Retrouver l’aspect originel des œuvres et des monuments détruits ou modifiés afin d’en proposer une juste interprétation a toujours été le souci des historiens de l’art. Aujourd’hui, le développement de nouvelles technologies, notamment par EDF et IBM, constitue un renfort de poids.
PARIS/FLORENCE. Inachevée puis endommagée par Michel-Ange lui-même, avant d’être terminée et restaurée par un élève, la Pietà Bandini est un cas d’école. Sans doute mécontent de la qualité du marbre, le sculpteur avait partiellement brisé, d’un burin rageur, le groupe sculpté qu’il destinait à son propre tombeau. Un de ses élèves, Tiberio Calcagni, s’était par la suite chargé de restaurer cette Pietà, aujourd’hui conservée au Musée de l’Œuvre du Dôme, à Florence. Retrouver l’état de la sculpture avant cette intervention, mais aussi déterminer le point de vue pour lequel elle a été conçue, tels sont les enjeux de l’expérience actuellement menée par IBM, avec la collaboration de l’historien de l’art Jack Wasserman. Pour ce faire, ils s’appuient sur une restitution numérique de la sculpture en trois dimensions, réalisée grâce à la compilation d’un millier de photographies prises à l’aide de la “Virtuoso”, une machine photographique à six objectifs. Au-delà du cas spécifique de la Pietà Bandini, la reproduction des monuments architecturaux et des sculptures en général est au cœur de cette expérience, l’intérêt de la troisième dimension pour leur étude n’étant plus à démontrer. L’ambition de Wasserman et d’IBM vise d’autre part à réduire le temps nécessaire à ce genre d’opération, afin de l’appliquer à une plus grande échelle et de créer des banques de données disponibles sur le Net.
De Karnak à Bagatelle
Les recherches conduites par EDF dans le cadre de son mécénat technologique sont d’une autre nature et répondent d’abord aux besoins de l’archéologie. Forte de la maîtrise acquise en matière de conception assistée par ordinateur, l’entreprise publique a proposé ses services aux égyptologues de Karnak. Modifié à plusieurs reprises entre le Moyen Empire et l’époque ptolémaïque, le temple d’Amon représentait pour eux un véritable casse-tête, les mêmes blocs ayant souvent servi dans des constructions successives. Pour reconstituer les aspects antérieurs du site, les chercheurs ont pris pour base de travail neuf formes élémentaires (cylindre, parallélépipède...), grâce auxquelles ils ont pu offrir une véritable grammaire architecturale aux archéologues afin qu’ils vérifient leurs hypothèses. Ces méthodes ont permis d’établir une histoire cohérente du complexe religieux, et il est désormais permis de le visiter virtuellement à l’époque de son choix. Les recherches d’EDF ont connu d’autres applications, à Delphes ou encore à El-Jem, en Tunisie, et ont également porté sur les problèmes d’anastylose virtuelle. Le résultat le plus spectaculaire de ce travail est le colosse d’Alexandrie que les Parisiens ont pu admirer récemment devant le Petit Palais. Ces réalisations sont à découvrir jusqu’au 6 décembre à Bagatelle, que les ingénieurs ont reconstitué dans sa configuration initiale avant la destruction du pavillon des Pages et la surélévation du Trianon.
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Les vertus du virtuel
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°67 du 25 septembre 1998, avec le titre suivant : Les vertus du virtuel