Les protagonistes de la rénovation du Musée des beaux-arts de Lyon affichaient un beau sourire, le 3 avril, pour l’inauguration de clôture des travaux, insistant sur l’exemplarité de ce chantier ambitieux, jamais en retard, et même en deçà des prévisions budgétaires. Exemplaire, l’entreprise l’est aussi par son ampleur et son succès. Elle a su donner une admirable fraîcheur aux bâtiments et à la muséographie, tout en respectant le caractère historique de l’ancienne Abbaye royale des dames de Saint-Pierre.
LYON - Les vieux arbres ont été arrachés et remplacés, les sculptures nettoyées, et du gravier neuf a été répandu sur les lieux de passage. Comme l’ensemble des bâtiments du Musée des beaux-arts, le cloître du palais Saint-Pierre connaît une nouvelle jeunesse, mais pas de bouleversement radical : si les arcades ont été restaurées, les architectes se sont bien gardés de les ouvrir sur la place des Terreaux, comme le souhaitaient certains élus. Le cloître reste donc, sous le regard de l’Apollon de bronze qui surmonte la fontaine, le havre de paix loué par l’historien de l’art Henri Focillon.
Rénové en profondeur et adapté aux exigences modernes – avec son auditorium de 200 places, sa deuxième librairie, sa cafétéria et son ancien réfectoire converti en espace d’accueil et d’animation –, le musée n’en demeure pas moins fidèle à son cadre historique, jusque dans les parties muséographiquement les plus difficiles, telle l’église Saint-Pierre qui accueille désormais des sculptures et des tableaux de grand format. Ces derniers, placés sous la tribune et au niveau de certaines travées, n’altèrent pas le beau volume de la nef du XVIIIe siècle et de ses chapelles, transformées en bas-côtés au XIXe siècle. Mieux, les cimaises qui les portent dévoilent, au fil de la visite, les éléments architecturaux d’époques antérieures, tels le porche roman, l’arc gothique de l’absidiole nord, et le baptistère récemment découvert.
Une réussite muséographique
Le bel espace, ample et rythmé, de la chapelle se retrouve tout au long des salles du palais Saint-Pierre, redessinées par Jean-Michel Wilmotte et Philippe Dubois. On peut ne pas aimer le classicisme parfois massif des architectes ou trouver le gris moiré des murs quelconque, reste que l’unité du style et des matériaux – parquet en bois tropical, pierre grise des Pyrénées, métal granité, enduits colorés –, la finition parfaite des vitrines et du mobilier en poirier, l’éclairage des œuvres sont admirables.
La lumière naturelle a été privilégiée dans toutes les galeries, département égyptien excepté : le cycle de Puvis de Chavannes, au deuxième palier de l’escalier gauche, est totalement transfiguré par son nouvel éclairage zénithal. Cette clarté met en valeur les nombreuses restaurations d’œuvres et de décors anciens du palais.
Dans les espaces d’expositions temporaires et dans le circuit rénové de la peinture de la deuxième moitié du XIXe siècle, des points de vue multiples sont aménagés, avec des systèmes de mezzanine ou de patio intérieur. On peut ainsi détailler depuis deux hauteurs différentes l’invraisemblable amas de corps de la Défaite des Cimbres et des Teutons par François-Joseph Heim, que le conservateur en chef Philippe Durey vient de sortir des réserves.
L’autre nouveauté très attendue était bien sûr le legs Delubac. Contrairement à certaines donations qui imposent une présentation groupée très stricte et l’exposition d’œuvres médiocres, ici, peu de concessions ont été nécessaires. La personnalité du couple de collectionneurs est simplement évoquée par deux petits panneaux biographiques, et leurs sculptures et tableaux ont pu être répartis entre le parcours des modernes et celui des impressionnistes. À l’exception d’un Nu assis de Modigliani douteux et de trois ou quatre toiles un peu faibles, l’ensemble accumule les chefs-d’œuvre, avec notamment un exceptionnel Saint Sébastien de Corot, une éblouissante Jeune femme à la pèlerine de Manet, un très intéressant Léger, une monumentale Sainte Face par Rouault, un Braque très coloré, ainsi que trois œuvres importantes de Miró, Picasso et Bacon.
Le public a déjà plébiscité ce chantier, réalisé en cinq tranches (lire le JdA n° 57) : la fréquentation du musée est passée de 70 000 visiteurs annuels en 1989 à 190 000 en 1997. Ce succès vaudra-t-il à Philippe Durey d’obtenir les crédits nécessaires à la bonne marche de l’établissement ? Le budget de fonctionnement, fixé à 29 millions de francs en 1989, est aujourd’hui réduit à 23,5 millions de francs.
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Lyon : rénovation réussie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°59 du 24 avril 1998, avec le titre suivant : Lyon : rénovation réussie