3 millions d’euros par an), transférées à l’établissement public du château de Versailles, le tableau des finances versaillaises est bien morose. « Dans ce contexte, il faut être intelligent et ne pas tout fermer, explique François de Mazières. On veut arriver à une politique culturelle ambitieuse, mais on doit jongler. »
Le Musée Lambinet, élément fort de cette politique culturelle, constitue désormais un nouvel espace d’exposition temporaire, qui sera consacré à des parcours-dossiers, permettant aux conservateurs de partager leurs recherches sur les collections versaillaises. La rénovation offre un parcours entièrement rafraîchi qui fait mieux exister la programmation muséale locale face à l’attraction internationale que constitue le château de Versailles.
Au départ, il ne s’agissait que d’un chantier de remplacement des huisseries. Pour le mener à bien, le musée devait vider ses salles : « On s’est dit qu’on n’allait pas les réinstaller comme elles étaient avant », se souvient Émilie Maisonneuve, directrice du musée. Mais le budget ne suivait pas. Ainsi, alors que le musée se vidait, les services de la ville ont été sollicités pour rafraîchir le parcours en trois étages. Pas de marché public : ce sont les employés municipaux qui ont œuvré sur leur temps de travail. « Nous avons la chance d’avoir, dans nos ateliers, des gens de très grandes compétences, souligne le maire, capables de peindre des trompe-l’œil, de réaliser des travaux de menuiseries complexes. » La ville a ainsi pu s’offrir une rénovation complète du musée pour un coût de seulement 200 000 euros.
Les deux premiers étages du Musée Lambinet sont consacrés à des period rooms, à l’exemple de ce que peut faire le château de Versailles voisin, avec les cartels déportés sur les baguettes de mise à distance, pour préserver l’ambiance immersive des salles reconstituées. Allégée, la muséographie gagne en lisibilité au rez-de-chaussée et au premier étage, mettant en valeur quelques pièces remarquables dès l’entrée : une assiette peinte par Hubert Robert lors de son incarcération, la crosse d’un abbé francilien entièrement conservée, jusqu’aux inclusions en cristal de roche, et un portrait de chat (peut-être Brillant, le compagnon de Louis XV) par Jean-Jacques Bachelier.
Au rez-de-chaussée, une salle est entièrement consacrée aux collectionneurs d’aujourd’hui, qui, sous forme de carte blanche sont invités à accrocher les œuvres d’art en leur possession dans le musée municipal. Ce parti pris se révèle cohérent avec l’histoire du musée, fondé autour de la collection (aujourd’hui dispersée) des Lambinet, mais il s’avère aussi un levier efficace pour susciter la générosité de ces amateurs d’art. Lors de l’ouverture, c’est d’ailleurs un couple de collectionneurs anonymes qui a installé les œuvres de leur salon sur les murs de l’hôtel particulier du boulevard de la Reine, avec une promesse de legs au musée à la clef. Un bon moyen pour la Ville, dont le budget d’investissement est concentré sur les restaurations plutôt que sur les acquisitions, de faire rentrer Modigliani et Picasso dans ses collections.
Au second étage, consacré à l’histoire de la ville, la sobre scénographie créée par les ateliers municipaux touche à ses limites. Quelques salles sont trop vides et l’intervention d’un scénographe professionnel n’aurait pas été de trop. Le rafraîchissement du musée est toujours en cours, et son discours scientifique comme les cimaises sont amenés à évoluer au cours des prochaines années. Le grand bénéfice de cette stratégie interne est aussi d’avoir su conquérir un nouveau public : celui des agents municipaux, qui ne connaissaient pas, ou peu le musée. Avant les élus ou la presse, ce sont eux qui ont découvert en premier le résultat de leur travail, non sans fierté. « C’est devenu une démarche collective avec les services techniques qui sont plutôt éloignés des musées. Là, d’avoir participé à ce chantier, cela a créé une vraie synergie », se félicite François de Mazières.
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Musée Lambinet de Versailles, une rénovation très économe
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°602 du 6 janvier 2023, avec le titre suivant : Musée Lambinet de Versailles, une rénovation très économe