LENS
Marie Lavandier a pris la direction du musée en 2016. Historienne de l’art spécialiste du XXe siècle, elle a auparavant dirigé les musées de Nice et le Centre de recherche et de restauration des musées de France, après avoir travaillé au Musée du quai Branly et créé le Musée du président Jacques Chirac à Sarran.
Pouvez-vous rappeler le projet d’origine du Louvre-Lens ?
Du côté du politique, il s’agissait d’un projet de démocratisation culturelle et d’aménagement du territoire. Pour le Louvre, c’était l’occasion de faire vivre ses collections autrement. À Lens, ce projet a été relayé de manière assez magnifique, avec la mobilisation de la population en faveur de l’arrivée du musée. Les acteurs du projet ont fait, à l’époque, le pari magnifique d’un geste culturel fort dans l’accompagnement économique, social et urbain d’un territoire qui a souffert ces dernières décennies. Tout cela a engagé un niveau d’attente très important et, pour le Louvre-Lens, un niveau de responsabilité assez original.
Malgré tout, le Louvre-Lens porte les missions classiques d’un musée : la diffusion et l’éducation culturelle. Le Louvre-Lens n’est surtout pas le musée qui apporte, dans un mouvement descendant, la bonne parole, même si, sur le plan de l’histoire de l’art, de la qualité des œuvres et des expositions, il ne fait aucune concession.
Quel bilan tirez-vous des cinq premières années d’ouverture ?
L’enjeu était de s’ancrer dans le territoire, de prouver qu’avec la collection du Louvre, on pouvait faire un musée de manière différente, toucher un public divers, notamment les populations les moins qualifiées, les plus pauvres et les plus exclues des musées. À cet égard, nous obtenons des résultats, avec 65 % de public régional, dont 20 % de public venant de l’agglomération et 60 000 visiteurs déclarant venir de Lens dans une ville qui compte 30 000 habitants - des musées qui doublent le bassin de population en termes de fréquentation, il n’y en a pas beaucoup ! Tout cela est le résultat d’un travail quotidien et d’une politique des publics qui a été très importante depuis cinq ans, orientée vers le public familial, des enfants de 9 mois aux grands-parents. L’ancrage est donc en cours : le taux de fidélisation est notamment important, avec 42 % de visiteurs déjà venus au musée, et qui sont venus 6,3 fois au Louvre-Lens en moyenne.
Après, on aurait tort de se satisfaire de ce qui a été fait. Nous devons poursuivre notre action en faveur de l’ancrage territorial, et la structurer davantage pour la rendre plus visible. J’ai l’intuition ferme que ce qui, à terme, constituera la réussite de ce Louvre-Lens, y compris à l’échelle internationale, réside aussi dans cet ancrage dans le territoire, et pas seulement dans le fait de faire des expositions, fussent-elles innovantes.
Le Louvre-Lens est-il repéré comme un laboratoire ?
D’abord, nous sommes repérés par le Louvre, ce qui me fait très plaisir ! Henri Loyrette disait que le Louvre-Lens serait un laboratoire pour le Louvre, et cela commence par exemple avec la reprise à Paris de quelques-unes des expériences originales qui ont été menées à Lens, comme la présence du musée une fois par an dans les centres commerciaux. Les musées viennent du monde entier nous voir, de la Chine aux États-Unis, même si le Louvre-Lens reste parfois vécu comme un ovni.
La Galerie du temps devait, selon certains, être remise en question au bout de 5 ans. Allez-vous la conserver ?
J’ai refusé de la modifier de manière fondamentale : pour moi, elle doit durer. La Galerie du temps est un modèle remarquable, plébiscité par les visiteurs. Elle est ce qui incarne l’image du musée aujourd’hui. C’est un projet muséal et muséographique original qui a fait voler en éclat tout ce qui consiste d’habitude à structurer la connaissance dans les musées. Contrairement à d’autres institutions, nous n’avons pas d’ailes thématiques ni de sections : le visiteur est plongé de manière immersive dans le grand fleuve du temps et du monde de manière engageante et libre puisque, quelles que soient nos connaissances, la Galerie nous donne la possibilité de vivre une expérience originale avec les œuvres, y compris sensorielle : on peut tourner autour des œuvres, comme on ne peut jamais le faire dans les musées. Je trouve par ailleurs que l’axe chrono-géographique de la Galerie est le plus efficace et le plus pédagogique pour présenter 5 000 ans d’histoire et d’histoire de l’art.
450 000 C’est le nombre de visiteurs annuels du Louvre-Lens.Le Musée avait accueilli 900 000 visiteurs la première année.
"Osez le musée" Le Louvre-Lens est lauréat de la 1re édition de ce prix du ministère de la Culture qui récompense un musée qui a développé une approche volontariste en direction des publics du champ social.
« C’était un pari insensé si l’on y songe… et c’était d’abord un pari politique. Le Louvre sera l’un des instruments du développement de ce bassin et de la région. » Le président François Hollande lors de l’inauguration du Louvre-Lens en 2012.
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Marie Lavandier : "Le Louvre-Lens n’est pas le musée qui apporte la bonne parole"
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°709 du 1 février 2018, avec le titre suivant : Marie Lavandier : "Le Louvre-Lens n’est pas le musée qui apporte la bonne parole"