Le Rijksmuseum d’Amsterdam fête au mois de mai le bicentenaire de sa création. Alors que 1,3 million de visiteurs se pressent chaque année pour admirer principalement les collections de peintures, Ronald de Leeuw, son directeur, cherche à intéresser le public aux départements voisins d’Histoire et des Objets d’art. Dans cette optique, il entreprend le redéploiement des collections et répond à nos questions sur un chantier qui ne s’achèvera qu’en 2006.
Quels sont vos projets pour le bâtiment ?
Ronald de Leeuw : La structure intérieure de l’édifice conçu par Cuypers a été dénaturée dans les années soixante par l’aménagement de deux cours. Mon souhait est de retrouver son état de 1885. Au lieu d’entrer par les deux petites portes actuelles, sur le devant, les visiteurs passeront sous les arcades, comme le souhaitait l’architecte, et des verrières fermeront à nouveau les cours. Grâce au déménagement des bureaux et des ateliers dans un autre bâtiment, la surface d’exposition demeurera quasi inchangée.
Œuvres et objets d’art seront désormais exposés ensemble. Comment fonctionnera cette nouvelle présentation ?
Cela signifie qu’une commode ne se trouvera pas sous chaque tableau et qu’une sculpture ne sera pas systématiquement juxtaposée à un meuble ; seules quelques salles présenteront un mélange de tableaux et d’objets. Notre intervention est simple : nous démantelons les salles existantes et les réinstallons dans un ordre différent. Par exemple, à côté d’une salle de marines du XVIIe siècle, nous composerons une salle rassemblant les héros de la mer, puis une troisième traitant de l’influence du commerce hollandais avec l’Orient sur les arts décoratifs. Celle-ci s’est d’abord traduite par l’importation de la porcelaine, puis l’invention des carreaux de Delft. L’idée est de renforcer la perception du temps ; en Hollande, l’histoire est généralement enseignée de façon thématique et les gens ont peu la notion de chronologie.
Comment se répartiront les différentes époques ?
Le circuit débutera au rez-de-chaussée, où sera présentée la période allant du Moyen Âge à 1600. À l’étage, suivront les XVIIe et XVIIIe siècles, et il faudra redescendre pour voir les XIXe et XXe siècles. Cette disposition fait admirablement écho à l’architecture, les arcs d’ogive du rez-de-chaussée s’accordant très bien avec le Moyen Âge et l’historicisme du XIXe siècle. Quant à la partie voûtée, elle abritera un schatzkamer, un “trésor” où seront exposés de petites pièces d’argenterie, des ivoires, des porcelaines, des verreries ou des miniatures. La présentation sera probablement dense, mais les objets exceptionnels seront placés dans des vitrines individuelles. Des pièces d’art asiatique seront intégrées dans le parcours, mais la plupart d’entre elles seront montrées à part, probablement dans les salles du bas. L’aile sud sera réservée aux expositions temporaires et aux gravures.
Que pensent les conservateurs de ces changements ?
Leur sens du territoire participe d’un bon instinct, car il témoigne de leur attachement à la présentation de leurs objets, mais il faut parfois dépasser cette attitude. En proposant cet accrochage, je m’attendais à rencontrer une vive opposition. Il y a eu d’abondantes discussions, mais le département d’Histoire s’est réjoui à l’idée que l’immense toile de Bartholomeus van der Helst, la Célébration de la paix de Münster qui figure actuellement à côté de la Ronde de nuit de Rembrandt, fasse ainsi à nouveau partie de l’histoire du pays.
Mais cette présentation conjointe de l’art et de l’histoire pose inévitablement certains problèmes.
Il existe évidemment quelques dangers. Il ne faudrait pas interpréter un tableau de Pieter de Hooch comme une description littérale d’un intérieur hollandais, et une famille de Jan Steen n’est certainement pas une famille hollandaise typique. Ce musée n’a jamais été consacré à la vie quotidienne, mais aux trésors et aux classes aisées de la société. L’histoire n’y sera pas racontée à la manière d’un livre. Un musée concerne avant tout les objets et nous sommes là pour “évoquer” l’Histoire.
Souhaitez-vous donner une dimension plus internationale au musée, ou vous contenterez-vous d’une évocation de la culture néerlandaise ?
Le Rijksmuseum est essentiellement consacré à la culture et à l’art néerlandais mais, dans une certaine mesure, j’aimerais le rendre plus international. Nous sommes sur le point de recruter notre premier conservateur des peintures étrangères !
Il y a deux cents ans, Louis Bonaparte, roi des Bataves, fondait le Rijksmuseum à Amsterdam. Pour célébrer ce bicentenaire, le musée consacre une vaste rétrospective au Siècle d’Or qui fit la gloire des Pays-Bas. Pour compléter les chefs-d’œuvre de sa collection, il a obtenu de nombreux prêts, comme la Leçon d’anatomie du professeur Tulp de Rembrandt, le Verre de vin de Vermeer ou les Régents de l’hospice de vieillards de Frans Hals. Peinture, sculpture et art décoratifs au premier étage occupent les espaces habituellement dévolus aux collections permanentes, tandis que le cabinet des arts graphiques accueille une belle sélection de dessins et de gravures. Nous y reviendrons dans un prochain numéro.
- LA GLOIRE DU SIÈCLE D’OR, jusqu’au 17 septembre, Rijksmuseum, 42 Stadhouderskade, Amsterdam, tél. 31 20 674 70 47, tlj 10h-17h.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°104 du 28 avril 2000, avec le titre suivant : Mieux percevoir le temps