Visite guidée par son concepteur, l’architecte Jean Nouvel, d’un bâtiment qui a bien résisté à sa première
décennie. Le mur végétal et le jardin paysager de Patrick Blanc tiennent toutes leurs promesses.
Le mur végétal conçu par Patrick Blanc a apprécié la douceur de l’hiver. Orienté au nord-ouest, il est rarement réchauffé par les rayons de soleil. Si des plantes sont remplacées et des feutres changés pour mieux adhérer à la façade, les menus travaux tiennent de l’entretien courant, quoique plus exigeant qu’une façade minérale. Avant d’entrer dans le grand bâtiment conçu par Jean Nouvel, à l’issue d’un concours d’architectes ayant rassemblé tout ce que la planète compte d’équerres d’argents et de Pritzker prizes, il faut traverser le jardin qui s’est embelli avec le temps. À l’abri de la circulation derrière les grandes vitres (dont les affiches affectent légèrement le principe de transparence), le jardin paysager vit aussi au rythme des saisons, exubérant et agréable aux beaux jours. Malgré la pluie parisienne et la proximité des plantations, les chemins ne sont pas devenus boueux. Seul le plan Vigipirate écorne la douceur de l’accueil qu’il propose. Sur le côté s’élèvent les étages de bureaux dont la façade a été décorée par des artistes venant des communautés présentées au musée. Quoique l’on pense de l’invitation (anecdotique, opportune ou discutable), force est de constater que les motifs infligés au béton ont été finement polis par le temps, que les matériaux choisis, le verre en tête, ont bien supporté leur première décennie. La couleur des plafonds se démode, mais rien qu’un rafraîchissement ne puisse arranger. Le chemin circulaire qui mène à l’entrée latérale du musée est sans doute, dans son blanc légèrement délavé, la seule partie décevante d’une enveloppe architecturale aux atouts validés par le temps.
Accessible et modulable
À l’intérieur, Jean Nouvel rappelle son parti pris au Journal des Arts : « Je voulais des matériaux pauvres. » Il s’agissait de casser l’idée d’un musée intimidant, en évitant le marbre ainsi que tout ce qui pouvait refléter la lumière. « Les matériaux pauvres se dégradent, évidemment. Mais soit ils prennent une jolie patine, comme le cuir du couloir central, soit ils ne coûtent pas cher et sont faciles à remplacer. » De fait, les équipes de l’architecte sont régulièrement sur place pour remplacer telle ou telle pièce, retravailler l’agencement d’un des cubes de couleurs qui sortent du bâtiment au premier étage. Au centre du bâtiment, si le principe muséographique prête le flanc aux critiques (sur le découpage géographique, lire page 12), les outils n’ont pas pris une ride : les vitrines brillent comme au premier jour et sont bien éclairées ; les poteaux larges comme les fins tirants sont choyés. Leur présence est un cauchemar pour les scénographes des mezzanines, qui font aussi remarquer qu’un toit courbe, dans un musée, pose un problème notoire de calcul pour la hauteur des cimaises. L’architecte y répond : « La philosophie du bâtiment, c’est d’avoir un rez-de-chaussée parfaitement modulable pour les grandes expos temporaires. Les mezzanines ont été conçues pour accueillir de petites expositions. C’est aux scénographes invités de s’adapter. » Le ministère note, dans son projet de budget 2016, que « la construction récente répond aux besoins du musée ». Le Quai Branly a entamé des travaux de reprise du système de traitement d’air dans les espaces ouverts au public, d’autres dans les réserves. Rien que sa tutelle ne juge surprenant.
Si le Quai Branly a inauguré la saison 2015-2016 de manière très traditionnelle, les festivités vont démarrer en juin, mois anniversaire de l’ouverture du musée. Dès le 9 juin, le chorégraphe japonais Satoshi Miyagi retrouve dix ans après le théâtre Claude Lévi-Strauss qu’il avait inauguré avec un « Mahabharata » d’anthologie. En 2016, il proposera une création originale pour le musée, Le lièvre blanc d’Inaba et des Navajos avec la compagnie japonaise Shizuoka Performing Arts Center pour dix représentations tout au long du mois. Entre-temps le 21 juin aura commencé l’exposition de l’année, Jacques Chirac ou le dialogue des cultures, portrait culturel de l’ancien président, au fil de sa passion pour l’Asie, le Japon ou les arts précolombiens. Le commissariat a été confié à Jean-Jacques Aillagon, son ancien ministre de la Culture, chargé de rendre compte grâce à 200 œuvres de la marque laissée par Jacques Chirac sur les arts extra-occidentaux. Les visiteurs pourront la découvrir lors d’un week-end anniversaire en forme de « best of » du samedi 25 au dimanche 26 juin : 30 heures d’ouverture continue et gratuite. Au programme, rencontres, soirée festive, DJ sets, contes, ateliers, pour rendre compte de l’activité du musée. Enfin, les 29 et 30 septembre, le Département de la recherche consacre un grand colloque à la place des musées d’anthropologie dans le monde de la recherche permettant de revenir sur le projet du musée et son évolution, depuis son ouverture. Francine Guillou
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L’heureuse patine du temps
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°456 du 29 avril 2016, avec le titre suivant : L’heureuse patine du temps